The Scythe-Meister a écrit:
Le problème est que tu lis le film entièrement à partir d'une grille préétablie, dans laquelle Spielberg n'est qu'un faiseur, est puritain, n'est pas capable de traiter un sujet sérieux qui serait le conflit Israelo-palestinien, en sait filmer que du spectacle...
Arrête de faire des systématismes s'il te plait, tu ne m'auras pas comme ça...
The Scythe-Meister a écrit:
Alors que le film passe son temps à aller explorer d'autres pistes, tu bloques totalement là-dessus, et tu oublies que le film est aussi dû en grande partie à Tony Kushner, qui n'est pas, à moins que l'on m'ait menti, un faiseur hollywoodien puritain. Ta politique de l'auteur unique limite complètement ta vision du film à des préjugé et des clichés sur Spielberg, parce que si Spielberg cautionne le travail de Kushner (qui a non seulement écrit le scénario, mais aurait aussi dirigé les acteurs et se serait occupé des scène de dialogue), je crois qu'il y a beaucoup de subtilités et d'idées, voire peut être même de scènes, qui viennent de lui. Alors Kushner est un super-technicien puritain qui n'a pas la carrure pour traiter un sujet sérieux et qui n'a rien à dire?
J'en sais rien (et je m'en fous), moi je vois que le film est signé Spielberg et j'y ai retrouvé des défauts trés spielbergiens. Et cette suprématie des scénaristes-star à Hollywood commence à me taper sur le systéme d'ailleurs, nous en reparlerons surement...
The Scythe-Meister a écrit:
Je ne crois pas que Gerry utilisait allégorie dans ce sens là. Ce qu'il veut dire, c'est que Spielberg ne traite pas directement du conflit Israelo-Palestinien, mais que ce conflit lui sert de contexte pour "étudier" des processus, qui ne sont pas spécifique à tel ou tel conflit mais qui concernent l'existence. C'est une forme tout à fait valable d'art.
Et puis son principal "sujet", si on veut être prosaïque, ca reste les attentats de Munich et la vengeance qui a suivit, qui ont maintenant 30 ans.
Oui, en fait je me suis assez mal exprimé sur ce coup là. Ce que je veux dire c'est que Spielberg, par la nature même de son cinéma, ne traite finalement d'aucun sujet précis, que ce soit le conflit géopolitique en question, ou n'importe quel conflit en général. Il choisi de faire son film comme un thriller d'espionnage (ce qui en soit n'est pas une mauvaise chose) mais n'arrive jamais à sortir du format du simple genre pour aborder clairement un des thémes auxquels le film prétend, et quand il essaye, c'est flou, maladroit, ça sort complètement du film même (la fin !). Et ça c'est trés hollywoodien, c'est toujours raconter la petite histoire en la collant sur la grande. Comme le disait Daney : "L'Histoire devient le décor du film, et le décor, le remord du sujet non traité" (superbe cette phrase, non ?). Et là, c'est exactement ça, on sent bien que le film flotte, qu'il veut aller quelque part, mais qu'il stagne entre deux statuts. Au final il n'apporte pas grand chose à la question, ses prétentions politiques et philosophiques sont vaines et l'aspect thriller gaché par ces dernières.
The Scythe-Meister a écrit:
Parce que c'est dans la logique du processus de dégradation que montre le film et du traitement du sexe et du corps durant tout le film. Et dans cette logique, la violence/confusion/absurdité finit par toucher ce qu'Avner a de plus intime -le corps amoureux- et précieux -sa famille, son amour pour sa femme-. Le "je t'aime" que prononce la femme d'Avner à la fin de la scène semble tomber dans le vide, n'être une banalité qui a perdu tout son sens. C'est là où se trouve le sens du film.
D'accord, vous m'avez donc bien convaincu que cette scène c'est pas n'importe quoi, qu'elle a sa place et un sens dans le contexte du film. Donc Spielberg ne fait pas n'importe quoi, soit.
Cela dit, je continue d'avoir des réserves sur sa confection, je trouve qu'elle est trés chargé pour pas grand chose, qu'il lui faut beaucoup de moyen, pour n'accoucher que d'une souris. Tout ce montage parallèle, tout ce sexe sans âme et surtout tout ce qu'il y a eu entre cette scène là et la première scène de sexe, pour démontrer que "la violence contamine les âmes et détruit tout", je trouve ça pauvre. Bonjour l'enfonçage de portes ouvertes !
A titre de comparaison je préfère largement
A History of Violence, où l'on nous montre également deux scènes de sexe opposés (entre sexes opposés), l'une tendre (mais morne), et l'autre animal et sauvage (mais passionné). Le sexe n'y est pas incompatible avec le violence, bien au contraire, et c'est en ça que le discours de ce film me semble bien plus pertinant que celui (convenu et banal) de
Munich. Cronenberg nous dit que la violence est inhérente à l'homme, qu'elle n'est pas simplement sa face caché, mais aussi son moteur et que la refouler, c'est se voiler la face. Le héros du film éxiste enfin, aprés l'avoir fait éclater au grand jour. Et puis Cronenberg sait filmer sans chichi, sans effet de manche, il n'a pas besoin d'un montage parallèle hyper lourd et démonstratif pour s'exprimer. Parce que lui il est vraiment fasciné par le corps humain, c'est quelque chose qu'il aime observer. Alors que Spielberg ça le révulse. Le corps humain chez lui est toujours détruit ou humilié (ou ridicule), et non sans complaisance. C'est ça son puritanisme.
The Scythe-Meister a écrit:
Ce qui au passage contredit ton idée que le symbolisme ne propose forcément qu'une lecture.
Je ne crois pas avoir dit ça, mais plutôt que le symbolisme alourdi le sens (donc le film).
The Scythe-Meister a écrit:
En gros, s'il filme la mort en la dramatisant, le cinéaste américain (sans parler de Spielberg) est amoral parce qu'il fait du spectacle avec la mort, s'il la filme de manière réaliste, il est amoral parce qu'il exhibe la mort dans ce qu'elle peut avoir de cru. Donc on ne montre rien?
Non, on fait du cinéma, et il me semble que ce dernier commence lorsqu'on a trouver un équilibre adéquat entre morale et représentation. Voir plus bas.
The Scythe-Meister a écrit:
Spielberg a parfaitement conscience de ce qu'il fait dans cette scène. Et il ne condamne pas le geste!
Ha bah super ! Génial Spielberg !
The Scythe-Meister a écrit:
Les remords du personnage sont une chose, ils ne sont pas forcément à rejeter sur le cinéaste. Tu veux porter le film sur le terrain moral là où Spielberg l'évite, non pas par manque de conscience mais parce que le film passe son temps à mettre les personnages face l'inanité de leurs actes et à leur amoralité (et non pas imoralité), c'est à dire aussi l'absence de sens. C'est ca le sens du film et de cette scène. Tuer un assassin, c'est se retrouver face à l'incompréhensible et à un bout de viande, on ne sauve pas le monde, on ne découvre un sens nouveau, on est pas soulagé ni vengé, on ne sent pas plus juste, ca ne rend pas plus intelligent, et on ne peut même pas l'intellectualiser - est-ce pour ca que tant de cinéphiles pseudo-intello refusent le film, parce qu'il entre volontairement dans un ordre où ils n'ont plus le contrôle, où ils ne peuvent plus se reposer sur leurs catégories
?
Non, mais parce que :
The Scythe-Meister a écrit:
Et puis on est dans la fiction, c'est pas un vrai cadavre qu'il montre, il y a un moment où il faut se calmer avec ces histoires de morale, sinon on ne fait plus de cinéma. C'est à se demander qui est puritain, je trouve ta première phrase du paragraphe hyper puritaine...
Il y a entre un réalisateur et un comédien un contrat moral, tacite, ou le premier ne regarde pas l'autre de haut, n'éxhibe pas son corps humilié, n'abuse pas de lui. Et Spielberg ne respecte jamais ce contrat. Je n'ai rien contre le nudité au cinéma (bien au contraire) mais seulement quand c'est positif ou centrale (genre la beauté du corp féminin dans
le Mépris, ou
Quatre nuit d'un rêveur) quand c'est dégradant, je trouve ça
immonde de filmer des acteurs dans ces conditions. Toi ça te laisse peut-être indifférent, grand bien te fasse, mais moi ça me choque énormément. Et c'est valable ici pour cette scène comme pour les scènes de déporté nus de
Shindler.
Et qu'on arrête de me sortir des trucs du genre : "il filme la réalité en face, l'horreur tel qu'elle est, etc" parce que ça, c'est de la connerie en barre.
Le cinéma, l'art, c'est pas bêtement reporduire la réalité, l'éxhiber tel quel, mais
l'exprimer, aucun intérêt sinon. Et plus le sujet est tendancieux, plus il lui faudra inventer des nouvelles formes pour l'aborder. C'est dans sa puissance d'évocation que le cinéma prend tout son sens, pas dans son naturalisme abject. A ce tarif là, on peut tous faire du cinéma, c'est trés simple de filmer des gens humiliés, souffrants, torturés, mourrant et de dire "regardez comme je suis un grand auteurs lucide et courageux face à l'horreur du monde, je vous montre son obsénité dans les moindres détails". Or, montrer l'obsénité - et c'est ce que fait Sielberg dans cette scène - ça a un nom, trés précis étymologiquement : la pronographie.
Et la porngraphie, c'est l'antithèse du cinéma (qui n'est jamais aussi beau, aussi fort, aussi puissant que quand il est digne), c'est à dire une image crue, à prendre pour ce qu'elle est, sans recul ni distance et surtout sans dignité. Et je trouve que Spielberg, quand il filme cette femme nue faisant la morte, manque foncièrement de dignité.