Bon bah...
C'est grave à quel point ce mec parvient toujours à surprendre...y a des films sur lesquels il se repose, des récréations, qui arrivent après des films plus ambitieux (THE LOST WORLD, THE TERMINAL) mais quand il s'y met pour de vrai...j'ai revu ces derniers jours LA GUERRE DES MONDES, CATCH ME IF YOU CAN, MINORITY REPORT et SAVING PRIVATE RYAN...ça reste épatant...
LA GUERRE DES MONDES est un monument de mise en scène où l'on retrouve du déjà-vu (en terme de sa filmo) comme la scène dans la cave avec l'oeil ou les extra-terrestres, identique à celle des Raptors dans la cuisine...et à côté, y a du tout nouveau...la manière de filmer la première attaque du Tripode de manière documentaire (caméra à l'épaule, grain, ça c'est acquis, mais l'engin/SFX jamais magnifié, l'échelle humaine, la composition très riche du cadre en différentes strates, etc.) demeure étonnante même après plusieurs visions.
CATCH ME IF YOU CAN, c'est pas tant au niveau de la mise en scène que de l'histoire et des scènes...c'est à la fois tellement spielbergien et à la fois pas ce qu'on aurait pu attendre...pareil pour MINORITY REPORT, notamment au niveau de l'humour...sinon ça c'est le film de la virtuosité pure au niveau des mouvements de caméra. Y a une gestion du timing "intra-plan" (je veux dire pas dans le montage) qui est exemplaire...
Quant à SAVING PRIVATE RYAN...qui attendait ça? Qui aurait pu prévoir ces 20 minutes de débarquement?
Et MUNICH c'est encore une fois la même chose...le bonhomme est un caméléon qui parvient toujours à garder son style...on a beau reconnaître ça et là des mouvements de caméra, des effets de lumières, etc...ça reste toujours différent...l'image délavée de RYAN n'est pas la même image délavée que MR qui n'est pas la même que celle de WOW. Et ce n'est encore une fois pas la même ici...
Ici les images paraissent ternes comme pourraient l'être des images d'archives. Ca use à fond de caméra à l'épaule et de zoom comme dans un reportage, mais aussi comme dans un film des '70s (pour les zooms).
Il y a évidemment une influence du thriller d'espionnage façon CONVERSATION SECRETE et compagnie...
Ca aussi, c'est le grand talent de Spielberg...cette capacité à lier divertissement et sérieux dans le sujet...on pourra encore une fois lui reprocher d'insuffler du suspense sur ce qui est bel et bien une "mise à mort", mais ici aussi, il ne fait qu'exploiter au mieux la situation pour représenter le point de vue des protagonistes...une équipe de tueurs qui n'a jamais tué...presque aussi amateurs que nous...qui apprennent au fur et à mesure à tuer...jusqu'à ce que devienne facile...presque routinier...
Et c'est ça aussi que nous montre le film. La violence engendre la violence. Le Mossad répond aux attentats de Munich par d'autres attentats. L'utilisation d'explosifs n'est pas innocent. Et le pire, ce n'est pas tant l'acte en soi mais justement cette répétition, cette habitude... Tout devient violence et la violence envahit tout. La violence devient quotidien. La violence devient dialogue. "Ils répondent à nos meurtres par des attentats. Nous dialoguons à présent", dit l'un des personnages.
Par ailleurs, le film n'a de cesse de mettre en relation israëliens et palestiniens comme revers d'une même médaille. Le décompte des athlètes assassinés en parallèle avec le décompte des cibles du Mossad. 11 noms Vs. 11 noms. C'est pas un hasard. A plusieurs reprises, israëliens et palestiniens ne seront pas mis en opposition mais seront comparés pour n'aboutir qu'à une seule conclusion possible : ils sont les mêmes.
Certains personnages ont beau essayer de défendre leurs valeurs, on n'y croit pas. Au final, tout n'est qu'illusion. C'est Avner lui-même qui ira se mettre dans une cage et non un quelconque opresseur. "It's about how vengeance doesn't fucking work", déclarait Daniel Craig à propos du film.
C'est exactement ça.
Et le dernier plan vient le prouver, tel un ultime "tout est dit". "CQFD".
Spielberg ne parle pas que du conflit israëlo-palestinien. Le "générique" l'indique tout de suite. Munich n'est qu'une ville parmi tant d'autres. Autant de villes où des actes affreux ont eu lieu et auront lieu. Ca ne s'arrête pas. MUNICH est également une métaphore évidente des évènements post-11 septembre, à savoir la traque d'Al Quaeda et la guerre en Irak comme réponses aux attentats du World Trade Center.
LA GUERRE DES MONDES montrait que personne, pas même la plus grandepuissance du monde, n'était à l'abri d'une attaque et évoquait l'impossibilité de l'occupation. Autant de parallèles évidents avec le 11 septembre. MUNICH, c'est la suite.
Spielberg n'a jamais été aussi engagé. Et différent. Comme l'indiquaient apparemment plusieurs critiques, le film est effectivement "plus intellectuel qu'émotionnel". Il est vrai, et c'est quelque peu déconcertant venant de la part de Spielberg, que le film est plus bavard que sentimental. On sent que c'est la tête qui parle. Après tout, c'est excatement ce qui se passe au sein de l'équipe. Les doutes leur viennent à l'esprit. Et tout du long, Avner reste hanté par Munich, par l'attentat.
Constamment, au cours du film, viendront intervenir des flashbacks de l'attentat. L'arrivée dans l'hôtel des terroristes, la prise d'otage, la couverture média, le fiasco des forces de l'ordre allemandes lors du catastrophique sauvetage raté à l'aéroport. La très grande majorité de ses scènes a lieu de nuit. Une nuit de cauchemar pur. Dès la première fois (la première scène du film), on sait ce qui va arriver et cette inélucatabilité vous prend aux tripes. La mort est partout, imminente.
Ces flashbacks viendront hanter notamment une scène vers la fin du film absolument terrifiante. Bizarre, c'est sûr. C'est l'une de ses scènes où on se demande si on est bien devant un Spielberg. Mais terrifiante.
A ce niveau-là, une fois de plus, le film joue sur les mêmes cordes que LA GUERRE DES MONDES...effroi (un explosion subite), tension (le retard dans une opération), horreur (le sang)...parlons-en de ça...je ne saurai pas vraiment dire comment mais j'ai pas l'impression de voir du gore comme dans SAVING PRIVATE RYAN...c'est plus la débauche de tripailles qui glace le sang...c'est pas "gore" quoi...c'est plus froid, clinique, sec, direct, c'est plus du A HISTORY OF VIOLENCE à ce niveau-là...
La manière dont Spielberg filme les corps (nus) tient du clinique qui tourne à l'indécence. C'est plus "violent" ou "dégueulasse". C'est la mort dans tout ce qu'elle a de plus horrible.
Les bémols? Pfiooo...y en a pas. Lol. Ouais, ouais, "vendu", ouais...
Le film dure 2h45. Est-ce qu'il parvient à éviter les longueurs? Oui. A 98% on va dire. Y a quelques légères longueurs dans le dernier acte mais c'est tout. Et surtout, ce dernier acte est poignant. Notamment, la toute fin. Spielberg signe ici sa meilleure fin depuis...pfooo, longtemps.
Les performances sont au diapason...alors après y a pas THE performance mais bon, c'est pas tellement un film à THE.
Plus j'y pense et plus j'y pense justement...le film déconcerte quelque peu, forcément quand on sait pas trop quoi appréhender ou au contraire, qu'on croit savoir ce que ça va être...c'est tellement bien calibré (dans un sens non-péjoratif), Spielberg sait où instiller de l'horreur, où instiller du suspense, où laisser respirer avec de l'humour, où faire sursauter, où tirer la larme (une seule scène, furtive), où faire réfléchir, etc.
C'est mené d'une main de maître...
Je dois revoir AMISTAD pour me refaire un avis (vu qu'une fois à sa sortie en salles) mais je peine à croire que Spielberg, vu comme il est lancé là, puisse un jour refaire un film comme AMISTAD...
5,5-6/6
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