Forum de FilmDeCulte

Très curieux, ce film hybride d'une insolente vitalité, d'un appétit narratif (façon grande fresque, presque désuète) rencontrant dans un grand clash le style cru de Verhoeven. Je connais mal le cinéaste, mais il y a immédiatement quelque chose de très brutal ici, constamment : un petit trio indissociable sexe-mort-argent, cash, honnête et volontiers vulgaire, préservé intact au sein du film historique et de ses codes, avec un naturel confondant. Des plans comme ça :


Ou encore des scènes comme la décoloration du sexe, tranquille devant le miroir en discutant tactiques de résistance, et qui est l'exemple type du crash-test qu'est ce film à chacune de ses minutes, de sa vivacité singulière.

C'est aussi trois cinémas qui se rencontrent et se mêlent : le film classique historique déjà, son ampleur et sa puissance narrative, sa solidité de mise en scène aussi ; le film danois à la crudité effarante, corps-viande et violence de chaque rapport, héroïne experte et frigide ; la série B, enfin, qui d'un manichéisme assumé (aussi complexe soit le tableau) à une certaine tendance au trait forcé et appuyé (la guirlande linéaire de péripéties, les retournements de situations soudains et invraisemblables, des trucs aussi outrés que le sceau de merde), finissent par donner au film un style, un ton inclassables.

Ce dernier point (l'aspect série B) fait peut-être un peu la limite de l'entreprise quand il se fait unique horizon : je trouve que le film peine, dans sa dernière partie, à épouser l'ambition d'un grand film sur la fin de la guerre, d'une grande œuvre (pas au sens de la reconstitution parfaite hein, je parle vraiment d'une carence à transcender un peu ce mix initial). Je retrouve en fait rarement, au fur et à mesure que le film avance pour se concentrer sur ses rebondissement en série (notamment lors de la fin hyper décomposée), la force que pouvait avoir le simple plan de la jeune fille en bicyclette montrant ses jambes aux soldats. La belle histoire d'amour, au centre du film, n'a également pas vraiment la place de bien déployer ses ailes... Bref, j'ai l'impression qu'au final, le film se clôt par son bout le plus automatique et donc le moins intéressant, même si des scènes fortes perdurent (la course finale et son cercueil). Pas de malentendu, je trouve l'ensemble fascinant et réjouissant, mais le film avait tellement pris de coffre critique avec le temps que j'avoue être un tout petit peu déçu.

Je retiens en tout cas un réal qui a trouvé une manière, sa manière bien à lui, de donner à ressentir la violence de la guerre ; de la faire planer, sadisme et crudité ambiante, impression de danger permanente, de toujours jouer sa vie et son corps, comme si tout était conjugué à un présent sans échappatoire, qui peut décider de te faire subir ce qu'il veut dès qu'il le souhaite, sans préavis (le "Tu es juive ?" / "Et alors ?" dont tu parlais Z, moi ça m'enthousiasme quelque part, je suis accroché à la réaction, à ce qui va suivre, en alerte comme rarement au ciné). Le film a cette férocité, cette cruauté, qui en fait d'emblée un titre majeur du genre.

Tom tu te découvres une cinéphilie sur le tard en fait ? Je te dis ça parce que je suis assez halluciné de voir que tu découvres des films aujourd'hui pourtant super connus (Les Evadés, les Melville, celui là etc...).

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CroqAnimement votre

Même question. Tu es pris d'une passion soudaine ?

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"Je suis prêt à accepter une tonne de qualité chez Spielberg" Lohmann

Non, j'ai raté quelques trucs emblématiques dans les années 90, mais je vois régulièrement des films depuis quand même bien dix ans, même si depuis quelques mois j'ai le temps pour un rythme plus soutenu. Après, depuis quelque temps, je fonce d'abord sur les copies HD, donc sur les premières sorties de Blu-Ray, donc sur des films assez emblématiques... Mais sur le fait de pas les avoir vu avant, je sais pas. J'ai un peu l'habitude de butiner dans tous les coins (je me fais rarement tous les films d'une période, d'un réal), ça explique peut-être certains gros films laissés de côté longtemps.

Une cinéphilie est aussi faite de trous, d'oublis, de rendez-vous manqués, de rattrapages, c'est normal. Elle se compose autant des films vus que pas vus. Moi je n'ai découvert Elephant man que samedi dernier par exemple.

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N'écoutez pas Film Freak

Et puis on vit jusqu'à 80 ans aussi, ça serait dommage de tout voir avant 25 piges.

Film découvert tout récemment aussi, grâce à la rétro Lynch.

Oh ça j'ai pas trop d'inquiétudes. J'ai l'impression que plus tu vois de films, plus tu découvres que t'as absolument rien vu. T'as l'impression d'avoir à peu près une idée juste d'une période dans un pays et BAM, tu découvres une filmo entière, ses influences, son héritage, quand c'est pas le cinéma d'un pays entier... Impression sympathique d'un plancher qui se dérobe sous tes pieds au fur et à mesure que t'avances.

Les mecs qui ont tout vu avant d'avoir trente ans, c'est sinistre. Surtout qu'il y a des films, faut quand même un certain âge, une certaine maturité, un certain éveil au monde. Les Mizoguchi majeurs (ceux des années 50), je les ai vu entre 20 et 25, et je suis passé totalement à côté. J'ai plus qu'à les revoir maintenant...

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N'écoutez pas Film Freak

Imagine tu vois tous les bons films avant 50 ans...après c'est 25 ans de Halal Police d'état et de La Croisière.

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Mais quand tu aimes le cinéma "populaire" d'une certaine manière comme semble l'aimer Tom et que tu vois que Les Evadés est un film adoré par beaucoup de monde, il y a une certaine curiosité qui te pousse à vouloir te faire ton idée. Je me vois absolument pas attendre 10 ans avant de voir Black Swan par exemple (tout le monde te dit que c'est génial, le film a des prix partout etc...). Je comprends mal comment on peut passer à travers en fait, surtout si à la base c'est un genre de films qui intéresse.

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CroqAnimement votre

Du coup je me fais ma petite rétro Lynch perso, chez moi et en divix. Mais je pense qu'aucun de ses autres films n'arrivera à la cheville de celui-ci.

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N'écoutez pas Film Freak

C'est exactement ça, la vraie cinéphilie.

C'est tout à fait ça. Comme l'Emmenthal: plus t'en as, plus t'as de trous!

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Ed Wood:"What do you know? Haven't you heard of suspension of disbelief?"

Y a tellement de raisons, de facteurs divers, de trucs qui jouent (temps, envie, rejet, disponibilité, qualité, etc.).
Moi je le comprends totalement (d'autant plus que, en l'occurence pour Les Evadés, je trouve le film bon mais pas incontournable).

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