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MessagePosté: 18 Jan 2013, 19:28 
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Karloff a écrit:
Le problème n'est pas de le montrer, mais de comment tu le montres. Oui les mecs qui torturent à la CIA sont sans doute très sympas avec leur enfant, mais le montrer donnant une glace à des singes pour l'humaniser alors que des mecs - des arabes suspects hein, jamais on te montre un mec qui n'a rien fait dans le film - sont dans des cages, je trouve ça indécent.

Ah mais la différence entre toi et moi, c'est que pour moi cette scène ne l'humanise pas, au contraire. Moi j'en retiens que le gars est tellement déconnecté de la réalité qu'il traite les singes mieux que les humains, qui sont en cage comme les singes.
La présence des cages n'est pas innocente dans cette scène.

Si elle voulait l'humaniser, elle aurait pu le faire ailleurs, sans que les singes soient en cage ou sans que les cages des suspects soient dans le cadre, etc.

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MessagePosté: 18 Jan 2013, 19:31 
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Karloff a écrit:
Film Freak a écrit:
Encore une fois : "La vérité est que la torture peut porter ses fruits" (je parle pas spécifiquement du film là) "et le film te montre cette vérité" (je dis "cette" et non "la").


Donc tu es d'accord avec moi. Le film légitime en partie la torture.

Pour la 3e fois : oui.
Le film montre une vérité : la torture peut porter ses fruits.
C'est pas vraiment une vérité qui me dérange à vrai dire.

Citation:
Au nom de l'art et de l'interprétation de la vérité.

Au nom du propos que le film adopte (mais exprime mal) : le prix à payer pour arriver à ses fins.

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MessagePosté: 24 Jan 2013, 11:21 
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J'ai pas aimé du tout.
Le problème majeur pour moi c'est cette galerie de personnages tous plus détestables les un que les autres. En commençant par le personnage de Jessica Chastain qui n'est rien d'autre qu'une meuf qui fait de son travail une obsession personnelle dont la finalité n'est qu'une vengeance froide et primaire (tu vas aller tuer Ben Laden pour moi). C'est marrant parce que son personnage est très similaire à la Carrie de Homeland mais là où le personnage de Claire Danes est plus riche parce qu'elle a des failles et une certaine fragilité intrinsèque, le personnage de Maya est impénétrable, sans profondeur et sans humanité. Et c'est un peu pareil pour les autres perso, dont l'autre meuf horrible qui explique qu'ils ont un informateur mais que si il fait pas ce qu'ils veulent, ils n'auront qu'à le buter. Je dois dire qu'assez horriblement j'étais presque content
qu'elle se fasse buter comme une conne.


Car là où j'attendais un film complexe et riche sur la lutte anti-terroriste je me retrouve avec une oeuvre ultra basique où il ne s'agit plus de justice, de prévention, de protection des populations mais simplement d'aller buter le grand méchant loup. Alors c'est sans doute voulu, d'ailleurs je vois en Maya la métaphore des Etats-Unis eux-mêmes. Obsédés, seuls contre tous, persuadés du bien fondé de leur action et sans aucune hésitation quant à l'issue de la situation. Mais pour moi ça n'en reste pas moins finalement assez faible et tiraillé entre la volonté d'un document réaliste et exhaustif et un certain cinéma de guerre et d'action. Pour preuve cette scène totalement inutile qui nous montre les personnages lors de l'explosion du Marriot (je doute que les perso en question aient vraiment été présents ce jour là).

Et puis d'un pur point de vue de cinéma on est à des années lumière de Démineurs. La mise-en-scène de Bigelow est très posée, très télévisuelle (je me dis d'ailleurs que ça aurait sans doute été plus judicieux de faire une mini série qu'un film), aucune scène qui n'arrive à la cheville de la scène de snipe ou du déminage de l'autoradio de son film précédent. Et j'aurais presque envie de dire que Démineurs est largement plus passionnant dans ce qu'il dit de la relation des Etats-Unis au terrorisme dans le moyen-orient post 9/11. En tout cas je me dis qu'un mec comme Greengrass aurait pu insuffler plus de tensions, plus de nervosités dans ce film qui en manque cruellement.

Mais je dois dire que j'ai été agréablement surpris par la fin où outre la scène de l'assaut vraiment pas mal (même si un peu bordélique au début, on sait pas très bien où sont les troupes, on est un peu paumés), le traitement totalement anti-spectaculaire du meurtre de Ben Laden est franchement bienvenu. D'ailleurs c'est étonnant cette prise de position où les soldats tirent sur les femmes et les hommes alors qu'ils ne sont pas armés. On ne saura pas quels étaient leurs instructions avant l'attaque mais il apparaît clairement qu'ils avaient ordre de tuer tous les occupants (ce que je continue de ne pas comprendre, arrêter Ben Laden aurait été quand même assez fort, ils auraient pu avoir des infos sur d'autres cellules d'Al-Qaeda etc...). Et la fin est vraiment ce qui sauve un peu le film où il n'y a aucune effusion de joie et où Maya (=les Etats Unis) se retrouve seule et vide, comme si finalement tout ça n'avait pas vraiment de sens, que rien n'était résolu.

Globalement très déçu donc, alors que j'aime beaucoup Bigelow en général. Sinon pour la polémique sur la torture je comprends même pas le problème. Je vois pas en quoi elle cautionnerai quoi que ce soit. Elle se contente de montrer comment ça s'est passé, comment cela affectait les agents de la CIA (Dan qui préfère partir, qui ne supporte plus) et à aucun moment je ne la vois porter cette solution comme une réponse à tout.

2/6

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MessagePosté: 24 Jan 2013, 13:06 
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Le problème du film c'est qu'il consiste essentiellement en 2h40 d'illustration. Il n'y a aucun point de vue si ce n'est: l'Amérique a été attaquée, l'Amérique répliquera. Comme un cow-boy. Depuis les scènes de torture jusqu'à l'assaut final en passant par toutes les phases d'interrogatoire, Bigelow se contente de donner corps à une traque confidentielle. C'est toujours intéressant de pénétrer dans ces aventures cachées mais en l'occurrence, de quelle aventure parlons-nous? Bigelow est trop sûre de l'intérêt en soi de son sujet, au point que la tension est quasiment absente tout du long et ce en dépit d'une belle BO signée Desplat. On passe de scène en scène sans autre horizon que d'avancer dans une enquête que de toute façon on ne peut pas suivre à fond étant donné le peu d'éléments dont le spectateur dispose. Donc c'est un amas de dialogues plus ou moins entendus mais qui sonnent creux, n'ont pas d'impact réel, et comme à l'écran aucune scène un peu emblématique, un peu choc, ne vient donner le coup de fouet nécessaire, on a envie que ça se finisse. Or ça ne se finit pas. On en revient à ce que je disais sur la longueur des films: ici on a l'impression que Bigelow avec ses 2h40 a voulu imprimer un rythme de série, a voulu rivaliser avec Homeland. Mais Homeland est Homeland, une série est un série, le format cinéma ne pourra jamais concurrencer les séries sur le fourmillement des détails, des péripéties et les galeries complexes et évolutives des personnages et des lieux. Le cinéma devrait prendre le contre-pied et assumer ses spécificités, jouer sur la puissance de la mise en scène, créer des images dont on se souviendra. Lorsque les hélicos décollent de la base afghane avancée pour aller tuer Ben Laden, on se prend à espérer que quelque chose de fort commence: le halo marron flou des lumières sur le désert, qui se perd dans les ténèbres de la nuit est une de ces belles images symboliques. Les hélicos traversant les montagnes, se frayant un chemin dans ces vallées qui sont des gouffres gris, sombres et aux aspérités inquiétantes, comme l'est la nébuleuse Al Qaida dans l'imaginaire collectif, en est une autre. Quand enfin la caméra est embarquée à bord des hélicos avec les soldats qui finissent de s'équiper, on frissonne et on se dit: si la séquence continue d'être réussie, elle pourrait passer à la postérité comme une des scènes d'anthologie du cinéma américain comme celle d'Il faut sauver le soldat Ryan. Mais très vite, la tension diminue, parce que la séquence, à l'image du film, s'étire à n'en plus finir, trop sûre de ses effets alors que bon, quels effets? C'est vaguement inquiétant mais la mise en scène est très lisse, sans génie.

Le film est donc: jamais inintéressant, mais passablement lénifiant, sans aspérités. Sans personnages forts, à l'image de celui de Chastain, auquel on ne croit pas: elle ne joue pas bien la "tueuse", elle qui jouait la sainte dans The Tree of Life et Take Shelter. Écrire le nombre de jours au marqueur sur la vitre du bureau de son boss ne suffit pas pour caractériser une tueuse. Ça en devient même agaçant. Et l'on ne comprend pas son obsession, pas du tout creusée contrairement à Homeland qui profite de l'obsession de Carrie pour brocarder la paranoïa de cette Amérique post-11 septembre, à double tranchant. Ici, cette obsession se résume à celle de l'héroïne voulant défendre sa patrie après une agression ex-nihilo. Jamais n'est questionnée la relation de l'Amérique au terrorisme, d'où celui-ci vient, l'escalade de la violence, la vanité de tout cela. La torture est même justifiée; lorsque le tortionnaire se voit traitée par son prisonnier comme un déchet, il lui renvoie en pleine face ces accusations: "et toi tu es un terroriste, tu vaux moins que rien". Bien sûr, il faut montrer la torture, dire qu'elle a été importante dans les investigations, mais on peut se retenir de la justifier, voire de s'y complaire. Le pire c'est que la réal a dit ne pas la cautionner en interview, ça nous fait une belle jambe, son film est super ambigu en la matière. Encore une fois, le point de vue se résume à une Amérique vengeresse accomplissant sa Mission, ni plus ni moins. Et tant pis si cette Mission va déclencher dans l'autre camp des représailles, et alimenter le terrorisme pour vingt ans de plus.

1,5/6


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MessagePosté: 24 Jan 2013, 13:09 
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On est exactement sur la même longueur d'ondes.

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MessagePosté: 24 Jan 2013, 13:11 
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Art Core a écrit:
On est exactement sur la même longueur d'ondes.


Ouaip, je viens de voir ça, je m'étais retenu de lire ton avis pour ne pas être contaminé dans l'écriture du mien, mais... :)


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MessagePosté: 24 Jan 2013, 13:14 
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J'attendais pas le film après la semi déception Démineurs, et là vous confirmez. Merci les gars.


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MessagePosté: 24 Jan 2013, 13:19 
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Pas encore vu le film mais ça fait plaisir de lire un autre son de cloche après toute cette critique extatique (ce qui me rendait un peu sceptique, j'avoue).


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MessagePosté: 24 Jan 2013, 13:40 
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Prout Man a écrit:
Pas encore vu le film mais ça fait plaisir de lire un autre son de cloche après toute cette critique extatique (ce qui me rendait un peu sceptique, j'avoue).


et moi ça m'a donné envie de revoir Hurt Locker


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MessagePosté: 24 Jan 2013, 13:46 
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Moi ça m'a donné envie de dire que j'aurai préféré qu'il ne gagne pas l'Oscar, ça nous aurait évité de voir Bigelow plus surestimée qu'elle ne l'était déjà.

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MessagePosté: 24 Jan 2013, 14:02 
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N'empêche ces prix et ce succès critique, ça lui a sorti la tête de l'eau à Bigelow (après k-19)...Et là je vois que strange days ça été un super four.


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MessagePosté: 25 Jan 2013, 01:14 
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Putain zêtes dur quand même. La scène de l'assaut j'avais pas vécu une tension pareille depuis... ben Démineurs, tiens. Même si le film est beaucoup moins fort, il est tout aussi terriblement réaliste. Même si on ne retrouve les sommets de Démineurs (l'embuscade et le désamorçage de la radio donc), la tension est présente tout le long du film.
Le côté déshumanisé, ces personnages froids et distants, Chastain en mode robotique presque, moi, je trouve ça 30 fois meilleur qu'une Carrie Mathison. Ca donne un côté machine implacable à la chose, en mode on prendra 20 ans s'il le faut mais on le fumera, Bin Laden. (à comparer d'ailleurs, au Djihad qui doit durer 100 ans).

La torture... En fait, ça m'a pas gêné plus que ça. Que ça n'ait pas servi à grand chose au final dans la traque prouve bien l'inefficacité de la pratique. Ils se font chier à torturer un type pendant des jours/des semaines/des mois (on ne sait pas trop en fait) et au final il leur donne une bribe d'information...

Par contre je suis presque d'accord pour dire qu'une mini-série aurait peut-être été meilleure.

Le seul côté dommage c'est la dispersion de l'action dans le temps (je pense qu'il aurait été bien plus efficace de se concentrer sur la fin) et la réal effectivement pas fantastique.

Mais de mon côté on est à 5/6 tranquille.

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Dernière édition par elmomo le 25 Jan 2013, 10:35, édité 1 fois.

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MessagePosté: 25 Jan 2013, 03:49 
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Non mais ça va pas ou quoi! :shock: (elmono je suis de ton bord)

Ce film, c'est le chef-d'oeuvre de Kathryn Bigelow.

Je suis d'avis qu'un grand film ne devrait jamais t'imposer un point de vue de force. Pour moi, il est anti-constructif de le faire (surtout sur un sujet encore trop chaud). Il est important de prendre un recul avant de se lancer. Bien sûr, on ne peut éviter complètement la prise de position, et il est clair que le point de vue des personnages d'un film peut contaminer un peu une oeuvre (et que le choix de se concentrer sur des personnages américains donne plus de temps d'antenne à ces derniers qu'aux arabes ou aux gentils intellectuels). Mais l’honnêteté avec laquelle Bigelow arrive à se débarrasser des tics auquel on aimerait se rattacher devant l'horreur est salutaire.

Je donne en exemple cette scène de torture de 20 minutes au début du film (qui est absolument brillante dans sa conception). La torture qu'on y voit est insoutenable, aux antipodes de ce que réclame la morale populaire. Bigelow choisit de la montrer quand même, dans le moindre détail. Le spectateur aimerait y trouver un échappatoire, un geste humain, un parti-pris pour la pité, mais il n'y trouve rien d'autre que l'horreur. Bigelow, aidé d'une astuce de montage, nous illusionne toutefois de manière volontaire. Elle nous donne un minimum à quoi se rattacher. Le visage neutre de Jessica Chastain est utilisé à maintes reprises devant cet horreur. La douceur qui émane de son visage nous propose un repère, et bon nombre de spectateurs (dont je fais partie) se sont accroché avec espoir à ce visage, espérant qu'il s'exprime afin que cesse l'horreur. Il n'en est rien. Quand le personnage s'adresse au prisonnier, c'est pour lui dire de manière sèche: "Je ne peux pas t'aider. Tu es le seul qui peut te sortir de ce merdier en nous disant la vérité". Et c'est le seul moment du film où Bigelow jouera avec notre perception et notre point de vue, comme si elle voulait mettre au clair dès le départ qu'il fallait mettre notre morale et nos perceptions (sur la guerre, sur les femmes) de côté pour regarder le film de façon intelligente. En refusant de baliser son film de bonté et d'idées bien pensantes pré-mâchés, Bigelow nous livre un film absolument bouleversant qui nous laisse KO et déboussole notre esprit en nous laissant libre de trouver nous-même nos repères. À mon avis, Zero Dark Thirty est le film que Munich aurait dû être.

Munich était un film assez brillant dans son exercice de polar. Un film de genre bien foutu, mais qui devenait passablement maladroit quand il s'essayait à la politique. Dans le fond, le film était une grande entreprise de démonstration dédié à son slogan du style "le contre-terrorisme n'éradique pas le terrorisme, il le rend plus fort". Le point de vue est louable, mais il agace en nous donnant les réponses tout cru dans le bec. En ne cessant de nous offrir des balises à quoi se raccrocher et des exemples de ce à quoi devrait ressembler le monde (j'ai en exemple le douloureux speech de Kassovitz à la gare), le film court-circuite la réflexion (pas toujours, mais trop souvent). Au final, le film se révèle plus divertissant que fascinant.

Bigelow n'évite pas à 100% les balises rassurantes. Mais elle en pulvérise pas mal. Cette sécheresse de romantisme amène le film dans des zones où le cinéma américain ne s'est pas aventuré souvent. Jamais Bigelow ne profite du potentiel cathartique de l'entreprise (la séquence finale est hyper angoissante, mais n'obéit jamais au divertissement). Pourtant, et c'est un miracle, Bigelow trouve un moyen de rendre le film absolument captivant. Elle choisit de se tenir près des personnages, de leurs émotions, même s'ils sont répugnants. Elle ne prend pas peur devant eux. Pour ma part, je n'ai pu que ressentir une vive émotion devant un film aussi désintéressé par l'idée de montrer l'exemple, de livrer un message édifiant. En ce sens, jamais le film nous infantilise en tant que spectateur. C'est une oeuvre qui donne une confiance quasi aveugle a son public (c'est d'ailleurs pourquoi le film est victime de plusieurs interprétations). En ne se plaçant jamais au-dessus de lui, et en y allant molo sur les effets stylistiques, le film réussit à se placer à hauteur d'homme. En cela, il évite la froideur analytique ou formel qu'un tel projet pourrait avoir.

Bon, plusieurs continueront à croire que ce film est pro-torture. Mais je ne comprends pas la logique. La réalité est qu'on a utilisé la torture pour trouver Ben Laden, et que ça a fonctionné. Que ce soit dégueulasse ou pas, il aurait été hypocrite de monter un film sur la traque de Ben Laden en omettant/limitant ce fait. Pour qu'une réflexion constructive de ce conflit germe dans notre esprit, il faut d'abord en assimiler tous les faits, sans exceptions, avant d'en articuler une conduite utopique à notre guise.

Zero Dark Thirty est un film sur la traque d'un chef-terroriste. Point barre. On y observe sans jugement aucun, d'une manière sociologique, l'équipe qui a mené à sa capture. Le film se penche sur ce qui se déploie au sein de cette traque. À travers le personnage de Jessica Chastain, toute l'obsession américaine se manifeste. L'obsession de la réussite, entre autre. Mais lorsque les bombes éclatent dans le cercle professionnel, l'obsession laisse place à un désir de vengeance, de réparation. À la fin du film,
lorsqu'elle reçoit, tel un cadeau de Noel, le cadavre de Ben Laden dans un sac, elle semble se dire: "tout ça pour ça?". Elle laisse échapper une brève expression de soulagement. Mais rapidement, c'est la douleur qui l'emporte. le vide. Un sentiment de mort, d'insatisfaction. La réalité est que la capture de Ben Laden n'a apporté qu'un bref soulagement au peuple.
Le film a l'intelligence de nous laisser sur ce constat... ainsi qu'un tas de question sur la pertinence d'une telle opération.

Bref, je suis sous le choc. Très impressionné par la maturité avec laquelle Kathryn Bigelow et Marc Boal ont abordé le sujet. Ce film est une rareté dans un cinéma américain qui tourne souvent à vide, sclérosé par la manière Nolan de réfléchir le monde.

Avec les années, ce film montera au rang de chef-d'oeuvre dans mon coeur.

Pour l'instant, 5/6

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MessagePosté: 25 Jan 2013, 10:38 
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Je suis pas sûr que ton soutien me soit très utile en terme d'image pure, mais bonne critique. Jsuis d'accord sur pas mal de trucs.

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MessagePosté: 25 Jan 2013, 11:15 
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En ne se plaçant jamais au-dessus de lui, et en y allant molo sur les effets stylistiques, le film réussit à se placer à hauteur d'homme. En cela, il évite la froideur analytique ou formel qu'un tel projet pourrait avoir.


Je trouve pas du tout. A hauteur d'homme? En quoi? On ne sait rien de nos différents personnages, ils n'ont aucune personnalité, aucune épaisseur (cf. ce revirement du tortionnaire qui ne soutient pas sa collègue Chastain en estimant que Ben Laden n'est pas dans la maison, revirement totalement inexplicable, en tout cas inexpliqué et pas exploité par le film qui aurait pu en profiter pour parler de rivalités ou de désabusements, si c'était sa raison).


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