aka K-19 : le piège des profondeurs
En juin 1961, en pleine Guerre froide, dans les eaux de l'Atlantique nord, Alexei Vostrikov, le capitaine du premier sous-marin nucléaire de l'arsenal soviétique, le K-19, découvre que le système de refroidissement du réacteur principal est défaillant. A son bord, des ogives et un moteur à propulsion atomique menacent d'exploser si la température au coeur du réacteur ne baisse pas rapidement.
Coupés du monde extérieur et du reste de la flotte russe à cause d'une panne d'antenne, le capitaine Vostrikov et son second Mikhail Polenin doivent surmonter leurs différends pour faire face à la crise et éviter un accident nucléaire. Par ailleurs, si une telle explosion se produisait, les Etats-Unis pourraient croire à une première attaque soviétique et déclencher une guerre totale.Je n'avais jamais revu le film depuis que je l'avais trouvé moyen à sa sortie et, contrairement à autres Bigelow revus dans cette rétrospective, je n'ai pas changé d'avis.
C'est fou qu'après le bide de
Strange Days et l'invisibilité quasi-totale du
Poids de l'eau, la réalisatrice se soit vue confier un budget de 90M$ pour un film de sous-marin
feel-bad au possible sorti en plein été face à
Star Wars,
Spider-Man, Spielberg et Shyamalan à son
peak. Il y avait aussi un Jack Ryan, le premier Jason Bourne,
xXx,
Men in Black II,
Austin Powers 3,
Scooby Doo,
Lilo & Stitch, et littéralement tout a marché sauf le Bigelow. Même
Road to Perdition. Même
Le Règne du feu et
Windtalkers, qui sont des plantages, ont fait plus.
Parenthèse : le niveau des étés US y a 20 ans, ma gueule...c'était quelque chose.
A posteriori, on pourrait dire que
K-19 plutôt que
The Hurt Locker, réalisé six ans après ce nouvel échec, était le premier des films de la deuxième partie de carrière de Bigelow, plus ouvertement politiques et inspirés de faits réels. Comme d'autres films du genre,
K-19 revêt une nature métaphorique, faisant de la mésaventure une allégorie de l'Union Soviétique, avec son navire qui prend l'eau, aux équipements manquants et au commandement rigide, rongé par les complexes et l'orgueil (et c'est cool que Ford joue ce rôle, entre le Zemeckis et ça, il prenait des risques au début des années 2000). Ça aurait sans doute été plus approprié si cela venait d'un cinéaste russe (comme c'est le cas pour
Das Boot et Wolfgang Petersen) plutôt que du camp adverse mais le propos du film aspire à aller au-delà de simples questions de camp et à poser la question de la loyauté, envers le commandement vs. envers ses hommes (d'autant plus que, dans le contexte de la filmographie de Bigelow, ça se double d'une réflexion sur le désir de mort, désormais forcé sur les hommes et non dans la nature).
Le souci, c'est que l'écriture n'est clairement pas au niveau. Le scénario n'a aucun souci à exposer le contexte géopolitique et situationnel, à caractériser son capitaine borné et ambitieux et à instaurer les enjeux de vie ou de morts, et la mise en scène est plutôt compétente même si je ne trouve jamais ici la tension qui pressurise
Das Boot,
A la poursuite d'Octobre rouge ou
USS Alabama. Par contre, pour tout ce qui concerne l'évolution du protagoniste et son éventuelle bascule, ça m'a paru bien arbitraire, le récit étant trop occupé à être factuel pour explorer l'humanité des personnages, au-delà de "ahlala, regardez les pauvres soldats qui vont s'irradier un à un".
Il faut 58 minutes avant que le réacteur ne commence à fuir et surchauffer et les 80 minutes restantes parviennent à se faire répétitives malgré une ou deux péripéties comme la possibilité de demander de l'aide aux américains et une mutinerie. Si davantage de temps avait été consacré au dilemme rencontré par les deux capitaines à bord (je veux dire, y a de quoi en faire tout un film...Tony Scott l'a fait!), tout le long épilogue au pays aurait eu la résonance humaine et politique sans doute souhaitée par Bigelow (et qu'un Michael Bay n'aurait pas renié).