Mis à part la séquence du sniper et les 15 dernières minutes (si l'on excepte le retour aux USA, naze, il y a le superbe et quasi-unique dialogue face à l'incompréhension de leur état en retour de mission ainsi que la toute fin, 15e degré couillu qui fait certainement appel au pompiérisme des blockbuster bellicistes pour enfoncer le clou du carton d'introduction au film), je trouve le film sans grand intérêt. Je passe sur la mise en scène qui n'est pas du tout ma tasse de thé (trop découpée, jeux de focales trop grossiers) - hormis lors de la très bonne séquence du sniper, donc - ainsi que sur des scènes caricaturales (sans toutefois remettre en cause leur sincérité/véracité) comme la beuverie ou la mort du haut gradé qui choque le fragile spécialiste. Et quelques autres.
Mais ce qui m'a surtout dérangé, c'est le fait que ce ne soit pas tellement un film sur la guerre d'Irak, mais plutôt un simple film sur la guerre, contrairement à un Redacted. En tant que film de genre, le contrat est rempli, quand bien même je n'accroche qu'à peu de moments. Mais en tant que film "politique", je trouve qu'il y a certains problèmes. Globalement, on ne sait pas trop ce que veut dire Bigelow ; elle prend comme point de départ (cela, dès les premières secondes) le principe des bombes. Une évidente "métaphore" d'un conflit qui doit être en permanence - chaque jour de manière aventureuse, risquée, tendue et morbide - désamorcé pour mieux être amorcé de nouveau. Un conflit binaire qui oppose deux forces : les poseurs de bombe et les démineurs. Or, étant constamment du côté des derniers (quelques escapades sans valeur chez les premiers, histoire de montrer qu'eux aussi existent), une fois la prise de conscience de l'état de décomposition et/ou de robotisation des soldats (c'est grosso modo les deux états actifs autour des mines : explosion et désintégration ou action répétitive de désamorçage) couplée au shoot d'adrénaline (qu'on a laaaargement le temps de saisir sur plus de 2h), qu'est-ce qu'il reste ?
Eh bien, pas grand chose. Voire même des ambiguïtés. Il y a plusieurs "exemples" mais je vais pas faire une liste, d'autant que le film à comme qualité de s'échapper par moments hors du temps et rend compte d'un état des choses plus que d'un discours politique (c'est sa force de film de genre, sur une même échelle qu'un Full Metal Jacket sans toutefois atteindre son aîné et, surtout, en n'apportant rien de neuf). Mais il y a un moment que je n'ai pas aimé, le père de famille et ses bombes autour du corps. Ce que montre le film, sur la base métaphorique des bombes, c'est que l'irakien (jusqu'ici les bombes ne sont que des engins au sol ou dans d'autres engins), quand bien même il réfute l'idée du conflit, est enchaîné et ne peut se dépêtrer de son passif d'opposant. Et ce ne sont pas les américains, avec toute leur bonne volonté (lui retirer les cadenas ou, plus tôt dans le film, sympathiser avec un gamin) qui empêcheront le peuple de vouloir le conflit. Est-ce que Bigelow souhaite démontrer par là que les soldats, hors de toute conscience politique (le fameux dialogue de fin, échec psychologique mais aussi échec de prise de conscience de la politique du pouvoir américain) sont en Irak pour rien ? Voire qu'à force de désamorcer des bombes, ils en créent perpétuellement de nouvelles et condamnent, de fait, des innocents ? D'une part, c'est alambiqué alors que le film est très simple dans son déroulement, et d'autre part pourquoi alors utiliser le peuple irakien dans sa part la plus obscure et haineuse (les irakiens sont tour à tour soupçonnés par le protagoniste - le vendeur de dvd - jettent des caillous à leur tronche ou, pire, sont de dangereuses ombres au loin, avec un portable, une caméra et/ou - c'est montré pareil dans le film - un fusil) ? A peine a-t-on esquissé un autochtone, trilingue et professeur, face à la béatitude belliqueuse du protagoniste en quête de revanche sur ce qui lui semble une injustice (tuer un gamin pour tuer des soldats, jamais il ne se posera la même question face aux autres bombes, incarnations d'une opposition aveugle, sans état humain et politique), que le personnage est balayé par une femme qui gueule en irakien qu'il aille se faire mettre, le GI. Je ne remets pas en cause l'acte de la femme, justifié par les exactions des américains (ici, entrer en soldat dans une propriété privée), mais à force de confronter l'absence de psychologie du soldat face à l'absence de toute idée du peuple irakien, Bigelow ne fait que brasser du vent, parler de la guerre de manière basique, voire irréfléchie.
Évidement, les scènes d'"action" ne sont pas plaisantes visuellement et jamais on ne prend son pied (ou peut-être un ou deux qui volent) dans le film. Il y a, et c'est bien le seul point vraiment positif du film, une constante dans l'absurde de la guerre, qui admet chaque état comme acquis (de gré ou de force). C'est dépressif, c'est un constat universel qui n'a pas plus de valeur en 2010 qu'en 1987 ou en 1978 (The Deer Hunter). C'est déjà pas mal, dira-t-on. Pour ma part c'est décevant car, et là on est tous d'accord, les américains ont cette faculté de parler, de dépeindre les situations les plus contemporaines qui mettent à mal la nation, la politique et l'état américains. Mais lorsque c'est auto-centré, comme ici, et que la politique internationale n'est plus qu'un hadji de loin ou un décor exotique (au début du film, les soldats imaginent un commerce d'herbe pour rendre vert l'Irak), c'est pour moi l'échec du cinéma politique américain dans son acceptation d'une politique globale, internationale.
3/6 et je précise que je n'ai vu aucun film sur le conflit irakien à part celui-ci et le De Palma. D'où ma grande déception devant ce film.
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