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MessagePosté: 13 Oct 2017, 00:10 
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Si Bigelow s'est trouvée dans cette veine de cinéma journalisme écrite par Mark Boal qui occupe la récente partie de sa carrière, c'est sans doute là que je l'ai perdue (bon, c'était juste pour la tournure de la phrase, en fait, parce que le seul film d'elle que j'aime vraiment, c'est Strange Days).

La greengrassisation continue de son cinéma (elle retrouve Barry Ackroyd, son chef op de Démineur qui est aussi le chef op attitré de Greengrass) me laisse de plus en plus froid. Face à ses films factuels, je me retrouve incapable de ressentir quoique ce soit si ce n'est l'indifférence et l'ennui.

Zero Dark Thirty avait au moins pour lui son sujet actuel et j'ai toujours trouvé Bigelow redoutablement efficace dans la mise en scène de la tension mais même à ce niveau, Detroit déçoit. Enfin, "déçoit" n'est pas le bon terme parce que le film ne devrait pas avoir pour vocation d'être ne serait-ce que vaguement divertissant mais pour un film que j'ai vu qualifié par les défenseurs de "claque" et par les détracteurs de "torture porn", j'ai eu du mal à me sentir révolté par l'horrible spectacle qui m'était montré et ce malgré la tentative de tisser une histoire humaine au cours du récit.

Rose Bosch dirait sûrement que cela fait de moi un raciste mais en réalité, le souci vient du fait que ce spectacle m'est juste montré. Bigelow n'a pas de point de vue dessus. Elle n'a rien à dire dessus.
Bien que relatant un fait réel de 1967, le film se veut actuel et le projet a été lancé suite aux événements de Ferguson mais justement, à l'heure où le quida est abreuvé de vidéos tournées au portable de bavures policières, de noirs abattus froidement par la police, le poids d'une reconstitution comme celle de Bigelow est ridicule à côté. Alors si en plus elle n'a rien à apporter au moulin...

Film sans intérêt donc.

Reviens au genre, Kathryn.

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MessagePosté: 13 Oct 2017, 08:57 
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Bon OK je zappe.

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MessagePosté: 13 Oct 2017, 08:59 
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Arnotte, tu te bases sur une critique pour décider de zapper un truc?

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MessagePosté: 15 Oct 2017, 21:56 
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J'ai trouvé le début basique, pur film-wiki. Dispersion du point de vue, dispersion des personnages, captation cinéma-vérité déjà vue mille fois. Et j'ai trouvé la fin précipitée, malgré quelques moments d'émotion.

Par contre, j'ai trouvé le segment central super. Lorsque les points de vues commencent à converger, que le film choral devient un huis-clos, et que le temps se dilate, on passe dans autre chose. La tension se fait pénible, et le glissement du pamphlet social en film de home invasion/torture porn/film d'horreur est inattendu et remuant. Bigelow réussit même à glisser des moments d'humour noir (haha) totalement inattendus (lorsque le chanteur revient de sa tentative d'évasion ratée, ou lorsque le troisième flic prend les ordres au pied de la lettre...).

La conséquence de ces insoutenables 45 minutes (ou est-ce plus ?), c'est qu'on est vénère. Et c'est alors que le film glisse dans son moment le plus intéressant: le brouillage des frontières entre ordre moral et soif de vengeance, ZERO DARK THIRTY style. Plus concrètement: lorsque Boyega se fait malmener par les flics, on est révoltés. Mais lorsque les mêmes flics menacent de fracasser la tête d'un des ripous contre le mur, on jouit intérieurement. Et on est presque en colère lorsque l'avocat débarque (sympa le casting contre-intuitif de Kasinski) interrompre l'interrogatoire illégal. Bref: le trouble s'installe en nous, et notre volonté que le rule of law soit respecté devient alors à géométrie variable. Fort.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste
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MessagePosté: 16 Oct 2017, 08:37 
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karateced a écrit:
Arnotte, tu te bases sur une critique pour décider de zapper un truc?

Non non, quand même. Il en faut toujours plusieurs et celle de Freak fait office de goute d'eau de trop. Faut dire que le vase était petit car ce film ne m'attire pas plus que ça.

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MessagePosté: 28 Oct 2017, 17:56 
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Qui-Gon Jinn a écrit:

Par contre, j'ai trouvé le segment central super. Lorsque les points de vues commencent à converger, que le film choral devient un huis-clos, et que le temps se dilate, on passe dans autre chose. La tension se fait pénible, et le glissement du pamphlet social en film de home invasion/torture porn/film d'horreur est inattendu et remuant. Bigelow réussit même à glisser des moments d'humour noir (haha) totalement inattendus (lorsque le chanteur revient de sa tentative d'évasion ratée, ou lorsque le troisième flic prend les ordres au pied de la lettre...).

La conséquence de ces insoutenables 45 minutes (ou est-ce plus ?), c'est qu'on est vénère.
Ca doit bien durer 1H20. Je vais aller plus loin, je trouve que toute cette partie est ce qu'il y a de mieux dans la filmographie de Bigelow et que cette partie huis-clos tient du chef d'oeuvre. La montée de la tension, l'utilisation de l'espace et Will Poulter phénoménal dans le rôle du flic raciste. On est dans la tradition des grands films américains dénonciateurs. Franchement, je ne pensais pas Bigelow capable de se hisser à un tel niveau.

Qui-Gon Jinn a écrit:
J'ai trouvé le début basique, pur film-wiki. Dispersion du point de vue, dispersion des personnages, captation cinéma-vérité déjà vue mille fois. Et j'ai trouvé la fin précipitée, malgré quelques moments d'émotion.
Je trouve que le début plante bien le contexte et permet une bonne plongée dans l'époque avant le morceau de résistance. Après oui ça souffre de la comparaison avec le segment central. Sur la fin, elle aurait clairement du s'arrêter avant et il y a de quoi couper.
mais qu'est qu'on s'en fout du chanteur qui va travailler dans une église


Le meilleur film de Bigelow pour ma part et pour ceux qui hésitent ça vaut le coup d'oeil juste pour ce huis-clos central d'1H20 tout bonnement hallucinant.

5/6


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MessagePosté: 28 Oct 2017, 22:19 
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Abyssin a écrit:
mais qu'est qu'on s'en fout du chanteur qui va travailler dans une église
C'est pas mal au contraire ce mec brisé qui ne sait plus vers quoi se tourner, fin douce-amère (enfin surtout amère...).

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MessagePosté: 28 Oct 2017, 22:28 
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C'est surtout le seul quota humain d'un film factuel.

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MessagePosté: 28 Oct 2017, 23:25 
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Qui-Gon Jinn a écrit:
Abyssin a écrit:
mais qu'est qu'on s'en fout du chanteur qui va travailler dans une église
C'est pas mal au contraire ce mec brisé qui ne sait plus vers quoi se tourner, fin douce-amère (enfin surtout amère...).
Je trouve que ça fait retomber le soufflé du huis-clos + tribunal. J'aurais arrêté au tribunal


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MessagePosté: 29 Oct 2017, 00:10 
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Abyssin a écrit:
Je trouve que ça fait retomber le soufflé du huis-clos + tribunal. J'aurais arrêté au tribunal
Le meilleur moment du dernier segment reste pour moi le moment où le mec ne veut plus chanter devant un blanc.

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MessagePosté: 29 Oct 2017, 00:42 
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J'adore le procès et ce qui précède. C'est classique mais très efficace.


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MessagePosté: 30 Oct 2017, 11:24 
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Film Freak a écrit:
C'est surtout le seul quota humain d'un film factuel.
Si tu n'adhères pas au segment central, je comprends. Perso, le huis-clos m'a mis KO et je serais bien sorti du cinéma avec cette impression de rage. J'aurais laissé 10 minutes pas plus après cette partie. Là ça dure 40 minutes.


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MessagePosté: 07 Déc 2017, 14:38 
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J'ai trouvé ça très faible. Je me demandais pourquoi le film avait fait aussi peu parler de lui à sa sortie (ici ou aux US) et je comprends mieux. Comment peut-on faire un film sur ce sujet en ayant un point de vue aussi apolitique. Bigelow ne prend partie pour personne, n'a qu'une approche ultra basique basée sur l'injustice mais ne dit strictement rien sur la contestation raciale, sur les émeutes en elles-mêmes. Pour moi de toute façon elle fait une erreur monumentale et rédhibitoire en ne donnant aucun visage aux émeutiers et en faisant des "victimes" de son film de pures victimes collatérales qui n'avaient rien fait de mal. Si on veut parler d'un mouvement social spontané et violent on ne peut pas se laver les mains comme ça de la situation et faire un film uniquement basé sur un micro-évènement (je dis pas ça péjorativement, c'est évidemment ignoble) au sein d'une situation beaucoup plus large. En refusant de donner des noms et des visages aux émeutiers Bigelow essaie de se donner une espèce de fausse neutralité totalement biaisée. Du coup à l'image on ne voit que des gens hyper violents sans qu'on comprenne pourquoi, sans qu'on puisse embrasser leur colère et leur désir de violence. Quand je vois au début du film les casseurs caillasser une vitrine et voler ce qu'il y a dedans, je vois des voyous pour lesquels je n'ai aucune espèce de sympathie. Et du coup cette ouverture ratée (sans parler des immondes deux premières minutes en animation) condamne d'emblée le film qui a une espèce d'inconséquence politique fatale.

Je crois que si j'étais noir ce film m'aurait énervé parce que finalement on se retrouve avec du bon gros cinéma hollywoodien de blanc avec ses gros sabots. Avec ses militaires sympas et ses flics compatissants au milieu des ordures, avec ces deux jeunes filles blanches qui ne comprennent pas ce qui se passe. Tout ça c'est peut-être déroulé ainsi allez savoir mais je suis pas sûr que ce dont le film avait besoin c'est de rassurer les blancs et de leur dire, vous étiez pas tous pourris jusqu'à l'os. Je suis pas sûr que c'était l'approche la plus pertinente pour le traitement de cette histoire. Et quelque part ça m'a profondément dérangé.

Pour le reste, c'est un cinéma de l'efficacité brute qui fonctionne plutôt bien mais qui échoue du point de vue des personnages qui ne sont tous que des silhouettes (le chanteur et les deux meufs un peu moins peut-être). Dommage avec ce cast absolument gâché dans un film qui leur donne à peine le temps d'exister (et Will Poulter a tellement la tête de l'enculé de service que bon, il est pas mal mais pas transcendant non plus). C'est beaucoup trop long pour ce que c'est (ce segment central est interminable) et au final c'est la mise en scène d'une injustice mais absolument rien d'autre, aucune hauteur de vue, aucun point de vue un peu affirmé et fort. Vraiment j'en suis sorti assez agacé pour tout dire devant la faiblesse lâche du peu de ce que le film a à dire sur son sujet.

2/6.

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MessagePosté: 07 Déc 2017, 15:17 
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Je trouve que le début est justement ce qu'il y a de plus réussi avec ce départ sur le jeu ambigu du flic noir et ce surgissement du chaos sans qu'on comprenne bien où on en est. On est pas dans l'explication par A + B d'un racisme systémique, Bigelow nous laisse faire le raisonnement avec ses conséquences.

Citation:
Du coup à l'image on ne voit que des gens hyper violents sans qu'on comprenne pourquoi, sans qu'on puisse embrasser leur colère et leur désir de violence.


Cette colère tu peux la comprendre théoriquement mais le projet du film est d'apporter une réponse émotionnel à la fin, en prenant le point de vue du chanteur "qui ne veut plus chanter devant des blancs".
Et il y a le côté méta du film, dont la démarche est celle de la scène du jeu avec le faux flingue.


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MessagePosté: 27 Déc 2017, 14:45 
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Qui-Gon Jinn a écrit:
Abyssin a écrit:
mais qu'est qu'on s'en fout du chanteur qui va travailler dans une église
C'est pas mal au contraire ce mec brisé qui ne sait plus vers quoi se tourner, fin douce-amère (enfin surtout amère...).


C'est clair, c'est presque le seul moment du film où un personnage arrive à incarner quelque chose de plus grand que lui, tout en gardant l'aspect humain universel.

Sinon je rejoins les déçus.

En fait le film ne devrait pas s'appeler Detroit mais Algiers Motel, tellement il zappe in fine les émeutes pour se concentrer sur le huis clos du motel, cœur du film. C'est pas un reproche en soi, et même si cette partie arrive à se faire assez forte et efficace, elle bien trop longue et convenue dans sa conclusion (tu sais que les mecs ne peuvent pas s'en sortir, pas tous en tout cas), sans arriver à dépasser le cadre qu'elle s'impose.

Comme déjà exprimée ici, je trouve que le film n'arrive jamais à prendre de l'ampleur, pour dépasser les faits (la reconstitution semble minitieuse) et développer un point de vue. Le tout s'avère donc terriblement plat et décevant.

On ne questionne jamais la responsabilité individuelle vs la responsabilité collective (sociétale), comme par exemple le comportement du supérieur du policier. Ce dernier tue dans le dos un homme désarmé, son supérieur le démasque, lui signale qu'il va donner suite en classant en « meurtre » (ou quelque chose dans le genre) et... le flic répare prendre son poste comme si de rien n'était. Son supérieur a-t-il été lâche ? A-t-il fait selon l'urgence en pleines émeutes pour ne pas manquer d'hommes ? N'y avait-il pas de dispositif de mise à pied dans de telles situations ? On n'en saura rien, et pour moi c'est le symptôme des limites de l'approche factuelle de Bigelow.

Il y a bien quelque moments où des amorces de propos percent : la police d'Etat qui décide de se retirer pour ne pas « s'occuper des droits civiques », le mec de la Garde Nationale qui vient en aide aux Blanches mais pas aux Noirs (d'ailleurs j'ai rien compris au moment où il laisse s'échapper un mec, alors qu'il participe au « jeu » plus tôt... mais soit, ça contribue au trouble des comportements dans un tel moment), le fait que des femmes soient justement impliquées et dont les droits sont finalement (presque) équivalents aux Noirs. Mais tout ces pistes sont finalement vite désamorcées par l'approche trop factuelle du sujet.


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