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MessagePosté: 25 Juil 2023, 12:46 
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Pour faire honneur au dévouement de Freak et à ce gros morceau de cinéma, quelques notes en vrac (risque de spoilers)

Film Freak a écrit:
à la fête de fin de tournage, Robert Pattinson lui a offert un recueil de discours donnés par Oppenheimer.


Excellent. Pattinson, le mec intestable.

Sinon, j'ai globalement vachement accroché. Quel jusqu'au-boutisme, non content de proposer des blockbusters psychanalytiques, Nolan met sa crédibilité au service d'un blockbuster sans action, un biopic de 3h avec des audaces formelles qui dépassent le cadre usuel du grand public.
Comme Karloff j'aurais attendu un côté plus hard science (ce terme n'existe pas), un rendu encore plus conceptuel par moments mais en l'état j'y ai trouvé mon compte. Déjà j'adore la période, avec ces noms qui m'ont rappelés mes cours de mécanique quantique (Bohr, Fermi, Heisenberg, t'as un peu l'impression d'être le Avengers de l'atome, version qui pue pas de la gueule), cette époque où on découvrait les manipulations de l'atome en costard en velours et en chapeau, y'a un truc qui tend naturellement vers la SF, j'adore.
Et je trouve que l'une des forces du film est de restituer ce vertige de l'époque, de nous replonger dans le vide de l'après, qui devrait nous paraitre évident, mais qui à l'époque divisait les scientifiques mêmes sur ce que serait un monde avec la bombe A (genre ça sera la fin des guerres, huhu). A ce titre le virage d'Oppenheimer, sa déchéance en lien avec les projets de bombe H, et le propos de sa femme sur sa recherche d'absolution permettent une mise en perspective du bonhomme plutôt bien vue. Tout ce qui a trait à cette complexité, ces paradoxes, les enjeux scientifiques qui se superposent aux enjeux politiques qui se superposent aux enjeux éthiques, globalement tout ça, j'achète, et plutôt deux fois qu'une.

Comme le dit QGJ il y a quelques coups de moins bien (la gestion de l'après bombe est un peu mou, pas fan non plus de la scène de sexe pendant l'interrogatoire), la gestion de l'information est volontairement manipulatrice (on met 3 plombes à nous dire qu'Oppie a des accointances communistes, on sème le mystère sur son échange avec Einstein) mais tout cela a du sens donc ca va...

Bref en sortant j'étais en mode "c'est pas le Nolan que je reverrai" et au final j'ai déjà grave envie de le revoir, tellement c'est dense, intense, spectaculaire et inattendu.

Et sans transition j'ai beaucoup pensé à Le Vent se lève, dans le rapport du scientifique / créateur avec sa passion, son œuvre qui conduira inéluctablement à la destruction, à un engin de mort.


Karloff a écrit:
(je vous conseille l'incroyable bd du même titre, qui aborde façon plus concrète la course à la fabrication de la bombe).


Je note, merci !


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MessagePosté: 25 Juil 2023, 13:08 
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Jerónimo a écrit:
la gestion de l'information est volontairement manipulatrice (on sème le mystère sur son échange avec Einstein) mais tout cela a du sens donc ca va...

Oui j'adore ce "Rosebud" qui est la perte de Strauss et reflète ce que les deux hommes doivent aussi comprendre : "it's not about them", ils ne sont pas si importants.

Citation:
Bref en sortant j'étais en mode "c'est pas le Nolan que je reverrai" et au final j'ai déjà grave envie de le revoir, tellement c'est dense, intense, spectaculaire et inattendu.

J'en suis à 3 visions dont deux en IMAX, ça se revoit comme du petit lait.

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MessagePosté: 25 Juil 2023, 13:21 
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Citation:
J'en suis à 3 visions dont deux en IMAX, ça se revoit comme du petit lait.


T'es un malade ! 9 heures sur le même film et cela si rapproché.....


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MessagePosté: 25 Juil 2023, 13:27 
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En l'occurrence, comme j'étais 5 jours à Bruxelles, je me devais de rentabiliser car je ne le reverrai très probablement jamais en IMAX.

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MessagePosté: 25 Juil 2023, 13:32 
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Après, j'ai vu aucun Nolan moins de 3 fois en salles. The Dark Knight tient même le record tous films confondus avec 5 fois.

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MessagePosté: 25 Juil 2023, 13:36 
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Citation:
comme j'étais 5 jours à Bruxelles,


Je viens de passer 2 jours à Bruxelles ( et j'y étais 3 jours en mai) et je n'ai pas eu le temps de voir un film au ciné tellement il y a de choses à visiter. Donc plusieurs fois le même film. Cela ne m'est jamais arrivé à la sortie d'un film. Il n'y a même pas tant de films que ça que j'ai vu 3 fois. Alors 5 :mrgreen:

T'es un malade ! Ou un passionné de ouf si tu préfères ! :mrgreen:


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MessagePosté: 25 Juil 2023, 13:40 
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Mr Degryse a écrit:
Citation:
comme j'étais 5 jours à Bruxelles,


Je viens de passer 2 jours à Bruxelles ( et j'y étais 3 jours en mai) et je n'ai pas eu le temps de voir un film au ciné tellement il y a de choses à visiter.

Oui enfin j'y vais une à deux fois par an donc bon, j'ai fait le tour.

Citation:
Donc plusieurs fois le même film.

En IMAX!

Citation:
Cela ne m'est jamais arrivé à la sortie d'un film. Il n'y a même pas tant de films que ça que j'ai vu 3 fois. Alors 5 :mrgreen:

T'es un malade ! Ou un passionné de ouf si tu préfères ! :mrgreen:

8)

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MessagePosté: 25 Juil 2023, 13:46 
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Citation:
Oui enfin j'y vais une à deux fois par an donc bon, j'ai fait le tour.


Moi aussi et je n'ai pas fait le tour. Pour la première fois, je suis allé visité l'hotel Solvay et de nouvelles maisons art nouveau à visiter ( Hotel hannon et Hotel van Eetvelde ). J'ai visité l'intérieur du beffroi et suis monté tout en haut de la tour.

La dernière fois j'avais été émerveillé par les serres de Laeken. J'avais aussi découvert autoworld à coté du musée du cinquantenaire (musée foutoir dont je ne me lasse pas ).

Bref pas le temps pour le ciné.


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MessagePosté: 25 Juil 2023, 14:59 
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tape dans ses mains sur La Compagnie créole
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Mr Degryse a écrit:
Bref pas le temps pour le ciné.

Et pour un verre avec Nonotte?

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Ed Wood:"What do you know? Haven't you heard of suspension of disbelief?"


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MessagePosté: 25 Juil 2023, 15:13 
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Citation:
Et pour un verre avec Nonotte?


Je savais que t'étais belge mais pas nécessairement bruxellois :oops: Quel con je suis ! je t'aurais bien invité à boire un verre au bar de l’hôtel. :cry: :cry:

En journée, on a crapahuté et visité beaucoup.


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MessagePosté: 25 Juil 2023, 17:43 
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Robot in Disguise
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Ça vous fait pas "délirer"/halluciner que la bombe qu'ils ont testé dans le désert n'est pas exactement du même modèle que celle qui sera lâchée sur Hiroshima ? (et celle de Nagasaki était encore différente) J'ai l'impression qu'il y a un problème de méthodo mais bon ça a marché au final.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste
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MessagePosté: 25 Juil 2023, 18:50 
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C'est pas juste le nombre de kilotonnes qui change ?

PS : d'ailleurs j'ai bien vrillé quand j'ai lu le blast radius de la Tsar Bomba.

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MessagePosté: 25 Juil 2023, 22:04 
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Si je comprends bien (mais ça a l'air complexe, sic), Hiroshima c'était avec de l'uranium dont il fallait une plus grande quantité mais dont le process de déclenchement était plus fiable, alors que Nagasaki (et Trinity) étaient avec du plutonium, nécessitant moins de matériaux mais avec un process moins fiable.
En gros j'ai l'impression que les mecs jouaient sur plusieurs tableaux, d'autres solutions ont été écartées même jusqu'à tardivement, le but étant de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier... Ça ne me surprend pas plus que ça, c'est un peu comme la conquête spatiale, les mecs sont en short, des réussites se sont faites sur un coup de dés et à posteriori ça semble hallucinant.


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MessagePosté: 26 Juil 2023, 08:15 
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Qui-Gon Jinn a écrit:
Ça vous fait pas "délirer"/halluciner que la bombe qu'ils ont testé dans le désert n'est pas exactement du même modèle que celle qui sera lâchée sur Hiroshima ? (et celle de Nagasaki était encore différente) J'ai l'impression qu'il y a un problème de méthodo mais bon ça a marché au final.


Vu le coût du projet, la raison de la bombe et le soucis de limiter les risques d'espionnage, c'est compréhensible.
Et qui aurait certifié, standardisé et testé les bombes de façon indépendante, étant donné qu'il s'agissait d'un nouveau procédé ? Peut-être aussi qu'il y avait des raisons plus politiques pour aller vite (limiter les risques de critiques ou de retrait des scientifiques, maintenir le secret du projet)

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Sur un secrétaire, j'avise deux statuettes de chevaux : minuscules petites têtes sur des corps puissants et ballonés de percherons. Sont-ils africains ? Étrusques ?
- Ce sont des fromages. On me les envoie de Calabre.


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MessagePosté: 26 Juil 2023, 22:16 
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Spoilers.

Pour le contexte, j’apprécie modérément les films de Nolan. Je les trouve trop intellectualisés : derrière leur extrême minutie plastique et leur intelligence visuelle qui contribuent à leur nature spectaculaire, j’y trouve un fond au mieux très ordinaire, confinant au banal. Agréables à suivre, très impressionnants, mais je ne m’y sens pas stimulé — je me retrouve dans la même situation que face à quelqu’un qui parle très bien, mieux que la moyenne, éloquent, qui est de fait agréable à écouter et à observer de par sa maîtrise des clefs du discours, mais dont le contenu du propos n’est pas à la hauteur de la performance de communication.

C’est ce qui m’avait par exemple fait décrocher de Tenet, suffisamment pour que me passe envie de faire l’effort de comprendre ses jeux temporels. Avec le recul des années, seul Le Prestige me reste comme étant vraiment captivant, équilibré dans la correspondance entre sa forme et son intrigue (c’est d’ailleurs son film le plus pulp, entre Nikola Tesla et sa conclusion digne de Tales From the Crypt).

Maintenant, Oppenheimer. Pour commencer, je salue le fait que ses trois heures passent comme deux. C’est suffisamment rare pour le noter. QGJ voit juste lorsqu’il impute cela à ce dynamisme de chaque instant :
Qui-Gon Jinn a écrit:
Combien de kilomètres de travelling dans ce film ? T'as l'impression que chaque plan est en mouvement. Ça se marie bien avec cette impression de regarder un film qui, en dépit de sa durée (ou bien pour la compenser ; ou tenter de la réduire au maximum) ne s'arrête jamais: c'est un flux narratif permanent porté par la musique et la syncope(y) du montage


Ensuite, concernant les sauts temporels et chromatiques : rien à redire, ils se répondent de de manière tellement claire, s’illustrant à chaque fois les uns les autres par des rappels de thèmes, d’échanges ou de tensions, que toute confusion à ce sujet ne s’explique que par un manque d’attention de la part du spectateur.

Pour toutes ces raisons, et d’autres à venir, je ne parlerai ni de complexité, ni de densité, ni même tant de richesse, mais d’exhaustivité.

Je rejoins en partie QGJ sur le personnage de Strauss, dont la rancœur salierienne n'infuse pas suffisamment dans le reste du film, faute de liant. Le personnage et ses motivations n’existent que lors de ses scènes en coulisse, au dernier tiers, dans lesquelles cette rancœur se fait particulièrement didactique, souvent à la limite du grossier et ce malgré le travail d’incarnation de Downey Jr. On comprend tout, bien sûr, tant c’est appuyé et surligné — mais les segments focalisés sur Oppenheimer sont en comparaison tellement plus aérés et d’une évidence naturelle, le tout en l’absence totale non seulement de Strauss en tant qu’individu, mais en l’absence de son rôle dans le processus qui habite et occupe le personnage principal, que c’est une sensation de déséquilibre qui conclue l’affaire, entre le peu que l’on voit de leurs interactions et leur aspect anecdotique (une vanne indirecte lors d’une audience), et les conséquences narratives pourtant majeures de ces interactions. C’est le seul défaut de construction et d’écriture qui m’apparaît. D’ailleurs concernant Strauss :
Film Freak a écrit:
"L’histoire est écrite par les vainqueurs" disait le journaliste Robert Brasillach.


En effet, et c’est là selon moi que se situe le cœur du film. Pas son cœur nolanien, suffisamment déroulé par FF, mais son cœur culturel si je puis dire. Oppenheimer se situe globalement, à quelques exceptions près auxquelles je reviendrai par la suite, dans la continuité de l’image d’Épinal de J. Robert Oppenheimer dans la culture populaire : comparaisons hasardeuses avec Prométhée (bon courage pour trouver le même degré d’ambivalence au feu (qui peut certes sauver ou détruire) qu’à la bombe nucléaire (qui ne peut que détruire ou terrifier)), martyr du système militaro-industriel pro-guerre nucléaire (il a temporairement perdu en clout mais n’a pas été ostracisé ou plongé dans le dénuement), symbole ultime de cette auto-fiction équivoque typiquement occidentale qui domine les représentations notamment cinématographiques de l’impérialisme américain aux quatre coins du monde : même quand on est horribles, il faut une touche d’humanité quelque part qui sera patiemment montée en épingle jusqu’à devenir un item, voire un token plus grand que nature… alors que les autres, nos ennemis, sont simplement horribles. En ce sens, et sans non plus remettre en question ou rabaisser le parti pris de Nolan concernant la subjectivité du récit, je reste curieux des retours japonais sur le film, et de la perspective qu’ils pourraient apporter.

Et pour revenir à Strauss, son personnage illustre parfaitement la citation choisie par FF : à moins d’être passionné par le sujet, ou de s’être renseigné a priori, l’écrasante majorité des spectateurs découvriront son existence à l’occasion de leur séance. Moi le premier. J’entends parler d’Oppenheimer depuis gamin, je me mange le cliché de sa citation 100% edgelord sur Vishnu… Strauss, jamais. Oubliettes de l’histoire, qui est donc bel et bien écrite par les vainqueurs — en l’occurrence, le camp qui a fait d’Oppenheimer cet item/token : la bombe sans l’aimer. Pur storytelling.

Ce qui m’amène naturellement à commenter en contrepoint les moments d’ambivalence bienvenue du film, et à nuancer mon paragraphe précédent : le dernier tiers a beau être marqué par le déséquilibre et la baisse de qualité dans l’écriture que j’ai mentionnée plus haut, c’est là aussi que surgissent les éléments les plus galvanisants du portait d’Oppenheimer. La commission à laquelle il accepte de se soumettre, en martyr avide d’une validation extérieure de la complexité géniale de sa position (et que l’Histoire, donc, lui accordera gracieusement), commission qui vise à déterminer s’il faut lui retirer ou non son accréditation (et donc son statut) a beau être à charge, téléguidée par les manigances politiques et personnelles de Strauss, menée par des hommes hostiles et peu scrupuleux, elle permet le surgissement d'aveux douloureux et hésitants (très bien joués par Murphy) de la part d’Oppenheimer concernant ses incohérences, ses moments d’accommodements douteux avec ses responsabilités, le décalage entre ses actes et ses discours ultérieurs, son inanité politique et humaine.

C’est particulièrement fort sur la fin, lors du martellement de plus en plus violent et sans pitié du procureur, lorsque les visions d’Oppenheimer emplissent la pièce du rayonnement de la bombe : le procureur on le déteste, mais à ce moment il fait craquer le scientifique en mettant le doigt sur son côté « le beurre et l’argent du beurre » — œuvrer de toute son âme à créer la bombe la plus destructrice possible, dont la conception est la culmination de ses connaissances et de son savoir-faire, pour ensuite se lamenter des conséquences pour le monde. Mon kink personnel, c’est la scène avec Truman (j’en avais posté le transcript dans l’autre topic en blaguant à moitié sur mes espoirs quant à sa présence dans le film) où il se fait envoyer chier. J’aurais aimé que toutes les insultes du président y soient (me doutant que non, ayant été formulées après qu’Oppenheimer ait quitté le bureau… belle rigueur quant au postulat narratif), mais la manière dont le visage d’Oldman se décompose quand il comprend ce qu’il a en face de lui et quelle posture lui est infligée compense tout, notamment le cringe absolu des deux occurrences de la fameuse citation du Baghavad Gita (une pendant le coït, une autre face au phallus de feu… c’est ça qui m’a le plus fatigué, pas tant la scène de cul pendant l’interrogatoire) ; citation qui fait office d'élément par ailleurs aussi central que douteux du storytelling oppenheimerien.

Le rapport aux accusations de collusion communiste est également très intéressant, très bien traité. Volontairement ou non, le film montre à quel point il y avait des communistes partout, aussi bien dans les cercles scientifiques qu’artistiques et politiques (cf. les documents Russes déclassifiés, édifiants à ce sujet concernant l’administration Roosevelt, particulièrement infiltrée), et la menace réelle et sérieuse en matière d’espionnage et d’agitprop que cela pouvait représenter malgré l’opprobre jetée sur McCarthy et ses abus, et le ridicule avec lequel est aujourd’hui traité le red scare de l’époque (principalement par un Hollywood goguenard, qui donne pourtant de nos jours, et à bien des égards, raison à ces inquiétudes, mais c’est un autre débat). Ce qui me fait d’ailleurs remarquer que j’ai plus pensé à un anti-Good Night and Good Luck (chiantissime et ringard dans mes souvenirs) involontaire qu’à JFK.

Niveau casting, j’étais surtout très heureux de revoir Josh Hartnett, buriné et épaissi par les années, dans un très beau rôle. Matt Damon aussi, très client des quelques passages en mode buddy movie guindé entre Murphy et lui, qui rappellent les meilleurs moments entre Tom Hardy et Joseph Gordon-Levitt dans Inception. Nolan a un bon sens de la camaraderie, très pudique. James Remar ça fait toujours plaisir. Harry Groener (le maire dans la saison 3 de Buffy) aussi. Les personnages féminins : entre Florence Pugh désormais abonnée aux rôles de femme borderline exécrable après Midsommar et Emily Blunt (il se passe quoi avec ses pommettes ?) dont le personnage clairement alcoolique est en permanence oppressé par les vagissements de ses gamins, autant dire que mon appétit insatiable pour la féminité toxique est comblé.

Saisi dès le début par les effets abstraits qui ponctuent l’introspection tumultueuse et la vision scientifique à la fois perturbée et précise, jusqu’à la catharsis, d’Oppenheimer, dispositif qui opère avec beaucoup d’émotion le parallèle entre cette intuition quasi-pulsionnelle et la vision artistique, je ne me suis pas étonné pour autant qu’ils disparaissent vite de la narration visuelle. C’est pour le mieux, tant je trouve en comparaison la vision de David Lynch à ce sujet dans la saison 3 de Twin Peaks à la fois plus poussée, plus chargée de sens, plus magnifiquement terrible, sur un terrain qui plus est comparable. De même pour l'explosion tant attendue, qui pour les mêmes raisons ne m'a pas saisi plus que ça niveau mise en scène et en image (même si c'est objectivement impressionnant). Lynch a procédé à la politique de la terre brûlée à ce niveau.

C’est à peu près tout ce que j’ai à en dire à ce stade. Un film exhaustif, qui exploite très bien ses différents postulats et montre des signes de faiblesse pas si dérangeants compte tenu de sa longueur.

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