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MessagePosté: 18 Juil 2023, 23:00 
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Bon, lisez à vos risques et périls hein...


Dans le précédent film de Christopher Nolan, Tenet, il était question d'un procédé scientifique découvert par, je cite, "l'Oppenheimer de son époque", comme une solution à un problème vital mais dont l'application risquait de déclencher une réaction en chaîne entraînant la fin du monde. Ce paradoxe fut directement inspiré à Nolan par celui qui préoccupa un temps les scientifiques juste avant le premier test d'explosion atomique. Dans The Nolan Variations, l'ouvrage définitif consacré au cinéma de l'auteur, paru juste après la sortie de Tenet et écrit à partir de 20 ans d'entretiens entre le journaliste Tom Shone et le cinéaste, ce dernier révèle qu'à la fête de fin de tournage, Robert Pattinson lui a offert un recueil de discours donnés par Oppenheimer. "C'était un cadeau de fin attentionné et astucieux, en réalité, parce que, comme vous, j'ai grandi dans l'ère post-nucléaire. (...) On a grandi dans l'ombre de l'ultime savoir destructeur. C'est comme cette phrase de Sophocle citée dans Angel Heart (...) : "que la sagesse est terrible lorsqu'elle ne profite aucunement au sage". Connaître une chose nous donne un pouvoir sur elle, généralement, mais que se passe-t-il lorsque l'inverse est vrai, si connaître une chose lui donne du pouvoir sur vous?"

Cette réflexion, tout juste esquissée ainsi dans le livre, semble être à l'origine même de Oppenheimer, un projet que Nolan n'a pas porté durant des années mais dont les questionnements font tout de même écho à nombre d'éléments déjà présents dans la filmographie de l'auteur, qu'il s'agisse de la caractérisation de ses personnages ou bien des interrogations éthiques et politiques qui le préoccupent depuis longtemps. Ce nouvel opus est de ceux que l'on rêve d'avoir de la part des réalisateurs qu'on suit, une oeuvre qui renvoie aux précédentes, indubitablement personnelle, et simultanément différente de tout ce qu'il a pu faire auparavant. On pense autant à Memento, la trilogie Dark Knight ou Dunkerque qu'à Amadeus, JFK et The Social Network. Film massif et protéiforme de trois heures, Oppenheimer est une méditation sur le pouvoir défiant toute structure conventionnelle pour transformer un biopic en film d'espionnage, en passant par le film de guerre et de procès tout en reprenant des codes du film de casse et...du western. "Il y aurait un argumentaire à faire stipulant que (...) Memento et Insomnia sont des westerns" selon le critique Darren Mooney. "Ce sont des histoires de justice aux confins du territoire, d'hommes qui se perdent dans la nature sauvage. (...) Nolan est fasciné par les histoires et les mythologies. Le western est le mythe que raconte une nation avec une compréhension...discutable de sa propre histoire." Que ce soit dans la subjectivité d'Oppenheimer ou dans la réalité censément objective que Nolan y oppose via sa construction inévitablement non-linéaire, accouchant d'une sensation de présent constant similaire à Dunkerque, cette idée de mythification de soi et d'Histoire qu'on réécrit est au cœur du film, récit d'un d'un Promethée, un prophète, un homme qui avait des visions et qui les a matérialisés en catastrophe.

Afin d'épouser le point de vue d'Oppenheimer, Nolan a recours à son abattage habituel d'effets de style et d'approche de mise en scène mais les revisite de façon surprenante. Depuis maintenant quinze ans, le réalisateur emploie des caméras IMAX pour filmer certaines séquences-clé de ses films. Néanmoins, ce dispositif était presque exclusivement réservé jusqu'à présent aux morceaux de bravoure. Or, Oppenheimer n'a rien du film à grand spectacle. "On associe l'IMAX aux paysages gigantesques mais ici Hoyte (van Hoytema, son directeur de la photographie, NDLR) filme des visages, des yeux, quelque chose de étonnamment simple", explique Nolan au Los Angeles Times. "Ce que Cillian ressent, pense, cela l'ouvre au public." Dans son interview avec Cinemateaser, il développe : "Dans nos travaux passés sur l'image IMAX avec Hoyte, mais aussi avec Wally Pfister avant ça, notamment certains gros plans d'Alfred à la fin de The Dark Knight ou The Dark Knight Rises, on trouvait qu'il y avait déjà quelque chose de l'art du portrait. Quelque chose qui rappelle la photographie grand format. Là, il y a une esthétique sur laquelle Hoyte pensait vraiment pouvoir travailler afin de construire quelque chose qui serait à la fois ample et extraordinairement intimiste". Cette fois, l'immersion permise par le format ne sert plus à impressionner mais à s'identifier. De la même manière, le montage multiplie les inserts typiquement nolaniens afin d'illustrer les vues de l'esprit du protagoniste, seulement là où il s'agissait autrefois de flashbacks qui les hantaient, "la mémoire des êtres aimés devenue du poison" pour citer Batman Begins, il s'agit ici de projections de ce "monde caché" qui persécutent Oppenheimer. Et Nolan se fait plus agressif que jamais, renouant avec son amour des gros plans mais en les exacerbant, la macrophotographie servant à rendre état des atomes, molécules et vagues d'énergie afin de traduire à l'écran "l'expression ultime de leur pouvoir destructeur quand cette force est libérée". Un assaut sur les sens nécessaire pour nous plonger dans le tourment du personnage et son besoin de l'exorciser. D'en prendre le contrôle.

Tout au long du film, on n'a de cesse d'entendre que la théorie seule ne suffit pas, qu'il faut passer par la pratique. Nolan a toujours eu une passion pour la minutie de la réalisation d’une chose. La "réalisation". Par définition, l’action de rendre réel, effectif. Rendre quelque chose réel, concret, par l’usage de ses mains, c’est une façon de prendre le contrôle. Le cinéaste explique chaque aspect de la création de Batman par Bruce Wayne comme il explique chaque tour de magie du Prestige. Il ne cherche pas à tuer la magie, il est simplement fasciné par comment les choses fonctionnent. Il veut les comprendre, les maîtriser, les contrôler. Oppenheimer suit dans les pas de ces prédécesseurs. A l'instar de Leonard et ses polaroïds dans Memento ou Cobb et son totem dans Inception, il veut déceler le vrai du faux, il a besoin d'expérimenter pour sortir de la théorie. "La science m'intéresse, tout comme la méthode scientifique. Parmi mes approches de la cartographie d'un script, il y a ce que j'appelle l'approche géométrique. A savoir que je dessine toutes sortes de diagrammes qui me permettent de voir les informations narratives d'une manière plus tridimensionnelle, au-delà de la forme scriptée." Une fois de plus, le parallèle entre l'auteur et son personnage est évident et comme Cobb, le "metteur en scène des rêves", ces aspirations démiurgiques s'avèrent coûteuses.

"Ce que je cherchais, c'était le fil qui reliait le monde quantique, la vibration de l'énergie, et le parcours personnel d'Oppenheimer" déclare Nolan au Telegraph. "Il souffrait de ses visions dans sa jeunesse et il s'est émancipée sexuellement sur le tard. Donc il devait avoir beaucoup d'énergie puissante vibrant à travers son système de façon dissipée. Comme pour beaucoup de gens, quand il s'est enfin ouvert au sexe opposé, son intellect a trouvé un moyen d'expression également." On a souvent reproché au cinéaste de pondre des films asexués alors que même que la figure de la femme fatale est récurrente dans son corpus. A ce titre, Oppenheimer marque également une première en abordant le sexe frontalement et de façon surprenante, le liant en plusieurs instances à la mort ainsi qu'à un désir de pouvoir.
Ainsi son amante Jean Tatlock analyse-t-elle lors d'une pause en plein coït que sa tentative avortée du meurtre de son professeur découlait d'une frustration sexuelle avant de l'encourager à lire la fameuse réplique du Baghavad Gita à laquelle Oppenheimer dit avoir pensé lors du test Trinity pendant qu'elle le chevauche. "Maintenant je suis devenu le Temps, le destructeur de mondes."
Nolan est visiblement désireux de raconter Oppenheimer dans toute sa multidimensionnalité, susceptible à la chair donc humain et plus juste une intelligence froide. Cependant, la faille qui mène les héros nolaniens à leur perte réside toujours dans une certaine mesure dans leur égo. Si Batman Begins suivait le parcours d'un homme qui devait comprendre une chose pour ne plus en avoir peur, Oppenheimer soutient que les gens "n'en auront pas peur tant qu'ils ne l'ont pas compris et ils ne le comprendront pas tant qu'ils ne l'ont pas utilisé". Il correspond ainsi à la description que Darren Mooney fait des personnages nolaniens, des "hommes qui insistent avoir des manières logiques et rationnelles de donner du sens à leur monde mais qui sont en réalité complètement solipsistes et fous".

Enrôlé par l'armée américaine, le scientifique arbore tout d'abord un uniforme militaire mais un collègue lui dit de s'en débarrasser et d'assumer qui il est, ce pourquoi on est venus le chercher. Nolan filme alors son personnage se parer de sa propre panoplie comme il filmait Bruce Wayne fabriquer son costume. La veste, le chapeau, la pipe... Comme tant d'autres protagonistes nolaniens avant lui, Oppenheimer se construit une identité, pour contrôler son monde, au risque de se "perdre dans ce monstre de votre création" comme avertissait Alfred Pennyworth. Alors même qu'il assemble une large équipe pour arriver à ses fins - Nolan a refusé catégoriquement d'avoir recours à des personnages composites et caste des têtes connues pour presque tous les rôles, aussi infimes soient-ils - le scientifique se met à croire à l'idée qu'il est le seul capable d'y parvenir, que tout repose sur lui. Nolan a toujours favorisé le collectif à l'individuel, le fameux "esprit de Dunkerque" que l'on trouvait déjà chez les passagers des ferries à la fin de The Dark Knight. L'individu est faillible, corruptible, comme Harvey Dent rendu fou par le Joker, mais Nolan croit au peuple. Même son Batman ne fait rien seul et ne saurait progresser sans Alfred, Gordon et Lucius (et même John Blake et Selina Kyle). En créant un village dans le désert de Los Alamos, Oppenheimer n'est plus un simple chef de projet, il devient carrément maire et shérif d'une ville du Far West. "C'est trop de pouvoir pour un seul homme" dénonçait Lucius Fox au sujet du système d'écoute illégale de Batman dans The Dark Knight. Il n'y a pas une mais deux citations du Baghavad Gita qu'Oppenheimer dit s'être remémoré à la vision de l'explosion et la première ne faisait pas état du "destructeur de mondes". Sa première pensée s'avérait moins alarmiste et davantage enivrée par son rapport au divin : "Si le rayonnement de mille soleils venait à éclater d'un seul coup dans le ciel, cela serait similaire à la splendeur du Tout-Puissant." Même dans les champ-contre champs, la caméra paraît toujours en mouvement, comme si Oppenheimer refuser de s'arrêter pour réfléchir à ses actes.

"Je suis très intéressé par le conflit entre la vision subjective d'un individu et la réalité objective" affirmait Nolan à filmdeculte dans une interview donnée pour Insomnia à Deauville en 2002. Lorsqu'il s'est exprimé la première fois au sujet des deux temporalités qui traversent Oppenheimer, le cinéaste qualifiait celle en couleur de subjective et celle en noir et blanc d'objective. Mais il apparaît assez vite que rien n'est aussi...noir et blanc. Memento était déjà divisée en deux temporalités. Les segments en couleurs reflétaient effectivement la subjectivité du personnage : en nous montrant les événements à rebours, Nolan nous plongeait dans l'esprit de Leonard, incapable de savoir ce qui venait de se passer. En alternance, les passages en N&B défilaient de façon chronologique, suivant l'objectivité d'une même conversation téléphonique continue qui nous servait l'exposition en flashbacks. Oppenheimer joue de cette précédente utilisation. Cette fois, il ne s'agit plus de flashbacks mais de flash-forwards. On reste d'une certaine manière dans de l'exposition, adoptant vraisemblablement les atours de l'objectivité sur Oppenheimer, soudainement arrogant, mais s'il s'agit en réalité d'un autre point de vue, celui de Lewis Strauss, membre du gouvernement campé par un Robert Downey Jr. qui vole la vedette au pourtant excellent Cillian Murphy avec une performance qu'on avait pas vu chez lui depuis...Chaplin? "Ils avaient une relation à la Mozart/Salieri, caractérisée par des affronts et de la fierté." Le sentiment d'objectivité est assis par l'association dans l'inconscient collectif du N&B avec les images d'archives, donc de journalisme, de reportage d'époque, en un sens, la vérité. Or, ce n'est pas la vérité, c'est celle de Strauss. Nolan associe à une autre subjectivité l'imagerie généralement associée à l'objectivité comme pour représenter la manière dont le gouvernement américain a voulu peindre Oppenheimer. "L’histoire est écrite par les vainqueurs" disait le journaliste Robert Brasillach. Chez Nolan, les personnages mentent souvent pour ce qu'ils estiment être le Bien Commun, notamment les figures d'autorité. Dans Interstellar, le Dr Brand ment aux astronautes sur la possibilité d'évacuer la population pour s'assurer qu'ils iront installer les colonies. Dans Dunkerque, Churchill ment sur l'évacuation des soldats français afin de permettre celle des anglais. Dans The Dark Knight, Gordon feint sa mort pour protéger sa famille, Gordon et Batman mentent sur les actes d'Harvey Dent pour conserver la foi que les gens avaient en lui et Alfred cache la vérité en brûlant la lettre de Rachel pour préserver Bruce mais tous ces pieux mensonges les rattrappent dans The Dark Knight Rises. Dans Oppenheimer, le mensonge porte sur la nécessité de bombarder le Japon. Et quand Oppenheimer se montre récalcitrant...

"Soit on meurt en héros, soit on vit suffisamment longtemps pour se voir devenir le méchant" disait Harvey Dent dans une formule qui sied en réalité à beaucoup de personnages de Nolan. Dès son court métrage Doodlebug, Nolan faisait du protagoniste l'architecte de son propre malheur par la mise en abyme d'un homme cherchant à tuer un cafard (qui s'avérait être une version minuscule de lui-même). Dès le début de sa carrière donc, l'auteur traitait de causalité. La responsabilité vis-à-vis d'une potentielle escalade entre deux camps adverses informe déjà l'opposition entre Batman et le Joker. La machine à dupliquer dans Le Prestige, le dispositif de surveillance dans The Dark Knight, le programme Clean Slate ou l'appareil écologique transformable en bombe de The Dark Knight Rises, le cinéma de Nolan est plein d'outils à ne pas mettre entre les mauvaises mains, aux conséquences désastreuses. "Tous les films que j'ai fait, d'une manière ou d'une autre, sont des films noirs. Ce sont tous des histoires sur les conséquences." Quand Nolan parle des films noirs, il les décrit comme "des thrillers dans lesquels les individus tentent de contrôler les circonstances et les comprendre pleinement. Dans un bon film noir, à mesure qu'on épluche l'oignon et que les couches se révèlent, on voit bien que la compréhension des circonstances par les personnages était limitée. En ce sens, je crois qu'à bien des égards, Oppenheimer est un thriller. Comme un film noir à grande échelle." Chez Nolan, les personnages féminins se divisent globalement en trois catégories : la conscience du héros (Ellie dans Insomnia, Rachel dans Batman Begins, Ariadne dans Inception, Brand dans Interstellar), la femme fatale (La Blonde dans Following, Natalie dans Memento, Mal dans Inception, Selina et Talia dans The Dark Knight Rises) et la victime des actes du héros (La Blonde, la femme de Leonard dans Memento, Rachel, les femmes d'Angier et Borden dans Le Prestige, Mal, Murph dans Interstellar). Les deux femmes de la vie d'Oppenheimer présentent des caractéristiques similaires mais souffrent clairement des actes du personnage.
PS : j'adore cette image quasi-subliminale d'une main gantée qui noie Florence Pugh au moment où Oppenheimer dit qu'ils ont retrouvé des traces de tel barbiturique dans son sang, brève illustration d'une vue de l'esprit paranoïaque qui va à l'encontre de la thèse du suicide. C'est très JFK pour le coup.
Le cinéaste a souvent associé l'eau à la notion du temps (cf. la marée dans Inception, Interstellar et Dunkerque) et ici il utilise le motif de cercles concentriques causés par des gouttes de pluie ("ripples" en anglais) pour figurer les potentielles répercussions ("ripples" aussi) d'une guerre nucléaire. Oppenheimer ne voit plus ça, le temps qui leur est compté avant l'inévitable. La peur de l'extinction déjà présente dans Intertsellar et Tenet réapparaît mais sans l'échappatoire permis par la science-fiction. Impossible de revenir en arrière cette fois. Là où les protagonistes nolaniens pouvaient autrefois trouver un sens à leur vie par le biais de l'illusion, il n'y a aucune rédemption possible. Comme Inception, Tenet se concluait sur l'image d'un enfant, représentant le futur, avec cette réplique : "C'est la bombe qui n'a pas explosé. Le danger que personne ne savait être réel. C'est ça la bombe avec le pouvoir de changer de monde." Oppenheimer pourrait avoir la même.

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MessagePosté: 19 Juil 2023, 23:46 
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Antichrist
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Très beau texte, Freak.
Juste un détail, ce n'était pas une interview mais une conférence de presse à la Deauvilloise, avec donc trois journalistes et des cinéphiles. Mais il avait été passionnant.

Sinon parlons donc du film, comme le dit bien Bob, il y a une évidente clé d'explication : le cubisme, qui propose de représenter les objets et les corps en les décomposant par formes géométriques simples, en multipliant les angles de vision du sujet représenté, jusqu'à l'art abstrait, peut-être le prochain film de Nolan.

C'est donc un portrait cubiste d'Oppenheimer D'abord l'homme, complexe dans sa relation aux autres, aux femmes, et même à ses enfants (même si cela est assez vite évacué), ensuite du père de la bombe atomique (la plus grande partie du film, même s'il n'est pas aussi hard science que je l'aurais voulu et un peu redouté aussi), de l'Américain de gauche, point surprenant du film, aspect beaucoup plus important que je ne l'aurai pensé, du scientifique face aux militaires et aux politiques, du réalisateur face aux studios - la phrase de Truman est évidemment méta), de l'homme face à son pouvoir d'auto-destruction et plein d'autres aspects encore.

Je m'attendais à ce l'on évoque plus la judéité d'Oppenheimer et le fait (mais c'est évoqué) que la Bombe A est d'abord le projet collectif de scientifiques juifs pour anéantir les Nazis et Hitler. Je pensais que ce serait abordé avec plus d'exaltation, mais c'est bien finalement comme cela, car le film n'est bien sûr pas une apologie de la Bombe (je vous conseille l'incroyable bd du même titre, qui aborde façon plus concrète la course à la fabrication de la bombe).

Sur le plan narratif, c'est bien sûr de l'orfèvrerie, même si la complexité de la structure a moins de sens que dans Inception, Interstellar ou Tenet. Il y a peut-être des liens avec la mécanique quantique qui m'échappe même si on comprend bien l'idée de la réaction en chaîne qu'épouse le récit. Je trouve un chouïa forcé certains liens de cause à effet. Je n'ai pas du tout aimé le moment où le politique explique tout à son assistant, par ex.

Par contre, sur le plan de la mise en scène, c'est éblouissant. j'ai rarement aussi bluffé par la perfection de la photo, du jeu de chaque acteur, des montées de tension, du montage. Le seul petit bémol serait la musique, toujours un peu envahissante dans ses films (et bordel, met nous de la musique classique contemporaine, du Philip Glass !!!). L'émotion est un peu en sourdine, mais - car les acteurs sont prodigieux et Florence Pugh à tomber -, Nolan réussit quelques scènes magnifiques, parmi les plus belles de sa filmographie.

Bon, on va disserter pendant des heures du film, je trouve assez extraordinaire son existence même, en 2023, avec cette ampleur thématique, ce refus du spectaculaire, il n'y a même pas de cartons à la fin pour te dire ce que les protagonistes du film sont devenus....
.

Un gros 5/6


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MessagePosté: 20 Juil 2023, 07:04 
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Pas non plus de vidéo à la fin avec les vrais protagonistes, donc ;)

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Que lire cet hiver ?
Bien sûr, nous eûmes des orages, 168 pages, 14.00€ (Commander)
La Vie brève de Jan Palach, 192 pages, 16.50€ (Commander)


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MessagePosté: 20 Juil 2023, 09:24 
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Nolan devrait faire un film sur son frère Matthew :

Citation:
On March 6, 2005, Robert Cohen seems to have taken a meeting with "Matthew Oppenheimer" (actually Matthew Nolan) in San Jose, Costa Rica.

Also present was Luis Alonso Douglas Mejia, a hotel bellboy allegedly conspiring with Nolan. Video evidence proffered in court purports to show Nolan and Mejia with Cohen in the parking lot of a San Jose shopping center, the last time Cohen was seen alive. Hours later, Nolan was on a plane to Houston, Texas.

Again per court records, within three days, he was back in Costa Rica, where he once again met up with Mejia, who was holding Robert Cohen captive. On March 10, Costa Rican authorities discovered Cohen's dead body. He appeared to have perished from organ failure stemming from severe beatings and torture. The next day, Nolan left the country once again.


https://entertainment.howstuffworks.com/third-nolan-brother.htm

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MessagePosté: 20 Juil 2023, 10:12 
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Peut-être que tous ses films sur la culpabilité viennent de là.

Vivement son The Fabelmans.

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MessagePosté: 20 Juil 2023, 12:56 
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Antichrist
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Non, mais par contre dans Oppenheimer, il y a des lignes sur le frère du personnage qui peuvent être lues différemment. Il est possible que le FBI ait un jour ou l'autre interrogé Christopher sur son frère.


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MessagePosté: 20 Juil 2023, 16:01 
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Clairement une des séances de l'année: dans la salle IMAX de Bruxelles, pleine à craquer, en compagnie de Freak, Puck et leurs potes.
Projo superbe: image magnifique, son de dingue...
Le pied.

Mieux vaut l'avoir vu avant de lire - ALLEZ-Y ET SUR LE PLUS GRAND ECRAN POSSIBLE

Etonnant morceau de Nolan. A la fois dans la stricte continuité de son oeuvre (les experts l'ont développé ou le développeront) et très différent. EN vérité, le film m'a étonné, il ne correspond pas à l'image que je m'en étais faite. Long (pas 1 seconde d'ennui hein), dense, complexe.. Nolan se rapproche ici de films du calibre de JFK, The Social Network.. Etonnamment anti-spectaculaire, l'essentiel du film est fait de gens qui parlent (et qui parlent et qui parlent), assis ou debout. La seule scène de "spectacle" est celle du test Trinity. Que vient faire l'IMAX là-dedans du coup? Bonne question, surtout que le format change régulièrement, souvent dans la même scène: certains plans sont en IMAX, d'autres pas. Parfois ça fait un peu "random", j'avoue. Il n'empêche, CHAQUE plan en IMAX, qu'il soit signifiant/justifié ou non, apporte un supplément d'âme, un supplément de vie. Hormis la scène de l'explosion, forcément en IMAX, tous les autres plans sont donc des hommes/femmes, des visages, souvent en gros plan, mais aussi des respirations, des images "mentales"...

J'en viens au coeur du film: son point de vue. Son point de vue est celui d'Oppenheimer. Perso, je m'attendais à ce qu'on s'attarde beaucoup plus sur le récit historique, militaire et même technique de cette histoire de bombe atomique. Ces trois aspects sont évoqués, jamais approfondis. Et alors, ce qui m'a scié: nous n'aurons pas seule image de l'explosion à Hiroshima, ni une seule image de ses effets, des dégâts causés!! Il faut des couilles, je trouve, pour s'imposer ça. Logique: Oppenheimer n'y était pas. Nolan, comme toujours, mise sur l'intelligence de son spectateur (parfois "trop" d'ailleurs) et recentre son récit sur le vécu de son protagoniste: la manière dont Oppenheimer a lui-même a vecu ce tourbillon de folie, ce chapitre de sa vie complètement dingue. D'abord pris dans le tourbillon de son propre génie qui ne demandait qu'à s'épanouir, puis embarqué à la tête (scientifique) de ce Projet Manhattan de folie, puis embourbé dans les arcanes du pouvoir et de la politique, dans un monde en panqiue, certes sorti de la guerre chaude mais désormais la tête plongée dans les sueurs glacées de la Guerre Froide. Il y a plusieurs moments où, par le biais "d'effets de style" casse-gueule mais, je trouve, brillamments faits, où nous sommes plongés dans le cerveau d'Oppenheimer, ses images mentales.

Nolan mise sur notre intelligence (jamais nous n'aurons un date s'afficher à l'écran, rarement un personnage ne nous sera présenté en bonne et due forme) et propose une structure a minima bi-temporelle et nous refait quasiment le coup de Dunkirk, juste histoire de poser, dès la minute 1, les deux points de vue: celui d'Oppenheimer en couleurs (1. Fission), celui de Lewis Strauss en noir et balnc (2. Fusion). Strauss cet antagoniste surprise et inattendu (du moins pour ma part). Et à nous de nous démerder dans le magma narratif qui va foncer pendant trois heures non stop. J'avoue, que la partie en noir et blanc, j'ai un peu ramé à raccrocher les wagons, et saisir parfaitement les enjeux qui se tramaient. Je courais derrière un train. C'est franchement complexe à suivre, et comme toujours avec Nolan, si tu "rates" une ligne de dialogue ou deux (il suffit d'un moment "oh putain quel beau plan" ou "tain mais il déchire cet acteur en fait" ou "bordel l'IMAX ça tue") tu peux vite être "largué". Et donc voilà, c'est dense, c'est complexe, c'est "riche", et avaler tout ça d'une traite peut avoir un petit côté "indigeste". Je pense également à cette musique, pas mauvaise en soi (je préférais quand il bossait avec ZImmer mais bon), mais qui de temps en temps paraissait trop envahissante, trop présente tout simplement. Elle participe bien sûr au projet "magma" de la narration, mais je trouve qu'elle aurait vraiment pu se calmer à certains endroits - elle claque bien quand il le faut bien entendu.

Bref, comme toujours avec Nolan, on en sort lessivé par la densité du truc, on en sort bien entendu sur le cul devant tant de talent. Et quelle joie de voir Nolan proposer un vrai portrait. Et comme Nolan en rajoute toujours une couche, il met la double dose. En première ligne, le portrait d'un homme, en deuxième ligne, celui d'une époque - qui résonne, bien entendu, avec celle que nous visions aujourd'hui. Dans les deux cas, ce sont deux terreaux riches à explorer, avec mille nuances, et Nolan s'en donne à coeur joie d'explorer le moindre recoin... C'est complexe, c'est dense (je me répète), mais c'est c'est brillant, c'est passionnant, c'est captivant.
Bref, film imposant qui impose le respect de bout en bout. Et il faut un peu se pincer pour y croire: l'un des blockbusters massifs de cet été, c'est un drame hyper touffu, un portrait intimiste complexe mêlé à un thriller politique complexe, sans aucne scène d'action, avec des gros plans en IMAX. QUi d'autre à part Nolan sait s'imposer de cette manière?

Un mot, quand même, sur le casting, impérial. Murphy est parfait, sans surprise, mais les bonnes surprises viennent des (nombreux) seconds rôles: Downey Junior, quel plaisir de le voir ailleurs que chez Marvel, dans un ailleurs de jeu même, un vrai beau rôle, difficilement saisissable mais encore une fois, quel plaisir de voir qu'il est bon comédien et qu'il sait vaire autre chose qu'envoyer des punchlines cyniques. Je pense aussi à Emily Blunt, je l'aime, elle déchire dans un rôle pas facile, à Josh Hartnett qui vieillit très bien, à Jason Clarke qui a comme toujours une présence incroyable, à Benny Safdie malgré son accent..Bref, ils sont tous top en fait.

Je terminerai par un "détail" que j'ai adoré. C'est une des premières fois, je pense (pas sûr mais bref), que je vois au cinéma un traitement "réaliste" des explosions, à savoir concrétiser ce décalage qu'il y a entre l'image et le son, l'une étant un million de fois plus rapide que l'autre. Même sur les petites explosions, le délais est respecté, et je trouve ça jouissif. Pendant la scène "Trinity" l'effet est bien sûr grandiose, incroyablement cinématographique.

Comme Karloff, un gros 5/6 bien juteux.

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Ed Wood:"What do you know? Haven't you heard of suspension of disbelief?"


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On peut donc mettre 4,5 à Wahou et 1 à Oppenheimer.


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Karloff a écrit:
On peut donc mettre 4,5 à Wahou et 1 à Oppenheimer.

Nan mais lui il compte pas…

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MessagePosté: 21 Juil 2023, 06:36 
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Wahou? C'est un film sur les crêpes ?

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MessagePosté: 22 Juil 2023, 14:52 
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Je terminerai par un "détail" que j'ai adoré. C'est une des premières fois, je pense (pas sûr mais bref), que je vois au cinéma un traitement "réaliste" des explosions, à savoir concrétiser ce décalage qu'il y a entre l'image et le son, l'une étant un million de fois plus rapide que l'autre. Même sur les petites explosions, le délais est respecté, et je trouve ça jouissif. Pendant la scène "Trinity" l'effet est bien sûr grandiose, incroyablement cinématographique.

Et cet effet cristallise tout le propos du film : l'histoire d'un gars obsédé par le pouvoir de sa création et soudainement rattrapé par les conséquences.

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MessagePosté: 22 Juil 2023, 15:31 
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tape dans ses mains sur La Compagnie créole
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Film Freak a écrit:
Et cet effet cristallise tout le propos du film : l'histoire d'un gars obsédé par le pouvoir de sa création et soudainement rattrapé par les conséquences.

En effet, bien vu!

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Ed Wood:"What do you know? Haven't you heard of suspension of disbelief?"


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MessagePosté: 23 Juil 2023, 08:46 
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Est-ce que c'est un casse tête Nolanien habituel ou c'est plus "classique"/batmanien cette fois ?

J'ai peur de le voir sans sous-titres si c'est un Tenet bis.


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MessagePosté: 23 Juil 2023, 10:26 
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Non c'est pas un casse-tête.

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MessagePosté: 23 Juil 2023, 11:07 
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Aprés la période Daney (Blissfully Tetsuo et TBA) des débuts, la réaction Mad Movies, l'ère Positif -Diplo (Lohmann) et le post mac mahonnisme de Lepers et Tom, le forum entre à présent dans la phase schmilblik.

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Sur un secrétaire, j'avise deux statuettes de chevaux : minuscules petites têtes sur des corps puissants et ballonés de percherons. Sont-ils africains ? Étrusques ?
- Ce sont des fromages. On me les envoie de Calabre.


Jean-Paul Sartre


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