En fait, c'est même pas la peine de lire mon avis.
Vous irez le voir, le film.
Et ma note, vous la connaissez déjà.
Ceux qui sont déjà chauds ne feront que se monter la tête encore plus et ceux qui ne le sont pas encore se méfieront de l'avis d'un vendu.
Oui parce que :
Alors nul besoin de lire mon avis, en vous risquant à de potentiels spoilers (et à de gros spoilers sur les autres films de Nolan).
Cela dit, je vais rester "vague" et je pense pas révéler quoi que ce soit que vous ne sachiez déjà à partir des bandes-annonces et des affiches.
C'est parti.
Si l'on approche Inception du strict point de vue de blockbuster, ou même de simple film, sans se soucier du metteur en scène derrière, l'ouvrage est déjàç une belle réussite.
C'est rare de voir un film avec un pitch original. C'est encore plus rare de voir un film qui exploite ce pitch au-delà du simple postulat de départ, et l'explore à fond, s'en servant pour en extraire les scènes d'action mais aussi les scènes d'introspection les plus pertinentes.
Je pourrais ne parler que de l'aspect SF ou de l'aspect film d'espionnage/de voleurs, vous dire comment Nolan construit un univers fou en l'ancrant pourtant dans une réalité presque palpable, comment le film ne perd pas de temps sur son exposition mais rentre dans le vif du sujet et l'explique en deux phrases, et tant pis pour ceux qui sont largués, comment il pose ses règles par la suite, en sachant toujours comment les illustrer pour ne pas perdre le spectateur en blabla, comment il les respecte et parfois s'en joue habilement.
Je pourrais vous parler de l'incroyable scène d'action dans l'hôtel qui, si je me retiens de la qualifier de révolutionnaire" (parce qu'il faut pas pousser), demeure véritablement visionnaire. Innovante.
Comme nombre de réussites du genre, le film n'invente rien mais le traitement, lui, est tout bonnement impressionnant.
Je pourrais me limiter à ça, et ce serait déjà bien, vu que rien que sur ce simple niveau de lecture, Inception est déjà un puzzle éclatant.
Mais il est bien, bien plus.
Inception est le film-somme de Christopher Nolan.
Le film accumule l'intégralité des différentes récurrences thématiques de l'auteur, depuis Following jusqu'à The Dark Knight, du moindre détail ou motif jusqu'aux grands arcs les plus fréquemment visités à travers sa filmo. Tout est là.
Je vais essayer d'organiser mes pensées mais je ne peux les agencer selon un plan pour le moment, ça va être un vrac, je vais essayer de donner forme à tout ça.
"Je suis très intéressé par le conflit entre la vision subjective d'un individu et la réalité objective."Dans Following, un personnage nommé Cobb s'introduit chez les gens, à la fois pour voler leurs biens, mais également pour fouiller dans leurs affaires, entrer dans leur intimité, examiner leurs vies. "
You take something from them, you show them what they have".
Dans Inception, DiCaprio joue Cobb, un mec qui s'introduit DANS LA TÊTE DES GENS, pour leur voler une idée...et cela faisant, il accomplit bien plus.
Cobb est aussi un pur protagoniste nolanien, poussé par une obsession, rongé par le remords, hanté par l'être perdu et constamment désireux d'avoir le contrôle sur son monde, un monde où il est de plus en plus difficile de situer la réalité.
Qu'il s'agisse du héros anonyme de Following qui se fait mener en bâteau et doit retourner l'arnaque contre son arnaqueur, Guy Pearce dans Memento, qui est obligé de remettre en doute sa mémoire et doit s'en remettre à ses polaroïds pour décerner le vrai du faux, d'Al Pacino dans Insomnia qui est obligé de remettre en doute sa conscience et doit magouiller pour couvrir le vrai avec le faux, de Christian Bale dans Batman Begins qui met un masque (mais quel est le vrai masque, Wayne ou Batman?) pour reprendre sa vi(ll)e en main, de Christian Bale dans Le Prestige qui ne sait plus quel noeud il a fait parce que ce n'était pas lui mais son frère, avec qui il partage une seule et même identité et Hugh Jackman qui cherche à en percer le secret, et les tours de magie, etc.
Et pour tous, la culpabilité...ne pas avoir pu sauver sa femme pour Guy Pearce (qui s'avère être en réalité son assassin mais refuse d'admettre la réalité et continue à vivre dans une illusion), avoir tué son partenaire par accident pour Al Pacino (qui ne sait plus si c'était réellement un accident et cache la réalité avant de l'avouer au seuil de la mort), avoir indirectement causé la mort de ses parents/de Rachel Dawes pour Bruce Wayne (il admet la réalité mais se crée un alter ego pour survivre et la 2e fois, il admet la réalité si bien qu'il prend carrément sur lui les crimes de Two Face), etc.
Nolan c'est un mec pas tranquille...
La chose la plus épatante d'Inception, c'est comme tu te rends compte que le principal enjeu du film s'avère être en réalité une sorte de psychothérapie.
Alors on va me dire que pour tout film, il y a souvent un arc qui mène tel ou tel protagoniste jusqu'à une certaine paix intérieure, un certain accomplissement, mais ici, vu que l'action se joue au niveau du subconscient, cette notion est au coeur même du film.
Avant chaque tournage, Nolan projette un film à son équipe en guise d'inspiration.
Pour celui-ci, c'était Pink Floyd The Wall.
On retrouve évidemment dans Inception l'influence du film d'Alan Parker, ses trips oniriques, sa narration éclatée, son personnage hanté par le passé, la réalité questionnée, etc.
Mais c'est amusant de voir comme Nolan préfère rester terre-à-terre, même dans les rêves, qui restent "architecturés", et ça témoigne une fois de plus du besoin de "contrôle" sur le monde. Nolan ne laisse pas libre cours à ses délires les plus fous, et à part quelques refs surréalistes jouissives (un escalier à la Escher par exemple), ça reste très contrôlé (d'où l'absence de sexe d'ailleurs alors que les rêves auraient pu en contenir...mais l'intrigue ne s'y prête pas).
Outre les références évidentes (Nolan définit le film comme "
The Matrix meets James Bond" et l'aspect globe-trotter de la trame est assez jubilatoire - surtout quand tout se passe dans la tête des gens - permettant au réalisateur de s'en donner à coeur joie et d'exorciser une envie que tout gamin britannique doit avoir), on retrouve les deux grosses influences de l'auteur : Ridley Scott et Stanley Kubrick.
L'amour de Nolan pour Blade Runner n'est plus un secret et ici, tant esthétiquement que thématiquement, l'influence s'en ressent.
Chez Scott, le décor a toujours eu une grande importance, devenant presque un personnage à part entière du film (le vaisseau d'Alien, le Los Angeles dystopique de Blade Runner, l'Empire Romain de Gladiator, même Florence dans Hannibal, etc.), et chez Nolan, cette importance se fait de plus en plus présente de film en film (la ville d'Insomnia coincée dans un jour perpétuel, le Gotham City cauchemardesque qui sert de background à Batman Begins et devient une partie importante de The Dark Knight).
Dans Inception, les décors sont d'autant plus importants qu'ils sont des extensions des personnages qui les rêvent. C'est assez ouf, comme concept. On retrouve d'ailleurs, de manière plus subtile, la symbolique de The Wall, film qui s'ouvre sur un lent travelling oblique dans un long couloir d'hôtel...
...couloir d'hôtel qui n'est pas sans rappeler les décors de Shining, autre film sur la réalité qui implose.
On retrouve donc Kubrick. Inutile de mentionner également les passages en apesanteur qui renvoient évidemment à 2001.
A l'instar de Kubrick, Nolan est souvent accusé d'être froid, que son cinéma est davantage cérébral qu'émotionnel.
Si Inception est à plus d'un titre un film très "heady", il s'avère également être le film avec le plus de coeur que Nolan ait fait jusqu'à présent. L'ancrage émotionnel est bel et bien là. Tant et si bien qu'on pourra même lui reprocher de trop s'appuyer sur la musique pompière de Zimmer (mais que personnellement j'adore dans son crescendo qui enfle, et enfle).
Tout comme pour Batman Begins, qui m'avait surpris à ce niveau-là, le film n'est pas exempt d'humour et la fine équipe de personnages secondaires (acteurs tous en forme, on a envie de les revoir) est là pour assurer ce quota, sans que cela fasse un instant calibré...
...et c'est quand même le génie de ce film et de Nolan sur ce film.
J'en aprlais justement avec Qui-Gon récemment : Inception est le premier film du Nolan tout-puissant.
Following lui permet de faire Memento. Memento lui ouvre les portes d'Hollywood. Insomnia assure aux studios qu'il peut gérer un gros budget. Batman Begins assure sa place. Mais juste après, plutôt que de faire un gros truc, il fait un petit truc, un projet qu'il avait même avant Batman. Puis il fait The Dark Knight. Sur ce dernier, y a déjà un côté "je fais ce que je veux, aka je fais un pensum philosophopolitique à partir d'une suite de reboot d'adaptation de comic book". Mais Inception...
C'est une idée qu'il a depuis 10 ans, qu'il avait pitché à Warner après Insomnia, qu'il est parti écrire tout seul (alors que la Warner voulait le payer pour l'écrire) et revient leur proposer une fois qu'il est devenu maître du monde. Du coup, ça donne une sorte de blockbuster pyschanalytique à 200M$ de budget. Et le premier film qu'il écrit tout seul depuis...Following.
Film-somme et renaissance en même temps. Aboutissement de cette première partie de carrière.
Juste après, y a le 3e Batman, mais après ça...je suis vraiment super curieux de voir où il ira.
Pour moi, Inception est le meilleur film de l'été. Sans doute le meilleur film de l'année (je ne vois guère que le Fincher qui pourrait le détrôner mais je pense qu'il se classera 2e). Et si j'excepte The Dark Knight, c'est le meilleur film que j'ai vu depuis 5 ans.
6/6