Bon je vais vous épargner la sempiternelle recontextualisation de mon avis, de comment j'appréhendais le film, etc...soit vous savez déjà ce que je pense du premier et de Nolan, soit pas.
Pour l'avis simple, sans "analyse" plus profonde, ça donnerait :
C'est fabuleux.
D'un point de vue "geek", non seulement est-ce une excellente adaptation (à ranger aux côtés des meilleures, d'autres n°2 tels que ceux de Singer et de Raimi), qui enterrent les autres (même les Burton et peut-être même Batman Begins) mais ça rivalise carrément avec les meilleures comics. On y retrouve des thématiques à la Miller, de la folie à la Moore, du polar à la Loeb. Ya de tout. C'est d'une richesse thématique fascinante où tout s'imbrique à la perfection.
Un petit bémol? Ca met un chouille à démarrer...peut-être Nolan est-il moins à l'aise lorsque son exposition doit se faire dans la linéarité mais il ne démérite pas pour autant dans l'exercice. Au contraire, il construit sur les 35 premières minutes (j'arrondis au pif ou presque hein) un crescendo, au même titre que le thème du Joker, menaçant, qui explose soudainement pour ne plus jamais redescendre. Une fois que c'est parti, ça s'arrête plus et ça dure sur 2h27 sans que tu te fasses chier UNE seconde (j'en veux cinq, dix, quinze heures comme ça moi) et où il se passe mille choses, au niveau des personnages, des enjeux, de l'intrigue, des thèmes, etc.
Tout le monde y est bon, des acteurs (Ledger putain...) à l'équipe derrière la caméra (SFX ma-gni-fiques). Nolan s'en sort même mieux sur l'action (énorme scène "de la poursuite/du camion", absolument jubilatoire).
Enfin bref...Voilà quoi. C'est 6/6. C'est le meilleur film de l'année. C'est le meilleur blockbuster depuis...Batman Begins.
Bon. Passons aux choses sérieuses.
On a pu lire ça et là "Le Parrain II des films comic book".
Outre l'hyperbole, c'est pas exactement ça.
A la limite, ça, c'est plus le premier. Avec ses allers-retours temporels, ses mafieux, tout ça. Ou pas. On s'en fout.
On a pu lire (et c'est normal vu que Nolan l'a clairement énoncé comme influence majeure sur ce film) que ça faisait penser à Heat.
C'est déjà plus ça.
Alors je les vois les fans de Michael Mann me sauter bêtement à la gorge et je vais leur dire "chut".
Les deux films sont comparables dans la mesure où Nolan ne réalise pas tant un Batman, du moins pas juste un Batman, mais un polar épique qui se veut à la fois l'histoire d'une ville, de ses habitants, et évidemment aussi des différentes forces qui sont amenées à la gouverner.
On avait la police. On avait la pègre. On a eu Batman.
Jusqu'ici c'est clair.
Puis étaient intervenus les premiers "terroristes" de l'affaire (Ra's Al Ghul et l'Epouvantail), oui parce que dans les films de Nolan plus encore que dans toute autre adaptation de Batman (et peut-être même plus que dans pas mal de BD Batman), les méchants font davantage figure de terroristes que de joyeux trublions.
Finis les braquages de banque à la con.
Finis les spots TV du Joker pour dire qu'il a empoisonné des cosmétiques.
Finis les mecs à la gueule rose qui font des crimes qui riment avec 2.
Finies les bouffoneries.
Avec le Joker, la donne change.
Le terroriste, ce coup-ci, dit ne pas avoir de "plan", mais à travers lui s'incarne toute la thématique du film. Il en est l'illustration, c'est un personnage presque abstrait vu qu'il ne semble exister que pour incarner cette notion : on peut tous mal tourner. Face à certains choix, on peut tous franchir la limite.
La problématique posée devra donc être résolue par les trois figures de la justice et de l'ordre incarnées quant à elle par Batman, mais aussi Gordon et surtout, Harvey Dent.
Le personnage du Joker n'est pas à proprement parler un protagoniste. Il est plutôt le moteur de l'intrigue. Comme méchant, il me fait penser non pas à Neil McCauley mais à Simon Gruber. Oui, en fait, à certains moments, j'ai pensé à Die Hard with a Vengeance pour le délire ludique du Joker qui s'amuse à faire cavaler Batman et/ou les flics et/ou d'autres à travers toute la ville qu'il tient véritablement en otage, semblablement tout puissant. Il est le grand démiurge du film...celui qui crée les situations et qui impose les règles du jeu (et donc du film). Il est probablement plus fascinant qu'il ne l'a jamais été.
Dent, lui, est la grande figure tragique. Enfin Wayne/Batman aussi.
Et c'ets normal qu'il y ait ce dédoublement, c'est dans tout le film cette duallité. Pas uniquement au travers de Rachel, que les deux hommes aiment. Pas uniquement au travers de leurs surnoms, l'un le "White Knight", chevalier blanc de Gotham, le nouveau procureur venu remettre de l'ordre dans la ville ; et l'autre le "Dark Knight", le gardien, le veilleur de nuit, le vigilante. Non, la question posée par le film c'est "l'un peut-il remplacer l'autre?", "l'un peut-il devenir l'autre?".
"Et si on les pousse à bout, que deviennent-ils? Pourraient-ils devenir...comme le Joker?"
La duallité de Dent est parfaitement saisie par le film et lorsqu'il devient Two-Face, tu vois alors en quoi il incarne à la fois les deux revers d'une même pièce. Lui aussi alors transcende le simple statut de protagoniste pour adopter les traits des deux autres figures du film, Batman et le Joker.
Et il n'est pas le seul rat de l'expérience du terroriste.
Tout le monde, TOUT. LE MONDE. entre dans le jeu du Joker. Qu'il s'agisse des hommes de main d'un gangster black anodin ou bien de la population de Gotham, tous mis devant un choix menant à voir vers quoi ils tendront. La vertu? La survie?
La Justice? L'Egoïsme?
Batman? Le Joker?
Et ainsi le film remet-il sans cesse en question la notion de justice expéditive, inhérente à la figure du vigilante. Dans quel situation a-t-on le droit de tuer? Y a-t-il encore espoir de s'en sortir dans l'anarchie créée par le Joker? Etc.
C'est sans aucun doute l'adaptation de comic book la plus dense, la plus mature et la plus intelligente qui soit.
C'est sombre. C'est désespéré. C'est noir. C'est violent.
Ca pousse les limites du PG-13 non par le sang mais par justement cette terreur qu'incarnent, dans le fond comme dans la forme, le Joker et le visage martyrisé de Dent.
Et avec ce genre de personnages et de thématiques, tu SAIS en regardant le film que TOUT EST POSSIBLE.
Ca fait frémir de bonheur de voir des productions mainstream réfléchies de la sorte, osant le grand crime drama qui s'étalent en une multitudes de personnages (Alfred et Lucius sont un peu en retrait mais auront eux aussi un bon rôle à jouer...cf. la séquence "Patriot Act", là aussi ça en pose des questions, j'aimerai bien les voir développées dans le 3) et une intrigue dense...
Enfin bref...
Je vais laisser reposer et y revenir plus tard de toute manière...
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