Forum de FilmDeCulte

Je me baladais sur le forum de SpielbergFilms tout à l'heure et dans la section A.I., j'ai vu ça:

"Je considère l'hommage que Spielberg a rendu à Kubrick, A.I., comme un des films les plus sous-estimés de ces dernières années. A.I. est bien en avance sur son temps et pose des questions importantes comme "Qu'est-ce qui fait rend les humains humains ?"
- Billy Wilder

Du coup j'ai eu ma grosse vague d'émotion et je suis allé voir des pages sur le film et... pfiouuuuu...

enfin bref voilà je voulais "lancer le débat": quatre ans après, quid de A.I., selon vous ?

Moi je sens que le film a d'ores et déjà été réhabilité, principalement au niveau critique, mais petit à petit auprès du public également. C'est quand même un film précieux et extraordinaire.

Qu'en pensez-vous ?

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Liam Engle: réalisateur et scénariste

Ca fait vraiment longtemps que je ne l'ai pas vu ce film, mais ça reste l'un des seuls films (avec La Soif du Mal) qui arrive à atteindre le statut de chef d'oeuvre malgré des faux pas aussi énormes qu'inexplicables.

Tout le début est un sans faute -la mise en palce de l'intrigue, la tension, l'abandon- c'est d'une maitrise époustouflante... et puis il y a le cirque des robots accompagné de son esthétique complètement cheap et de sa réal' bancale... ensuite, c'est à nouveau parfait et au moment où on croit voir une conclusion géniale (le gamin/robot sous la mer) on a un film qui change complètement de forme, de narration et qui sombre dans la guimauve la plus indigeste. Un travers qui fait un peu constante chez Spielby depuis et qu'on a revu dans Minorty Report et La Guerre des Mondes.

Mais au final, je m'en fous, le film reste un très, très, très grand Spielberg.. celui qui fait parti du haut du panier en terme de traitement des thématiques , de réalisation et de direction d'acteurs -à part la fin. Je crois que bizarrement, le Spielberg du début du film qui se retient pour coller à une ambiance quand même très Kubrickienne est le Spielberg que je préfère.

Putain, faut que je le revois!

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"I'm so cool you could keep a side of meat in me for a month! I'm so hip I have trouble seeing over my pelvis!"

Un putain de conte de fées....... L'un de mes préférés aussi, j'en ai pris conscience l'autre jour en essayant de récolter mes 20 films préférés de 2000-2005........................

Une incroyable claque.

La fin, quoi, une des plus belles: aussi tragique qu'heureuse, c'est fort !

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Netflix les gars, Netflix.

Ouais c'est bien dit...

Sinon Vimes ça m'étonne de toi que tu considère la fin comme de la "guimauve indigeste"...

Si tu vois ça pour ce que c'est... à savoir un enfant-robot dans une FAUSSE maison qui dit qu'il aime une FAUSSE mère. Et la fausse mère qui en retour lui dit qu'elle l'aime aussi... et après ils s'endorment ensemble... bah quand tu vois ça c'est dur... c'est dur...

Je vois vraiment pas ce qui y a de guimauve là dedans. Au contraire c'est vraiment un constat très, très sombre et dur sur nous et notre besoin d'amour, etc.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste

ça me ramène à mon arrivée sur le forum première et à une petite discu avec Ciné'ix...4 ans déjà.

Et je me rappelle même d'un de tes messages enthousiastes sur ce film, Qui-gon.

En tout cas, son tout premier message sur A.I. était : "Ce film est une splendeur."

Moi je retiens surtout son "A.I., c'est intolérablement bon"...mais ça c'était en live, pas sur le forum.

Sinon, perso, faut que je le revoie (faut que je me refasse les 6 derniers Spielberg avant MUNICH), mais avec mes deux visions, même si ça passe mieux...je trouve le film trop "borderline"...enfin je conçois qu'on puisse adhérer à 1000% et je conçois qu'on puisse ne pas accrocher jusqu'à trouver ça carrément foireux...c'est trop bizarre, trop décalé, trop pas homogène, etc...et du coup, c'est également super riche, et en fait, tous les pas de travers sont pensés, réalisés, délibérés...c'est totalement maîtrisé en fait, et c'est un très, très bon film...mais bon...pour moi, le film aurait été parfait s'il s'était arrêté avec David coincé au fond de l'océan, priant à l'infini...je comprends l'épilogue, je comprends son propos, son sens, sa place dans l'histoire, et même si elle est, en réalité, sombre quand on y pense, ben j'aurai (mais ça c'est vraiment subjectif, c'est pas un reproche) préféré que ça finisse plus haut quoi...

En dehors de ça, d'un point de vue objectif, le film partait pas gagnant et s'en est pris un peu beaucoup dans la gueule pour rien...déjà Spielberg s'en prend parfois dans la gueule de manière gratos, ensuite, il reprenait un projet de Kubrick qui venait de caner, et puis il livre pas facile d'accès et plus subtil qu'on ne le croit...je pense que beaucoup n'ont pas fait l'effort de le comprendre...on voit de la guimauve là où il y a en fait une exacerbation d'un univers factice, on voit de la naïveté là où il n'y a qu'un point de vue d'enfant, on voit des aliens là où il y a des robots...

Ca va être très con à dire mais moi, je préfère quand il fait plus simple, Spielberg...lol...enfin disons que justement, tout ce jeu autour du froid et du factice dans A.I., bah perso, ça me bloque dans mon élan émotionnel et du coup, ça me touche moins que...chais pas, RENCONTRES DU 3e TYPE, E.T. ou JURASSIC PARK (pour ce qui est du merveilleux) et EMPIRE DU SOLEIL, SCHINDLER et CATCH ME IF YOU CAN (pour ce qui est du dramatique).

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J'arrive.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste

C'était juste avant le mythique "c'était pas évident !", non ?...

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Netflix les gars, Netflix.

pas revu depuis la sortie, mais je pense pareil que c'est un film qui compte.
Et je suis carrément d'accord avec la question de Billy wilder.

Le film qui a apporté l'expression Tropicana... rien que pour ça il compte. Sinon toujours été un défenseur acharné du film (et dieu sait qu'au départ, j'en ai entendu sur lui dans les salles de rédaction de France et de Navarre). L'abandon dans la forêt est l'une des scènes les plus déchirantes de l'histoire du cinéma. J'aime moins la toute fin (comme souvent chez Spielby).

ah non c'etait "Incassable" non ?

Certes, mais c'est avec mon retournement de veste sur A.I. que l'expression est devenue mythique, voilà.

C'est terrifiant.

Quand nous on sait qu'elle va le lâcher et que lui il sort la nappe, tranquille et tout... Et puis après il se met à chialer, s'accroche à elle et lui fait un truc du genre "Si je deviens un vrai petit garçon comme Pinocchio... ?"

"Mais c'est qu'une histoire..."

"But a story tells what happens...!"

C'est insoutenable.

Et puis après elle s'en va et y a le plan JURASSIC PARK dans le rétroviseur... fondu au noir... et boum, ouverture sur le visage de Gigolo Joe. Pfiiiouuuu... C'est dur.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste

Ca reste mon film préféré et mon idéal de cinéma.
C'est probablement l'expression la plus pure de la souffrance humaine que j'ai pu voir au cinéma, jamais intellectualisée, exposée avec une naiveté et une innocence d'enfant sur un fond réflexif d'adulte (qui vient en partie de Kubrick). C'est probablement ce qui fait l'unicité du film et sa difficulté pour certains : il est fondé sur une contradiction irréductible.
Les problèmes qui construisent le film sont les plus fondamentaux qui soient : soi, l'incompréhensible du monde, l'insignifiance de l'individu, la contingence, l'amour, la haine, la solitude, la mort. Et le miracle du film est de faire tenir ca dans le regard du spectateur sur le parcours d'un enfant obstiné pour mieux saisir l'incohérence du monde et de l'humanité, d'un enfant qui ne demande jamais pourquoi, qui est pris dans une quête totalement absurde que le spectateur sait condamnée à l'échec (et la pirouette finale n'est là que pour mieux marquer l'échec). Je ne vois aucun film comparable, ca aurait pu être totalement manipulateur (Von Trier n'est finalement pas si loin), c'est d'une sincérité absolue parce que Spielberg est à la fois ce spectateur de la quête et l'enfant qui cherche et qui ne comprend pas. Il existe en tant qu'artiste à tous les moments et degrés du film (même si le fait qu'il reprenne un matériau de Kubrick n'est pas étranger à ce fait).
Il n'y a strictement aucune forme de guimauve dans ce film, c'est tout à fait autre chose. Je ne trouve quasiment aucun défaut au film (je trouve que le narrateur parle trop à la fin, et deux trois détaits au milieu, volontairement cheap, le sont un peu trop, c'est grosso-modo tout), il me parait d'une cohérence et d'une maitrise absolue à partir de son fond totalement contradictoire. Les reproches qui sont faits au film, s'ils sont justifiés du point de vu subjectif, ne sont absolument immanents au film.
Je disais que c'était mon idéal de cinéma, ca l'est parce que c'est un film à la fois parfaitement maitrisé et d'une sincérité totale, et qu'il réunit la distance de la réflexion et l'implication émotionnelle au plus près du sujet. Pour moi c'est un cinéma extrêmement rare, surtout dans nos temps de cynisme et de sarcasmes, qui en dit bien plus long que tous les pensums pseudos-philosophiques à la subtilité tout à fait superficielle (je suis de toute facon persuadé que le cinéma n'est pas le lieu privilégié de la réflexion, en tout cas pas dans toutes ses modalités).
Tout ca pour dire que je trouve ce film fabuleux et unique.