Gontrand a écrit:
Onfray est un suiviste qui sait présenter son opportunisme comme une rupture. L'orientation nietzschéenne était déjà présente chez le "fondateur" des 'café-philo', dans les années 1990, Marc Sautet (souvenz-vous...). Il réhabilite Camus quand tout le monde le lit et plus personne ne lit Sartre, délaissé par l'université (en disant sur des centaines de pages ce que Tony Judt exprimait il y a 10 ans de façon plus concise). Il attaque la psychanalyse 10 ans après la mort de Deleuze, quand les neuroleptiques pour les cas borderlines s'améliorent et que l'inspiration sécuritaire prend le pas sur l'anti-psychiatrie dans le fonctionnement des institutions.
Il a visiblement essayé d'appuyer une religiosité athée à la Auguste Comte sur les textes de Nietszche, ce qui est une aberration. Nietzsche est beaucoup plus riche: dans "Humain trop Humain" il distingue avec beaucoup de finesse la thématique ontologique de la mort de Dieu, qu'il tire vers l'anthropologie philosophique, de celle de la religion, discutée comme fait moral et politique, alors qu'Onfray, dans les textes que j'ai lus, nivelle cette distinction (qu'il ne relève peut-être pas...).
Et surtout il a cette tendance commune à tous les mauvais philosophes de se présenter comme le disciple-continuateur (sans travail critique) d'une figure tutélaire, totémisée, marginale mais populaire, reconnue, et trop morte pour refuser l'annexion; et en identifiant ses propres comtempteurs actuels avec ceux, défunts eux-aussi, de ses "maîtres". Ce qui donne une tournure hystérique à la discussion, lui permettant de s'auto-entretenir, chacun pouvant perpétuellement reprocher à l'autre son inactualité.
et puis les trucs les plus intéressants de "l"Université Populaire de Caen" ne venaient pas de lui (par exemple els cours de Séverine Auffret sur le féminisme)
C'est bien joli ça, qu'il fasse un travail philosophique plus sérieux et/ou honnête, mais j'ai envie de dire que "tout le monde" s'en fout.
Je n'y connais pas grand chose en philo mais je pense voir ce que tu veux dire. J'ai lu, en diagonale, "Cosmos". Le mec est érudit, c'est clair. Il fait travail de philosophie, je pense, mais certainement par dessus la jambe. J'ai quand même eu l'impression de lire des banalités, très liées à l'ego du bonhomme, enrubannées de vocabulaire philo. Donc je suis prêt à te croire sur parole (même si je comprends qu'Onfray parle plus de spiritualité que de religiosité mais bon, je sais pas ce qui ferait frémir le plus la stache à Nietzsche). Je l'ai même entendu citer la "common decency" d'Orwell, récemment, il va peut-être faire avec lui ce qu'il aurait fait avec Camus d'après toi. N'empêche que "tout le monde", faut voir...
Une cousine, rédigeant un mémoire sur Camus ya 10 ans, m'avait justement parlé d'un revival du Pied-Noir. Le Livre noir de la Psychanalyse, qui avait déjà fait du bruit, doit bien avoir 10 ans aussi. Mais il y a le "tout le monde" intellectuel d'un côté, et "Mr et Mme tout le monde" de l'autre qui doivent passer par les media pour savoir ce qui se trame dans le petit milieu. En ce sens, Onfray fait peut-être oeuvre de pédagogie ? C'est peut-être énervant à cause de sa malhonnêteté mais c'est déjà ça de pris. Il doit sans doute sa popularité parce qu'il surfe sur une vague mais encore faut-il le verbaliser sur la place publique.
Si ça fait lire Camus ou prendre avec des pincettes Freud par beaucoup, c'est si mal qu'il pioche ce qui l'arrange pour sa démonstration ? Qu'il soit un mauvais philosophe (parce que c'en est un, c'est comme le bon ou le mauvais chasseur tout ça), ce n'est pas finalement accessoire ?
Perso, je n'ai jamais cru une seconde que le PS était de gauche (enfin plus ou moins, disons que jusqu'à Jospin, j'avais de gros doutes). Ca ne m'est pas venu comme ça. Mes parents, déjà, qui ont voté Mitterrand en 81. Je n'étais pas le seul. C'était plus ou moins réfléchi par beaucoup mais difficilement verbalisé. C'est maintenant considéré, après des années de déni, c'est une banalité que de le dire. J'ai savouré le récent jugement pour droitisation du PS. Sauf que dans les media, j'ai pas souvenir d'avoir vu un ancien ministre se faire aligner comme ça (bon, ya du montage, c'est beaucoup d'Ardisson qui a eu le nez creux de mettre la niaise Guigou en face).
https://www.youtube.com/watch?v=x3dH4Td3qbMAlors on pourra toujours lui faire un procès d'intention de démagogie ou de populisme, n'empêche que c'est la moindre des choses pour les media de passer par là. Onfray n'a pas inventé le fil à couper le beurre mais il s'en sert, sur les plateaux.
Qu'on insulte, à une heure de grande écoute, avec un argumentaire caricatural mais qui parait solide, avec une faconde qui fait croire à la conviction, un ancien ministre un peu MILF, c'est si mal ?
Le phénomène (omniprésent dans les media et relativement lu) Onfray a(vait) du mérite. Un proudhonien (je ne sais pas s'il se dit camusien, mais invoquer Proudhon, on connait mieux pour attirer le chaland postpubère non-universitaire, peut-être bien sa raison pour écrire sur Camus ?), prof indépendant (modulo Radio France), en Normandie, qui finit régulièrement parmi les meilleures ventes, certes parce que le mec a tout compris au débat médiatique, c'est remarquable.
Comme je disais, il a joué un rôle cathartique pas inintéressant. Il est omniprésent, c'est énervant mais plutôt que de tomber sur des "pourquoi Onfray a raison" ou "pourquoi Onfray est un imposteur", je suis preneur sur des "pourquoi Onfray". Le mec est un pas loin du phénomène (ça peut se dégonfler vite), c'est pas un élève ou un prof à qui on donne une note, et j'ai l'impression que c'est mis de côté. Soit on est fan d'Onfray, soit on se poste pour dire que c'est médiocre mais dans les deux cas, c'est un peu court.
Aujourd'hui, va de toute façon falloir qu'il passe à autre chose. Renvoyer dans leurs cordes les abonnés aux débats depuis 30 ans, avec la connivence des journalistes pour ce nouveau bon client (lassé par leurs anciens abonnés), c'était bien, fallait que ça se fasse, mais ça va pas suffire. Depuis qu'il est arrivé au top de la notoriété, qu'il ne peut plus se placer en "pourfendeur de la pensée unique", ça va pas être aussi facile. Surtout avec son ego... A un moment, le gars qui te dit que le changement, ça passera par des structures d'initiatives populaires et locales, c'est bien gentil mais il devrait plus l'ouvrir sur les ZAD que sur la géopolitique au Moyen-Orient ou proposer des alternatives plutôt que de déclarer que voter ne sert à rien. Et c'est pas le cas parce que c'est pas très blingbling. Ca fait longtemps qu'il est pas super cohérent, ça va être de plus en plus dur.