Citation:
Microsoft fait de la pub sur le journal de l'extrême-droite suisse
Par Sid Ahmed Hammouche et Patrick Vallélian (La Liberté) 16H05 17/10/2007
"Quoi, Microsoft fait de la publicité dans le journal officiel d'un parti d'extrême droite suisse!" A l'autre bout de fil, cette chargée des relations presse pour Microsoft France n'en revient pas. Elle ne comprend pas que la filiale helvétique du géant américain de l'informatique se soit offert deux pleines pages de pub dans SVP-Klartext, le mensuel de l'Union démocratique du centre (UDC). Et ceci en pleine campagne électorale.
"En France, cela ne pourrait pas arriver. Microsoft est neutre politiquement. La société ne tient pas à s'afficher dans un camp ou l'autre, surtout si le contenu d'une publication est xénophobe. L'image de la multinationale est déjà assez mauvaise comme ça dans le public. Il n'est pas nécessaire d'en rajouter..."
La publicité en couleurs de Microsoft Suisse dans le journal du parti de Christoph Blocher partait pourtant d'un bon sentiment. Celui de rendre hommage aux régions décentralisées du pays: les Grisons en l'occurrence. On y voit une place de village où des personnages sont dessinés au crayon blanc. Tout comme une terrasse de bistrot. Un balcon au mur d'une maison ou encore des fleurs. Le message: nous voyons une région éclore... grâce à la version romanche de Microsoft Office.
Loin de la multiculturalité
En plus, Microsoft joue les promoteurs de la diversité culturelle de la Suisse. C'est du moins ce que prétend la pub. Mais le problème pour la multinationale de Redmond, c'est que cette réclame en couleurs figure en dernière page d'une publication qui prône exactement le contraire. On y explique que l'affiche des moutons blancs chassant un mouton noir du drapeau suisse est devenu culte et qu'elle est géniale. Sans dire que l'ONU la juge raciste et xénophobe.
Plus loin, une autre pub politique montre une femme voilée, musulmane, avec la question "Aarau ou Ankara?" On y critique également la loi anti-racisme, qui limite la liberté d'expression, paraît-il. Ou l'accès trop facile à la nationalité suisse, en montrant des mains plus ou moins basanées qui cherchent à agripper un passeport à croix blanche. Bref: un contenu qui est à mille lieues de l'image multiculturelle que veut donner de lui ce monstre informatique qu'est Microsoft.
Et qu'en pense-t-on aux USA où l'UDC est cataloguée dans le registre des partis d'extrême droite, comme le Front national français et le Parti libéral d'Autriche (FPÖ) de Jörg Haider? Réponse d'une porte-parole:
"Je n'ai pas connaissance que Microsoft ait investi dans des journaux politiques en Amérique. Ce n'est pas bon pour les affaires. Surtout quand il s'agit de partis considérés comme extrémistes. Cela peut toucher notre image. Mais nous laissons Microsoft Europe régler cette question avec la Suisse."
Démarche équitable
Microsoft Europe, qui renvoie elle la balle à la Suisse, s'interroge sur le bien-fondé de la démarche helvétique. "Mais regardez plutôt avec Microsoft Suisse", conseille-t-on à La Liberté qui se tourne alors vers la filiale suisse de la multinationale.
Et surprise: Peter Waser, directeur général de Microsoft Suisse, tombe des nues:
"Quoi? Microsoft met de la pub dans le journal de l'UDC? Je ne savais pas. Il faut dire que je ne m'occupe pas de cela. Nous avons une agence de publicité qui s'en charge. Mais cela m'étonne. Nous avons un devoir de réserve vis-à-vis des partis politiques. Je vais me renseigner. Je vous recontacte très rapidement."
On attend toujours... Direction donc le service de presse de Microsoft, dont Stefan Meierhans est le porte-parole.
"Bien sûr que je sais que nous mettons des pubs dans le journal de l'UDC. Mais nous en avons aussi dans les publications des trois autres partis gouvernementaux."
Et l'attaché de presse d'envoyer par e-mail les copies des journaux concernés du Parti socialiste, du Parti démocrate-chrétien et du Parti radical-démocratique. "Vous voyez. Nous sommes équitables." Les autres partis de Suisse, Verts en tête, apprécieront.
Et pourquoi jouer la carte des partis? "Nous cherchons à toucher le public des décideurs qui s'engagent en politique, notamment les avocats et les patrons de PME", répond Stefan Meierhans. "C'est efficace et pas très cher". Une page complète dans SVP-Klartext vaut 4477,20 francs suisses, bien moins en effet que ce que coûte un tel format dans un quotidien ou un magazine.
Employés outrés
Peut-être, mais s'afficher dans un journal politique en payant des pages de pub, c'est aussi appuyer les idées du parti concerné, non? "Pas du tout. Pour Microsoft, placer cette pub dans le SVP-Klartext, c'est comme placer une pub dans Le Temps ou le Bund. Ce sont des journaux comme les autres", poursuit Stefan Meierhans qui ajoute ne pas voter pour UDC et n'être pas d'accord avec ses idées.
"Ce n'est pas un acte politique. Mais un acte économique visant à toucher un large public." Mais un acte risqué tout de même puisqu'il a une connotation évidente, non? Pour preuve, les autres annonceurs de SVP-Klartext sont quasiment tous des sympathisants de l'UDC. Stefan Meierhans rit à l'autre bout du fil.
"On sait prendre des risques chez Microsoft. C'est comme ça qu'on a grandi. D'ailleurs, nous n'avons jamais reçu aucune réclamation à propos de nos publicités."
Un discours qui fait grincer les dents à l'intérieur de la forteresse Microsoft Suisse. Plusieurs employés de la multinationale joints par La Liberté, mais qui souhaitent garder l'anonymat, se disent outrés qu'en pleine campagne électorale, leur firme s'affiche dans une publication d'un parti qui stigmatise les étrangers et qui a tendu le climat politique suisse en prônant des idées xénophobes.
D'autant que de nombreux employés de Microsoft Suisse sont justement... des étrangers. La firme de Bill Gates n'aime pas mélanger business et politique. Surtout pas quand il s'agit de parti d'extrême droite. Et pourtant, la filiale suisse de Microsoft s'est offert une pub dans le journal officiel de l'UDC.
"Où est donc le mal?"
Ce qui ne manque pas à SVP-Klartext, c'est de la publicité. Les pages en sont pleines. On y croise un électricien, un constructeur de trains, un informaticien, un cafetier. Et un hôtelier valaisan qui offre des bons de 50 francs suisses par personne pour les sympathisants de l'UDC, afin de les attirer chez lui. "Et ça marche", confie la standardiste de l'Hôtel alpin. "Chez nous, il y a beaucoup d'UDC et d'autres qui viennent à la rencontre des UDC. Et beaucoup profitent du bon." Mais attention, l'établissement accueille aussi les non-partisans. Et pourquoi cette démarche? "Mon patron est président de la section régionale de l'UDC", poursuit la jeune fille.
Autre pub: celle de Stadler, un constructeur de trains établi à Bussnang (TG). Une secrétaire explique que son patron, Peter Spuhler, est conseiller national UDC. "C'est normal qu'il fasse de la publicité dans la publication officielle de son propre parti. Je ne vois pas où est le mal", se demande l'employée avant de boucler le téléphone.
Quant à Goal, agence de publicité basée à Dübendorf, elle a orchestré la campagne des moutons noirs et blancs. Rien de plus de naturel, justifie sa secrétaire, que de rendre la pareille au parti de Blocher. Voilà donc Microsoft bien accompagné...
Source:
http://www.rue89.com/2007/10/17/microso ... ite-suisse
J'aime bien le cynisme du mec du service de presse suisse. Bon, je suppose qu'il va bientôt être chômeur.