simon, un représentant d'une cinquantaine d'années, mène une vie ennuyeuse dont les seuls moments de joie sont ses retrouvailles avec son meilleur ami, mickey. deux ans plus tôt, marx, un truand vieillissant, prend sous son aile Johnny, un jeune homme quelque peu stupide, qui le suit partout comme un chien, et à qui il va apprendre les rudiments du métier. quand mickey est blessé en service et tombe dans le coma, simon abandonne famille et travail et se lance à la recherche des meurtriers de son ami. ses soupçons se portent sur deux hommes : marx et johnny...je me plais souvent du manque d'évolution de la forme des films français - mais pour son premier film jacques avait voulu frapper un grand coup et inventer le futur. c'est donc un film soucieux d'avoir son propre style et en rupture avec ce qu'il se faisait. il y a d'abord l'identité fondamentale, qu'on retrouvera après : son attirance pour le genre à l'américaine, mais sans singer, en adaptant vraiment en pays : donc c'est tiré d'un roman noir américain mais c'est totalement français, c'est un récit qui n'est pas de tradition française mais avec des personnages, des dialogues, des comportements qui le sont. et il filme ça en très gros plan, parfois sans montrer le décors du tout, ce qui contribue à 'dé-nationaliser' le récit, ce qui est visuellement marquant, et ce qui contribue à ce travail général sur la rétention d'information. puis qu'il travaille massivement sur l’ellipse, sur les choses à moitié dites, il montre a puis c mais te laisse te démerder pour définir b. le tout dans des timelines parallèles et désynchronisées. dans l'absolu c'est impressionnant, pour 94 c'est impressionnant, pour un premier film c'est impressionnant, et pour tout ça combiné c'est très impressionnant.
et on retrouve donc là le jacques qui me fatiguera un petit peu par la suite. parce que ça
veut être impressionnant. il choisit régulièrement d'en mettre plein la vue prioritairement plutôt que transmettre une émotion ou même juste raconter une histoire. de fait, c'est volontairement très abscons (j'ai du regarder le synopsis au bout de 30 minutes parce que je ne comprenais juste pas ce que je regardais). et tout ça a été très bien accueilli et récompensé (un certain regard puis césar du meilleur premier film, l'histoire d'amour remonte loin...) et, comme de nos jours, je ne peux m'empêcher de penser que c'était le but profond du film, et qu'il s'adressait principalement aux thierry fremeaux, manuel alduy et grégory weill de l'époque, mais si on a aussi envie de lui dire qu'il est formidable on peut.
parce que concrètement cette histoire est quand même pas grand chose (le roman est d'ailleurs totalement obscur), j'ai les pires difficultés à croire qu'il trouvait ça passionnant, il n'a manifestement pas grand chose à dire (si c'est impressionnant de maitrise stylistique pour un premier film, c'est aussi impressionnant comme c'est vide émotionnellement pour un premier film, tu n'es pas censé avoir emmagasiné des émotions à transmettre toute ta vie normalement ?), et si ça le stimule de nous laisser deviner les b c'est aussi parce qu'il s'en cogne un peu de les montrer.
mais la magie opère quand même, notamment grâce aux acteurs, qui envoient tous du lourd, le trio trintignant-kassovitz-yanne étant formidable en plus d'être original. c'est aussi une des premières musiques composées par alexandre desplats, très chouette aussi et spectaculaire pour un petit film français comme ça. le bébé jacques audiard qui filme un bébé kassovitz mis en musique par un bébé desplats c'est quand même 30 ans de cinéma français qui prennent vie sous nos yeux. les couleurs restent quand même bien dégueu comme un film français de cette époque, malgré quelques velléités stylistiques avec la photo pas toujours réussies mais qui ont le mérite d'exister.
donc c'est un film bizarre, impossible à ne pas admirer, mais difficile à aimer.