avant celui-là, j'ai fait une mini retro audiard.
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regarde les hommes tomber. son premier film, en 94, avec une ambition formelle puissante, une volonté d'inventer des choses, pousser les murs.
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de rouille et d'os, avec son histoire improbable et son scénario totalement artificiel, créant un récit vaguement absurde mais traité au total premier degré avec un sérieux de pape comme s'il s'agissait de la vérité révélée.
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deephan, avec son histoire faisant du surplace pendant une bonne moitié du film, et surtout un fond qui pourrait être vu comme un brulôt anti migratoire, mais qui au final laissait surtout penser que jacques ne maitrise simplement pas ces dimensions-là. combiné à ces précédents, ça actait surtout que c'est un cinéaste sans fond, qui n'a pas de vision particulière du monde, qui n'a rien de particulier à dire : il est attiré par les histoires, les effets dramaturgiques forts, les personnages uniques, et la forme cinematographique. le reste, jacques s'en fout.
les 3 combinés démontraient aussi le lien compliqué qu'il entretient avec la localisation de ses récits : tout se passe en france, mais il est pétri d'imaginaire américain, et s'il a su à un moment combiner ça pour créer un cinéma original, on voyait aussi le moment où la cohabitation devenait difficile et ça faisait surtout des films déracinés flottant dans le movie-verse.
ce fut donc une parfaite introduction pour emilia perez.
il bat ici son record d'histoire invraisemblable. il vaut mieux ne rien savoir de particulier, mais c'en est à un stade où c'est assumé, ce qui permet de rentrer dedans. et que ce soit dans le fond de l'histoire ou dans son décors mexicain, je me suis dit que c'était à la limite de la télé novella. ou, au pire, d'une mini-série netflix. impression renforcée par la construction du récit, qui change de dynamique et d'enjeu toutes les 20 minutes - et comme tout va très vite on voit parfaitement comment on aurait pu transformer chaque segment en épisode de 50 minutes et tout le film en 8 épisodes. et pour une fois, ça ne se prend pas au sérieux : il ne se moque pas de sa propre histoire, il n'y a rien de drôle, mais il ne tente pas non plus de faire croire qu'on assiste à un bouleversant mélo drame ou qu'il sonde les âmes de qui que ce soit. c'est aussi l'avantage d'avoir une scène musicale au bout de 1 minute de film : on est dans un univers parallèle, c'est une histoire, asseyez vous et laissez vous embarquer.
parce que oui, en plus d'avoir cette histoire zinzin c'est une comédie musicale, mais il serait injuste de résumer la démarche du film à ça. la réalité c'est qu'il n'était plus très expérimental de quoi que ce soit depuis ses débuts : il avait trouvé son style - au final proche de celui de michael mann par exemple - et était confortable dedans. il pouvait faire des films représentant un changement de style et d'univers - les frères sisters ou les olympiades - mais une fois dedans ça n'était plus renversant. ici, il retrouve une volonté lâchée en 1994 d'essayer des trucs, quasiment tout le temps. alors il se confronte à des trucs qu'il n'avait jamais filmé, à des personnages féminins comme il n'en avait jamais eu, il tente des effets de lumières et des effets visuels, des changements de tons, il tente des trucs avec sa caméra, avec la lumière, il filme de la danse : un mec de 72 ans qui décide de faire des choses qu'il n'a jamais fait auparavant (y compris ce mec faisant un pur cinéma de mecs qui fait un film sur une fille trans - sans aucun insight ou compréhension de quoi que ce soit mais osef, ça m'a fait penser à luc et les drags dans dogman, ces mecs incarnant la sensibilité masculine heterosexuelle pure et dure qui se décident à filmer ça à leur grand âge, je trouve ça touchant et mignon (mais si pas dénué de maladresses) - et qu'en vérité personne n'a jamais fait auparavant.
parce qu'une de mes plaintes constantes c'est qu'aujourd'hui les choses se ressemblent toutes, la forme évolue si peu, il y a une poignée de formatages disponibles et tout le monde s'y conforme, des variations sans fin de la même chose. jacques il a dit fuck it. c'est un miracle complet, du coup. qu'un mec ait à ce point confiance en lui pour se lancer là-dedans, c'est juste incroyable. qu'il ait une telle aura dans le milieu pour qu'on lui file l'argent pour le faire, et 25 millions qui plus est. qu'il ait eut l'audace de dépenser tout ce crédit sur ce projet, quelle force et quelle audace. que dans cette période où toute l'industrie est tellement allergique au risque, l'industrie française, malgré tout, garde une foi suffisante dans l'importance des grands metteurs en scène pour lui permettre de faire ça. c'est un film unique, miraculeux, fou.
le prix d’interprétation collectif n'a pas été volé, elles sont toutes formidables et là encore, quel miracle extraordinaire d'avoir pu caster quelqu'un d'aussi parfait que karla sofia gascon pour ce rôle. mon mari est un pur fan de camille depuis toujours, donc je l'ai vue 50 fois en concert - sans micro dans un appartement avec 30 chaises pour le public j'y étais, dans le sous sol d'une eglise pieds nus aussi, dans les couloirs du métro avec le public en choeurs également. j'ai découvert damien jallet avec ses chorégraphies pour le madame x tour de madonna qui étaient à couper le souffle - puis je suis allé voir son spectacle à chaillot, puis ses numéros pour le celebration tour étaient de purs chefs d’œuvre. donc forcément, une comédie musicale avec des chansons de camille et chorégraphies de damien c'était émouvant. tout n'est pas génial du tout, mais quand c'était bien c'était vraiment très très bien.
après, mon cerveau n'a quasiment rien de commun avec celui de jacques. ce qui l'intéresse ne m'intéresse pas, ce qui le touche ne me touche pas. à part
un héros très discret, il n'y a pas un livre qu'il a adapté où je me serais bien "il faudrait l'adapter !" en le lisant - je n'aurais même jamais lu un truc qu'il a adapté parce que vraiment c'est pas ce qui m'attire du tout. et ça ne change pas ici. tout ça ne me parle pas particulièrement, ne m'intéresse pas particulièrement. c'est une œuvre impressionnante, forte, un geste artistique puissant et admirable que j'ai regardé en restant globalement totalement extérieur. je ne peux donc pas vraiment dire que j'ai aimé - à part quelques scènes, surtout musicales, je n'ai jamais eu cet emballement du coeur si particulier. mais j'étais admiratif et ému même que ça existe de bout en bout.
incr(eible !)