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MessagePosté: 02 Jan 2017, 10:53 
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Art Core a écrit:
Cosmo a écrit:
Il me semble qu'à l'école, on survole la poésie essentiellement via le sonnet (je schématise à peine). Globalement, je pense pouvoir parler d'un poème de Hugo, par exemple, sans forcément faire d'étincelles, mais j'ai beaucoup de mal avec des trucs plus contemporains, à la forme plus libre. Je viens d'acheter un livre de poésie de Brautigan, justement : je plonge dedans, j'essaye d'en tirer ce que je peux, mais ça me semble pas évident.


C'est vrai que la poésie est un art qui semble intouchable, comme s'il était supérieur. Autant on se fout de la gueule de l'art contemporain, autant on oserait pas trop rigoler d'un poème particulièrement abscon ou naïf. Sans doute aussi parce que c'est un art de niche. Aujourd'hui qui lit la poésie contemporaine ? Ou s'affiche-t-elle ? Qui en parle ? Qui sont ses réseaux ? Du coup on a cette impression que "ce n'est pas pour nous", "qu'on a pas les armes" alors que c'est un art comme un autre et qui si on est capable de parler d'un film, on doit être capable de parler d'un poème.


Des mecs comme Brautigan, Bukowski, et cie, parlent beaucoup de lectures et de publications de poésies, mais j'ignore si c'est encore le cas aujourd'hui aux Etats-Unis. En tout cas, en France, c'est clair que c'est un secteur mort (en termes de visibilité).
Mais c'est un art fait de rythme et de figures de style. Je ne trouve pas ça si évident, beaucoup moins qu'une chanson ou qu'un film, qui portent le spectateur.


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MessagePosté: 02 Jan 2017, 10:55 
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Oui c'est pas faux. C'est un peu comme le cinéma expérimental. Mais il ne faut pas non plus avoir de complexe vis à vis de ça. C'est aussi très immédiat, on est touché ou pas, ça nous parle ou pas.

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MessagePosté: 02 Jan 2017, 14:29 
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Il y avait une très belle citation de Godard, qui parlait du complexe que l'on pouvait développer en littérature, en théâtre, en peinture, mais pas au cinéma. En substance, il disait que lorsque l'on ne comprenait pas en littérature, c'est que l'on était trop bête. Alors qu'en cinéma, c'était de la faute du réalisateur.


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MessagePosté: 02 Jan 2017, 14:38 
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J'ai l'impression qu'en France, la poésie moderne est quand-même liée depuis les surréalistes (ou même avant, Fénéon) à la politique, c'est une forme de méta-littérature, de jugement de la littérature depuisun idéal politique et moral qui se veut objectif (et cela se retrouve dans la très belle poésie de Sony Labou Tansi, La Troisième France), une rupture avec la littérature. Les Cahiers d'Hynos de René Char ce sont presque un programme politique ou des épigrammes moraux piquants dits paradoxalement sur le ton d'un homme de cour, depuis la solitude de la résistance : il n'y a aucune image. Le contenu de la poésie reste l'homme ou la société (Baudelaire selon Walter Benjamin et Proust).

Alors qu'aux USA, c'est un peu l'opposé, le formalisme poétique est lié au transcendantalisme, à une sorte de sensiblité naturaliste qui est plutôt au fondement de la littérature, une nature déjà formalisée et travaillée par des métaphores et images qui ne sont pas encore du récit ou du roman, mais qui lui serviront après de réservoir. L'homme n'est pas l'objet de la poésie comme en France, mais uniquement son producteur.

Mais transcendantalisme ou pas, "la pluie ça mouille", ça me semble quand-même faible.


Dernière édition par supergontrand le 02 Jan 2017, 14:48, édité 6 fois.

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MessagePosté: 02 Jan 2017, 14:40 
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Faut pas s'étonner après qu'on se sente perdu devant une poésie, je pige déjà rien à ton message :D


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MessagePosté: 02 Jan 2017, 20:23 
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supergontrand a écrit:
J'ai l'impression qu'en France, la poésie moderne est quand-même liée depuis les surréalistes (ou même avant, Fénéon) à la politique, c'est une forme de méta-littérature, de jugement de la littérature depuisun idéal politique et moral qui se veut objectif (et cela se retrouve dans la très belle poésie de Sony Labou Tansi, La Troisième France), une rupture avec la littérature. Les Cahiers d'Hynos de René Char ce sont presque un programme politique ou des épigrammes moraux piquants dits paradoxalement sur le ton d'un homme de cour, depuis la solitude de la résistance : il n'y a aucune image. Le contenu de la poésie reste l'homme ou la société (Baudelaire selon Walter Benjamin et Proust).

Alors qu'aux USA, c'est un peu l'opposé, le formalisme poétique est lié au transcendantalisme, à une sorte de sensiblité naturaliste qui est plutôt au fondement de la littérature, une nature déjà formalisée et travaillée par des métaphores et images qui ne sont pas encore du récit ou du roman, mais qui lui serviront après de réservoir. L'homme n'est pas l'objet de la poésie comme en France, mais uniquement son producteur.

Mais transcendantalisme ou pas, "la pluie ça mouille", ça me semble quand-même faible.


« l'eau coule, l'eau coule sur mes cheveux, ça s'appelle la pluie », c'est du nominalisme ça non, le sens du mot n'est qu'une impression subjective ? (je plaisante à moitié)

Ben là je lis justement quelques poètes de la Beat Generation, et même si on peut leur trouver quelque chose de vaguement transcendantal, que ce soit Burroughs, mais encore plus Ginsberg (Howl), ou Gysin, ça ne collerait pas trop à cette tentative de partition. Enfin si ça tient le poète comme producteur et pas auteur, les américains s'attaquent finalement plus que les poètes français à la position auctoriale (en tout cas les gars de la Beat Generation mais bon Kerouac).

Pour les courants en poésie "moderne" française, Char serait pas vraiment classable (entre le poète pour mémère communiste et le grand écrivain parfois mon cœur balance) mais je situerais grosso merdo deux pôles, formellement et moralement, soit le courant rimbaldien des hallucinés lyriques (qui se prolonge d'ailleurs dans la beat generation), et un courant plus mallarméen formaliste jusqu'à l'hermétisme (qui s'y prolonge aussi d'ailleurs chacun se souviendra que Burroughs a écrit Naked Lunch en prenant de l'héroïne à Paris). comme deux grandes références un peu massives qui feraient bloc un peu opposés à partir desquels la poésie "moderne", ou peu importe, choisir entre Une saison en enfer ou le Coup de dés comme paradigme de la modernité en poésie, vite fait. Mais de tels blocs peuvent se trouver pulvérisés dans l'un ou l'autre "universel-subjectif" comme dirait l'autre.

Il y a en fait beaucoup de publications de poésie, y compris contemporaine, en livre et en revues, et d'ailleurs parfois très brillantes - je n'ai pas vu ce film - mais tout le monde en effet s'en fout complètement, enfin l'écrasante majorité on va dire, c'est le secteur de l'édition le moins rentable, de très loin. Citer qui ? Allez Nathalie Quintane


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MessagePosté: 03 Jan 2017, 08:56 
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Oui non je sais que j'ai dit une connerie. Je ne connais pour ainsi dire quasi rien à la poésie en anglais et j'ai du mal à lire la poésie en français dont j'ai une connaissance fragmentaire (même si j'ai en effet lu de très belles oeuvres récentes Sojcher, Amina Saïd par une amie). Je lis plus facilement un commentaire sur la poésie que la poesie elle-même. De plus il y a d'autres langues d'écriture que l'anglais et le français, et dans toutes ces langues plusieurs pays et plusieurs rapports à la langue et plusieurs histoires, Rilke et Celan ne sont pas allemands, Labou Tansi n'est pas français et pourtant paradoxalement Celan et Tansi travaillent plus dans leur textes leur rapport à ces nations que les poètes qui y sont nés. Je me disais qu'il fallait juste dialectiser un peu la discussion pour ne pas opposer avec un scepticisme etudié Hugo l'étalon scolaire à Jarmusch et ses rapports conjuguaux. Il n'y a pas de pré-requis pour accéder adulte à un texte, même si sa compréhension peut (j avais ecrit *peur*) toujours s'affiner.


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MessagePosté: 03 Jan 2017, 09:41 
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Et paradoxalement plus une discipline ou un discours sont techniques, moins il y a de prérequis pour y accéder en fait, vu que la technique se définit par l‘abolition des prérequis comme l’a dit plus ou moins Heidegger.


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MessagePosté: 03 Jan 2017, 11:53 
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C'est marrant cette remarque fait écho à une théorie que j'avais trouvée étrange tout récemment dans La Geste des princes-démons de Jack Vance (cf topic litérrature SF) où il disait peu ou prou: "plus les codes d'un art sont rigides et étroits, plus ils laissent de place à la subjectivité".


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MessagePosté: 03 Jan 2017, 14:11 
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On s'éloigne du sujet, mais chez Heidegger le recours à la notion d'être-là est justement là pour ne pas du tout "laisser de place à la subjectivité", ou en tout cas ne pas l'articuler dans une opposition massive (et idéaliste, visant à maintenir la thèse d'une genèse commune de la science et de l'expérience phénoménologique immédiate pour Husserl, ce que MH veut justement attaquer) sujet/objet externe (même si d'après Derrida, Heidegger, lorsqu'il veut se placer au sein d'une anthropologie et justifier un privilège ontologique de l'homme par rapport à l'animal, utilise un vocabulaire qui conserve le dualisme cartésien du moi et de l'étendue comme arrière-plan substantiel, et que la subjectivité se cache sans doute dans cette tendance à l'anthropologie). La question de savoir si la subjectivité est à la fois évincée et renforcée se pose en effet -et on reste un peu dans le sujet car MH préfèrera "jouer" justement la poésie contre l'anthropologie- , mais chez lui il y a eu une sorte de basculement définitif et compromettant de la poésie vers le positivisme scientifique entre la première et la deuxième ligne du poème de Parménide ; donc si on le suit c'est bonbon pour toucher la vraie poésie du doigt ).

En un sens la vision du monde et de la poésie qu'il y a dans "Dernières Nouvelles du Cosmos", où Babouillec dit que la quotidien -qui inclut le corps, le discours et la science- nous a exilé d'une ontologie qui nous donnait à l'origine un sens plein, un discours clôt sur lui-même et portait sa propre herméneutique est très heideggerienne justement. Mais bref.


Dernière édition par supergontrand le 03 Jan 2017, 18:18, édité 1 fois.

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MessagePosté: 03 Jan 2017, 16:14 
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Il y a un élément intéressant dans l'interview de Jarmusch dans la revue MK2, Trois Couleurs, le journaliste dit à Jarmusch que le couple de Only Lovers Left Alive était traité sur un pied d'égalité tandis que celui de Paterson donnait l'impression d'être asymétrique et les occupations de la femme ravalées au rang de lubies tandis que Paterson était présenté comme un poète de talent. Cela rejoint un débat des premières pages de ce topic, et Jarmusch dit que c'est quelque chose qu'il a pu manquer et auquel il réfléchit toujours, que la place de la femme dans le scénario original était moindre et qu'il a voulu la valoriser, ainsi que son rôle de femme au foyer.
Cette question et cette réponse résument un aspect intéressant du film. Je ne trouve pas Paterson particulièrement talentueux par exemple, il donne l'impression d'un poète raté qui écrit de pâles imitations de son héros William Carlos Williams mais au moins est-il modeste par rapport à ça. Cela résout une interrogation qu'on peut avoir par rapport au film : comme vous l'avez dit, peu importe que l'on considère le poète comme raté ou talentueux, le film n'en reste pas moins valable par n'importe quel bout qu'on veuille le prendre.
Quant à la relation de couple, je n'ai pas pu m'empêcher de voir une sorte de film d'horreur domestique se profiler derrière la paisible routine qui nous est décrite.
Le personnage de Driver donne l'impression d'avaler des couleuvres toute la semaine, il promène le chien qui est manifestement une lubie de sa copine (et qui commettra ce que l'on sait), il est la victime de ses expérimentations culinaires et de décoration (il a l'air certes amoureux mais sceptique), il ment au barman du bar dans lequel il se rend tous les soirs (pour se soûler jusqu'à quel point - quelle est exactement "that faint smell of beer") en disant que sa femme ne le tracasse pas par rapport au fait qu'il ne possède pas de portable, ce qui n'est pas la cas, nous est-il suggéré plus loin.
Je trouve le personnage de Golshifteh Farahani complètement cruche par ailleurs. Elle n'est pas fichue de se remémorer correctement le nom de son poète préféré, elle sort d'un film en noir et blanc en disant qu'elle a adoré "le fait que ce soit en noir et blanc" (ce sont ses couleurs préférées mais cette blague dans le scénario la fait encore passer pour une gourde).
En définitive, j'ai du mal à croire que Jarmusch n'ait pas été conscient de cet aspect du film. Encore une fois, le fossé entre les intentions et ce qu'on voit à l'écran. On peut mettre ça sur le compte de la naïveté, mais imaginer un autre film où Adam Driver péterait un plomb à la fin ne serait pas si exagéré.
Le film est une toute petite chose, mais cette forme d'objectivité le rend intéressant. Et la forme en général est plaisante.

PS: c'est une fille de neuf ans qui écrit le poème sur la pluie dans le film, lequel est plutôt du même niveau que ceux écrits par le personnage principal.
La poésie de William Carlos Williams est l'inspiratrice du courant objectiviste dans la poésie américaine, qui est un moment important du modernisme états-uniens. On rencontre quantité d'autres écoles. Mais c'est pas faux d'y voir une inspiration globale transcendentaliste.


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MessagePosté: 03 Jan 2017, 17:57 
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Je vais me répéter mais la situation du film n'a pas l'air sans rapport avec celle de "Et Quelques fois j'ai comme une grande idée" (sauf que dans le roman de Ken Kesey la "muse"-ménagère désirée, qu'il séduit à coup de commentaires de Shakespeare et de Milton, l'envoie finalement brutalement et lucidement bouler, et part en mettant la mégalomanie de l'intello poète hippie de Stanford sur le même pied que l'égocentrisme à triple félure oedipienne du demi-frère redneck que le poète dénigre).
Et il ya aussi une histoire de bar centrale dans le roman.
(faudrait que je voie le film de Paul Newman)


Dernière édition par supergontrand le 03 Jan 2017, 18:07, édité 7 fois.

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MessagePosté: 03 Jan 2017, 17:59 
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MessagePosté: 06 Jan 2017, 21:39 
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Ce que je redoutais s'est produit. Comme j'avais lu récemment ("re", mais ceux qui ont aimé le film devraient le lire) "Sometimes A great Notion" de Ken Kesey qui explore le même genre de rapport à l'americana et au patrimoine littéraire américain, mais avec à la fois plus de lyrisme littéraire et de punch politique, le film m'a dû sembler encore plus superficiel qu'il ne l'est réellement.
La poésie m'a souvent fait penser à du Philippe Delerm, et Paterson ressemble à Tourcoing, même avec du Brian Eno dans les oreilles, et les affêteries du film m'ont un peu agacé (la chemise de Paterson assortie au papier peint, les raccords sur le chien savant).
Le film a cependant un angle politique qui pourrait être intéressant (la diversité américaine qui assume de façon consensuelle la continuité de la mémoire culturelle américaine, notamment celle des années 1960 fantasmées de façon nostalgique), mais toute tension est écartée, les situations de conftlits potentiels à la Spike Lee sont omniprésentes mais vite regoupillées, désamorcées, retournées en anecdotes, et la poésie et une manière pour l'individu d'assumer ces tensions, de travailler à les applanir (voire les recouvrir) et gérer ces conflits à la place du social (elle est un savoir distant sur la politique), elle fonctionne comme une bulle pour rester dans les années 1950 . Mais Ken Kesey raconte justement que les années Eisenhower, ce n'était pas merveilleux, l'enrichissement de la société à l'époque avait un coût énorme (xénophobie paranoïaque, chape de plomb sur la mémoire indienne et même celle la guerre de Corée toute proche, ségrégation raciale, liquidation de la mémoire ouvrière américaine, exode rural, déqualification des anciens métiers et surexploitation de la nature) et laissait au contraire la poésie assumer la déploiement de cette tension (c'est un très grand livre en crise).

En résumé, le film créé une bulle kitsch conciente de son isolement, travaillée visiblement par une sorte de peur obsessionnelle du social, qui se réveille métaphoriquementà la fin (à mon avis le couple ne se comprend pas et ne s'aime pas tellement, Paterson a un peu l'air d'un peu mépriser sa femme et en même temps d'avoir peur de sa possible indépendance économique, et celle-ci, jalouse d'une discussion avec une gamine de 10 ans, devient beaucoup plus directe dans les rapports de couple une fois la poésie perdue -d'ailleurs la pub du bus "DIVORCE 300$" n'est pas anodine ). Film assez pessimiste mais paradoxalement désincarné, refusant d'assumer le risque de la crise.)


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MessagePosté: 08 Jan 2017, 18:27 
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Je suis un peu surpris de la violence des propos ici. Pour ma part le film m'a absolument enchanté, de ceux qui nous incitent à trouver dans le banal et le quotidien la source de la beauté. Je partage tout à fait cette vision du bonheur, aux ambitions matérielles et sociales modestes, mais pas dénué d'ambitions spirituelles.

Le film montre parfaitement comment une tâche quotidienne et répétitive peut-être le berceau de la réflexion et de l'inspiration. Il contourne ainsi le cliché habituel du film qui montre un artiste raté s'adonnant à des métiers alimentaires qui le font dépérir (comme Inside Llewin machin des Coen que j'ai pourtant aimé). J'ai en particulier apprécié les séquences de bus, qui sont l'occasion de jolis montages planants en surimpression, exprimant exactement cette idée de l'inspiration par la répétition. La façon de scander les poèmes dit beaucoup également des cahotements de la création, de la vie. La ville de Paterson est splendidement filmée, ça paraît simple, mais c'est sublime.

Je rejoins totalement Lohmann sur sa vision de la femme dans le film. Certes pour moi, Jarmusch flirte, consciemment ou non, avec la représentation ancienne de la femme au foyer et de ses lubies. Il plane effectivement pendant une partie du film l'idée que lui aime sa femme en dépit de lubies qu'il juge médiocres. Mais les événements vont le surprendre lui-même et le renvoyer à ses préjugés: sa femme se débrouille en fait diablement bien en guitare pour seulement une journée de travail, et fait un tabac avec ses cupcakes. Donc elle réussit. Personnellement, lorsque
le cahier est bouffé par le chien
, j'étais déchiré par la réaction de la femme, on voit qu'elle tient beaucoup à son compagnon, qu'elle est désolée pour lui et qu'elle se sent un peu coupable. Mais le film ne fait pas d'elle une coupable, au contraire, on voit que ça la mine, qu'elle devient dure avec le chien. Et puis après tout, elle le poussait à faire copier les poèmes précisément pour ce genre d'événements et il n'a pas écouté.


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