Ça spoile donc beware !
Quelle ironie que le supposé grand film du retour au cinéma soit
Tenet, un film aussi peu user friendly, d'une sécheresse quasi totale et volontairement anti spectaculaire. Le film ne va pas marcher ou du moins beaucoup moins que l'espèrent les exploitants, le bouche à oreille ne va pas être bon, voire même catastrophique tellement le film est abrasif et peu sympathique. Même moi, cinéphile, plutôt fan de Nolan (surtout ces deux derniers), j'en suis sorti relativement déçu et perplexe alors j'imagine pas le grand public...
Pour faire court,
Tenet, c'est
Inception sans la poésie, sans la richesse ludique de l'univers, sans le romantisme tragique.
Tenet c'est Nolan qui continue film après film d'épurer son cinéma jusqu'à l'os, jusqu'à l'abstraction la plus totale. A l'image de ces personnages spectraux, sans histoire, sans nom (le héros est littéralement appelé "Le Protagoniste"), sans fonction même (on ne saura jamais pour qui travaillent les uns et les autres). A l'image de cette BO où il n'y a même plus de mélodie ou de thème mais plus que des percussions et des basses bruitistes agressives (le film m'a défoncé les oreilles). A l'image de cet espèce d'intérêt romantique réduit à rien ou presque, purement théorique. A l'image de ce scénario à la fois simplissime dans son McGuffin basique et d'une complexité étourdissante dans ses concepts temporels. A l'image d'une photo de Hoyte van Hoytema sans couleurs, volontairement terne et sinistre. A l'image, enfin, de la mise en scène de Nolan débarrassée du moindre effet, volontairement plate, sans grande ampleur (cette scène de saut à l'élastique au début c'est tellement pas vertigineux) etc...
En résulte un film très peu aimable, qui te plonge directement dans un chaos total (je n'ai strictement rien compris à cette première scène) d'une rare brutalité (pas tant dans la violence que dans la manière d'organiser un récit cryptique peu amène). Alors c'est excitant parce que tout le film est tourné vers son unique objectif, sans fioriture, sans détour, sans digression. Comme son personnage, sans vie propre, qu'on n'imagine pas exister entre les scènes tellement il est
illisible et monolithique. Mais le revers de la médaille il est immédiat, on reste sans cesse très loin de tout parce que d'une part Nolan se fiche de savoir si tu arrives à raccrocher les wagons de son intrigue et d'autre part il te balance explications sur explications que tu n'as pas le temps d'ingérer avant qu'elles soient mises en pratique.
C'est là qu'intervient le concept du film. Ce concept est faible. Visuellement, narrativement je le trouve faible. Pas suffisant en tout cas pour faire tenir un film de 2h30, du moins dans la manière de le mettre en scène ici. Encore une fois il suffit de comparer avec son film "âme soeur"
Inception pour voir la différence. Le concept d'
Inception c'est des possibilités folles. Ici c'est une poursuite en voiture molle avec une voiture qui va à l'endroit et une autre à l'envers. C'est pas spectaculaire pour deux sous. On sait que Nolan n'avait jamais été un grand réalisateur d'action, que ça ne l'intéresse pas beaucoup mais là ça atteint des sommets dans l'absence d'excitation dans chacune des scènes d'action. Pas un moment qui sort du lot, qui parvient à te décrocher la mâchoire, qui te fait t'accrocher à ton siège. C'est basique, c'est filmé de manière basique et c'est clairement pas dingue. Le vol du plutonium est un bon exemple. Une énorme mise en place, des gros véhicules, tu sens que ça va être dingue et finalement c'est tout mou, tout simple. C'est pas mauvais ou quoi c'est juste pas là. Quand le héros saute d'une voiture en marche à une autre voiture en marche, il y a pas un ralenti ou un plan un peu cool, il saute juste. C'est pas kiffant du tout. Pareil pour la grosse scène à l'aéroport avec l'avion. Tellement de moyens et de destruction pour ça... C'est tout mou, un avion qui rentre à 50 à l'heure dans un bâtiment. Waouh.
Quant au climax il est tellement incompréhensible du point de vue du concept
Cette grosse scène de guerre qui aurait dû être follement dingue est trop confuse et bordélique pour qu'on soit impliqué. Les persos portent tous des masques donc ils sont indiscernables, le montage est assez maladroit d'ailleurs) et on ne comprend pas vraiment les enjeux (d’ailleurs qui sont ces « méchants » qui tirent de partout ?). Tout ça pour se terminer dans une grotte de 3m² où l’on sauve le monde (là encore la mise en scène m’a paru hyper confuse, j’ai rien compris à qui a ouvert la porte).
Il y a une scène où tu as l’impression que Nolan voulait qu’elle soit un peu la scène charnière c’est
que l’on voit deux fois de deux points de vue. Un peu le sentiment qu’il visait la scène de combat en lévitation de JGL dans
Inception mais on en est loin, le résultat m’a fait ni chaud, ni froid. Surtout j’ai passé la scène à me demander pourquoi
mais aussi
De toute façon c’est vraiment un film où je pense qu’il ne faut pas chercher l’explication limpide car elle n’existe pas ou alors juste dans la tête de Nolan
Ce que j’aime en revanche dans ce concept c’est l’espèce d’ironie totale qu’il représente par rapport à l’époque. C’est un effet qu’on utilisait dès l’origine du cinéma, d’une simplicité déconcertante. Et j’aime beaucoup l’idée qu’il soit à la base d’un gros blockbuster 120 ans plus tard. C’est Nolan qui se positionne contre l’époque, qui rejette l’espèce d’orientation numérique du cinéma actuel (d’ailleurs j’ai eu l’impression qu’il n’y avait quasiment aucun CGI dans le film). Ca c’est assez génial.
Un film fascinant dans sa radicalité totale, dans son absence de compromis. Nolan est le seul à pouvoir ce cinéma là, qui coûte beaucoup d'argent et qui pourtant est une espèce de film d'auteur paradoxalement hyper exigeant. Je suis pas sûr que ça dure encore longtemps malheureusement tant ce
Tenet semble un peu être le bout du chemin de ces expérimentations d'enfant gâté. Un film très souvent passionnant également, sa structure palindromique est géniale, c'est vraiment son point fort, son côté le plus ludique, celui qui fait que j'ai envie de revoir le film parce que tout se répète et chaque chose de la première partie a une incidence dans la seconde et ça donne à l'ensemble une espèce de profonde tristesse mélancolique (j'ai beaucoup aimé à la fin quand Pattinson se barre, l'espèce de solitude triste du personnage principal, témoin de son propre destin). Ceci étant dit, c'est un film assez décevant, le spectacle n'est pas là, on passe beaucoup trop de temps à essayer de comprendre ce concept temporel qu'à en profiter à l'image. Et même quand on pense l'avoir compris il apparaît finalement assez vain.
Ceci étant dit j’ai aimé cette mythologie, cette espèce de film sur le voyage dans le temps sans réel voyage dans le temps. Le film fascine totalement par son hors-champ
Et ce que pointe FF sur le rapport du film à la réalité est fort également, comme un trajet que fait le film de la SF à la réalité la plus stricte. Beaucoup aimé Pattinson qui comme souvent s'élève assez facilement au-dessus des autres. John David Washington est bien mais tellement monolithique qu'il a peu à jouer. Pattinson est plus ambivalent, plus charmeur et mystérieux, à la fin on finit même par se demander si ce n'est pas lui le réel personnage principal. Content de revoir le toujours excellent Aaron Taylor-Johnson (même si je n'ai RIEN compris à son rôle).
Malgré tout ça reste une certaine déception. Je pensais revoir le film en salles et sincèrement j’en ai même pas envie tellement j’ai peu apprécié l’emballage.
4/6 à voir comment il vieillit