Pas mal, mais peu original, vachement chabrolien et proche de Gone Girl (voire de Borgman, ainsi que du dernier Araki- quasi la même femme filmée à deux âges différents). Le fond sociologique est certes plus explicite (le monde explique la cruauté du film) et le sous-texte théologique omniprésent au point d'en être un peu lourdingue. Au un moment j'ai pensé à ce prêtre , témoin des attentats de Bruxelles, qui racontait qu'il revenait d'une projection presse du dernier Batman et résumait à la fois le film et les attentats. Huppert est dans la même position par rapport aux jeux vidéo. Même la violence qu'on lui inflige est une mise en scène, une intention coïncidant toujours avec un sens. Elle joue en fait une vierge Marie, qui assume sa puissance de séduction tout en renonçant au désir, et choisit de n'être qu'une mère. Le mouvement va de la transcendance vers le quotidien: la vie épuise la séxualité et la violence des hommes, mais la mort leur restitue en compensation un sens que le corps et la vie charnelle diluaient:
: la religion remplace l'ontologie, rien ne fait sens en-deça de la totalité, la violence de l'époque est d'emblée convertie en trait d'esprit, elle ne fait même plus évènement - le seul évènement du film c'est la mort, même la naissance n'en est pas un -
), en effet l'humour passe bien, la moyenne d'âge de la salle avait 60 ans, plutôt bourgeoise et se marrait vraiment sur les problèmes de cul aussi improbables que graveleux, le film leur parlait.
Les moments les plus touchants du film sont les (rares) passages où Huppert, dominée par la violence des situations, ne peut plus se contrôler capitule et se recroqueville,, retrouvant le visage de la Dentellière de Goretta, celui d'il y a 40 ans, mais ils sont fugaces, le film sacrifie les passions au profit du maintient du discours sur les valeurs (et sur le contrôle de son destin, pour Verhoeven c'est la même chose). Il y a un tableau chez elle qui ressemble à un Morandi, mais trop sombre, il est soit hollandais soit espagnol, La Dentelllère, elle-même, ne retient de la peinture hollandaise que la nature morte, se protège de la folie en renonçant au moindre reflet . Le moteur de son pouvoir, c'est d'interdire aux autres de lui ressembler -condition de son respect et de son équanimité-