Heeyyyyyyyyyyyy
Bon par où commencer...
Coupons court, donnons au peuple ce qu'il veut : j'ai trouvé le film vraiment très bon.
Mais je suis pas à donf sur tout, contrairement aux critiques des sites geek US que je citais hier dont plusieurs s'enflamment au point de sortir des formules du style "dans les cinéastes qui émergeront dans 25 ans, certains citeront Watchmen comme le film qui leur a donné envie de faire ce métier".
On se calme.
Cela dit, le film EST particulier.
Le film est l'adaptation d'un comic book contenu en 12 numéros et déjà pas des plus conventionnels et Snyder ne fait aucune concession (à part développer un peu les rares scènes ""d'action"" de la BD, pour assurer un peu le côté blockbuster, mais le film n'est pas un film d'action).
Au niveau du scénario, je suis persuadé que le futur Director's Cut, plus long de 35 minutes, viendra affiner certaines choses et rééquilibrer un peu le film (qui n'est jamais ennuyant au demeurant), mais l'adaptation est plutôt réussie.
Des 12 chapitres, le film extrait en gros 3 actes.
Le premier, exposant personnages et univers, est fascinant et va très vite, ce qui n'est pas réellement gênant mais reste un peu bizarre en fait. Mais il foisonne de détails, on y ressent, je trouve, la densité du matériau de base, et j'ai hâte de le revoir. Il est à l'image de Rorschach et du Comédien, qui y sont omniprésents.
Le second, s'attardant davantage sur ses protagonistes, est le plus posé, le plus mélancolique. Il s'imprègne de l'intrigue liant Dan & Laurie mais aussi de Manhattan sur Mars (la meilleure, la plus belle séquence du film).
Le dernier, bon bah c'est la convergence des personnages et des intrigues vers le climax et c'est peut-être le plus précipité. Pourtant tout y est. Fidèle.
J'adore comme le film se permet d'abandonner des persos pendant 40 minutes.
En fait, la question d'adaptation posée par ce film diffère de celle de Sin City et 300. Ces bandes-dessinées-là, à mon avis, se définissaient plus par leurs visuels que par leurs scénarios. Du coup, le fait de transposer les cases à l'écran s'avérait plutôt pertinent.
La problématique de l'adaptation de Watchmen me semble se situer plutôt au niveau des adaptations d'Harry Potter. Enfin quelque part entre "adapter 300" et "adapter Harry Potter".
Evidemment, Snyder va reprendre certaines images-clé de la BD pour en faire des plans, ou des scènes, mais il s'est également posé la question (avec Hayter et Tsé, ses scénaristes) de savoir comment extraire de cette masse de richesse qu'est l'ouvrage de Moore l'essence de l'histoire.
Pour tout ce qui est de la structure propre à l'oeuvre sur papier, inimitable au cinéma, il n'a juste pas tenté l'impossible. Tu ne peux pas refaire le chapitre "Fearful Symetry" à l'écran.
Pour le reste, c'est étonnamment bien foutu, putain...
Le néophyte sera peut-être un chouille largué mais les mecs ont réussi à conserver ce qui fait les persos, les thèmes, les questions que posent la BD, et à le condenser dans une forme filmique.
Que ce soit bien clair : Watchmen est un film de Zack Snyder.
C'est toujours Watchmen, il n'y a pas "trahison", mais c'est Watchmen par Snyder.
J'attends beaucoup du Director's Cut parce que je pense qu'il viendra évacuer la légère frustration qu'il y a à ne pas avoir un film aussi approfondi que sa source (tâche ô combien difficile vu la différence entre le rythme de lecture de chacun et le rythme imposé d'un film) mais Snyder n'a pas "abêti" Moore. Il y a même, je crois, un dialogue rajouté avec ce mot, "socialisme", qui témoigne du travail de Snyder sur le fond.
Ce n'est pas ce que pouvaient croire certains à la vu des bandes-annonces "du Snyder qui applique sa manière de filmer 300 sur Watchmen". Tant dans le fond que la forme.
Le film reste évidemment ambigu, comme la BD. Libre à chacun, comme devant...un test de Rorschach, de s'accorder avec le point de vue de l'un ou de l'autre à l'issue du film. Le Comédien reste le nihilisme. Rorschach l'absolutisme, vers l'extrême-droite. Et Manhattan, et Ozymandias, etc.
Y a aussi l'inclusion du WTC dans plusieurs plans...pas innocent...
L'expansion du rôle de Nixon, etc.
Je pense pas qu'on pourra l'accuser d'être un nazi comme sur son précédent film...
Pour ce qui est de l'esthétique, ça reste Snyder. Donc ça reste grossier.
Les ralentis. Ils n'interviennent pas que sur les scènes d'action mais c'est là que je les trouve le moins utiles. C'est pas gênant (vu que l'action n'est pas l'intérêt du film).
En réalité, je les trouve souvent très bien utilisés, dans des scènes qui s'avèrent souvent les meilleures, celles où Snyder se réapproprie le matériau tout en l'adaptant fidèlement, en gros, les scènes qui témoignent le plus de la COMPREHENSION du matériau original par l'auteur : le générique, classe et inventif ; Manhattan et son passé, magnifique ; deux scènes qui sont parlantes également en ce qui concerne les choix musicaux.
Le film pèse. Le morceau de Philip Glass, le Requiem de Mozart, la BO à la Forrest Gump.
Pour ceux qui adhèrent (comme moi), ça n'en sera que plus poignant.
Pour ceux qui n'adhèrent pas, ce sera lourd.
C'est une interprétation véritablement iconique de Watchmen que fait Snyder, d'où l'utilisation de chansons aussi connues, mais il y a une intelligence derrière leur emploi. Dans la BD, on cite les paroles de "The Time They Are A'Changin'" et "All Along The Scratchtower" mais quand tu décides de les mettre dans le film, il faut savoir bien les exploiter et je trouve les choix du réalisateur concluants (le seul choix que je trouve foireux, c'est celui qui illustre la scène de cul : soit le décalage est assumé et je ne comprends quand même pas pourquoi, soit l'humour est involontaire et donc c'est ridicule).
C'est là aussi qu'il y a vraiment "adaptation".
La musique Morodero-Vangelisienne sur ces panoramas de ville avec dirigeables en 1985 fait vraiment Scarface/Blade Runner.
Et l'apport du point de vue de Snyder est en partie là. L'ouvrage de Moore et Gibbons proposait une étude sur un genre (les super-héros, les vigilante) et un medium (la BD). Snyder "adapte" cela pour l'écran, les référants sont donc filmiques.
Ainsi, lorsqu'on est au Vietnam, c'est le Vietnam d'Apocalypse Now.
Lorsqu'on est avec Nixon, c'est dans la salle de Dr. Strangelove.
Lorsqu'un héros en costume a des tétons sur son uniforme, ça renvoit aux extravagances de Batman & Robin, comme pour symboliser la dérive du vigilante (et en face, t'as un autre héros dont le costume renvoie au réalisme et à la rectitude de Batman Begins). Ca fait sens quoi.
Il y a un donc un sens, une réflexion de la part du metteur en scène. Snyder prend du galon.
Ma crainte concernant les costumes, le look, s'est donc complètement évaporé. Pareil pour les acteurs...j'avais peur de la voix batmanienne de Rorschach (la voix off fait ptet un peu trop série B) et Haley est convaincant (alors que j'avais toujours vu le perso plus atone), j'avais trouvé Goode très bon dans The Lookout mais je le voyais pas forcément en Ozymandias et il est très bon aussi, sa voix fait tout (même si ptet un peu trop arrogant, moins innocent qu'Ozy dans la BD), j'avais confiance en Wilson et Crudup et ils m'ont pas déçu (Dan, l'humain, j'aurai pu en voir des heures et l'effet Manhattan est fort réussi), j'étais pas convaincu par Akerman et Morgan et finalement je n'ai vu à l'écran que Laurie et le Comédien.
Le fait qu'ils soient peu connus sert vraiment l'entreprise je trouve.
Pfooo voilà, je crois que j'ai fait le tour de mes premières impressions...
J'ai hâte de le revoir, me laissant prendre davantage, j'ai hâte de voir le Director's Cut surtout.
5/6
Par contre, je peux dire que tous ceux qui pensent qu'ils vont détester le film, le détesteront. Et ceux qui sont sûrs d'aimer, bah je sais pas s'ils aimeront.
Et le film ne cartonnera pas je pense, même aux States.
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