FORUMEANS!
Ce film va diviser.
C'est tellement premier degré, tellement jusqu'au-boutiste dans sa démarche esthétique, que ça va forcément en rendre beaucoup allergique.
Plus encore que pour Sin City, je pense, tant Snyder pousse son parti-pris jusqu'au bout.
Cependant, je trouve ce film plus réussi dans son "expérience" que celui de Rodriguez. Faut savoir qu'en ce qui concerne les matériaux de base respectifs, Sin City est déjà bien plus développé sur papier. Beaucoup de cases, beaucoup de dialogues et de monologues, plusieurs enjeux, intrigues, etc...300, en BD, c'est à l'image du style : dépouillé.
Cependant, c'est justement ce qui offre à Snyder plus de libertés. Comme il le dit lui-même, il a dû s'amuser à créer (en scénario et en storyboard) tout ce qui menait à chaque case icônique imaginée par Frank Miller.
Ainsi l'adaptation s'avère moins figée que celle de Sin City (dont je reste un grand fan), qui respectait quasi-scrupuleusement le découpage du dessinateur. De plus, les décors de 300 ont beau être virtuels, ils bénéficient d'une histoire qui les fait voyager et ce, toujours en extérieur. Jamais le film ne manque de souffle. Certes, quelques incrustes approximatives trahissent le procédé l'espace de quelques rares plans, mais on est pas dans le noir étouffant de l'environnement dogvillesque de Sin City (qui, à mon goût, participait à l'ambiance mais indiquait néanmoins les limites de sa traduction à l'écran).
Tout ça pour dire que ça plaira peut-être à ceux qui avaient été rebutés par cet aspect-là du film de Rodriguez et Miller.
Néanmoins, y a tout un tas de choses en plus qui pourront agacer également...
Hermétiques aux ralentis, à la surstylisation, aux répliques hurlées, au grotesque et au magnifique...passez votre chemin.
Il y avait déjà quelques ralentis et quelques plans "abusifs" dans Dawn of the Dead, tantôt ratés (tous les ralentis sur des flingues qu'on vide de leurs balles, de douilles qui sautent et qui tombent), tantôt diablement réussis (les deux derniers plans, "haunting", sur Jake Weber à la fin), qui témoignaient de l'intérêt de Snyder pour tout ce qui touchait à la manipulation du temps.
Ici, il essaye encore plus loin. Et c'est souvent sublime.
Il faut dire que la source choisie s'y prêtait. J'en parlais justement dans mon gros plan sur les adaptations de comic books sur FDC, et comment la nouvelle vague de films récents affichaient une esthétique similaire dans son désir de représenter l'image fixe (mais oh combien parlante de dynamisme, par la pose des personnages dans les airs) à l'écran, tout en gardant un mouvement, en le réduisant à l'extrême, adoptant une approche picturale, utilisant le meilleur de la technologie numérique pour se permettre de dilater le temps à l'extrême, s'approchant au plus près de la case de BD. Le bullet-time dans Matrix, la L-Cam ("L" pour "libérée", capable de se faufiler partout) de Blade II ou de Spider-Man, ou même l'approche (forcément) plus terre-à-terre (parce que Bryan Singer) sur X-Men 2 et ce ralenti ample qui nous permet de voir Nightcrawler neutraliser tous les gardes du corps du président en se téléportant très rapidement.
C'est fou comme le meilleur moyen qu'on a trouvé pour représenter la vitesse (ou la prouesse) d'un héros, c'est justement de ralentir son geste à outrance. Paradoxal. Bref. Passons.
Le parti-pris de Snyder n'est jamais aussi abouti que lors de ces deux-trois "plans-séquences" où la caméra choisit de s'attarder sur UN des personnages principaux (au milieu d'une battaille qui en compte des milliers) pour nous montrer sa progression sidérante. Ce sont ces plans dont on entrevoit des bouts dans la bande-annonce où la vitesse passe de ralenti à accéléré à normal, etc... Dans la BA, ça pouvait laisser dubitatif. Dans le film, c'est quelque part entre les bullet-time de Matrix et le célèbre travelling latéral d'Old Boy où le héros se tatanne une flopée de mecs dans un couloirs, sans jamais reculer.
A l'instar des plans-séquences en voitures de La Guerre des Mondes et Les Fils de l'Homme (en bien moins réaliste évidemment, Snyder affiche sa surstylisation là où Spielberg se jouait de l'impossible et où Cuaron effaçait l'artifice pour plus de véracité), il y a cette volonté de représenter le caractère "unstoppable" des protagonistes.
Les Spartiates. Ce peuple dévoué à l'art de la guerre.
J'avais entendu ça et là que le film pouvait aisément être interprété dans tous les sens, politiquement parlant. Snyder dit qu'il n'y a aucune allégorie, aucune analogie, rien de politique à voir dans son film.
En conf de presse, un journaliste lui dit reconnaître George W. Bush dans le personnage de Léonidas (Spartiate à la tête des 300, "héros" du film) tandis qu'un autre reconnaît le président américain en Xerxès (tyran autoproclamé Dieu-Roi des perses et du monde).
Moui. Qui en est le plus proche? Les Spartiates/Grecs représenteraient-ils l'occident face au Moyen-Orient de Xerxès, avide de guerre comme de bons texans? Ou bien est-ce Xerxès, envahisseur doté de troupes plus nombreuses et de technologies martiales plus avancées, qui symbolise Bush et ses soldats, parti imposer à l'Irak (Sparte) ses conditions?
Miller n'est pas un auteur de BD pour rien. La figure du justicier (ou "vigilante") pose déjà tant de questions à lui tout seul de par le droit qu'il s'occtroie de régler les torts. Et dans son domaine, Miller a un peu été de tous les côtés. Certes son Batman est un vigilante mais dans The Dark Knight Returns, Batman incarne le Bien face à un Superman à la solde d'une Amérique tendance facho. Dans Sin City, cela va sans dire, Miller adopte les codes du genre et se complait dans des histoires d'anti-héros expéditifs tels qu'on en a connu des années 50 aux années 70, comme Dirty Harry.
Et 300 est clairement une lettre d'amour à la dévotion d'un peuple pour qui l'honneur, le devoir, le sacrifice et la mort au combat sont les principales vertus. Le film épouse ce point de vue mais sans y donner de résonnance actuelle. On est pas dans un Pearl Harbor qui raconte un événement relativement récent et devient (malgré lui ou pas) promu film de propagande.
Le roman graphique tout comme le film se place dans une hyper-réalité fantasmée qui se rapproche plus de l'heroic fantasy d'un LOTR que d'une approche plus "crédible" façon Gladiator ou Troie. Je ne pense vraiment pas qu'il y ait à voir plus loin..mais bon, comme d'hab, certains s'indigent, comme apparemment beaucoup d'iraniens qui trouvent leur peuple traîné dans la boue (et je dis sans naïveté : faut pas voir le mal partout les mecs).
Pour finir...y a un ou deux effets que je trouve ratés (certaines "chutes" pas gégé, tout ce qui tourne autour de Xerxès...faut s'y faire, après ça va, mais au départ, c'est vraiment "limite" dans son délire), un petit bémol (les rajouts "à Sparte" par rapport à la BD, pas foncièrement utiles mais néanmoins enrichissant en ce qui concerne le personnage de la reine Gorgo, et surtout qui permettent de voir Dominic West qu'on voit pas assez ailleurs et ce bon vieux Stephen McHattie, l'ami des shows TV et des séries B), et mon pote Gerard est à donf.
5/6
_________________
|