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MessagePosté: 28 Oct 2010, 00:22 
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C'est de la mauvaise foi de dire que c'est du théâtre filmé. Après je comprends que le décalage avec les deux précédents films donnent davantage l'impression de voir des acteurs performant un texte, et que l'empilage des scènes d'exhibition donnent l'impression de faire du surplace... mais à la fin tu vois bien que ça nourrit le crescendo dans le dégoût, dans l'exploitation d'un corps, jusqu'au bout, quand tu te dis que tu ne pouvais pas tomber plus bas, et bien si... Tu n'as aucune complicité entre les personnages, aucune lueur d'espoir qui venait sauver la noirceur de ses autres films, mais comme dans l'utilisation des archives, c'est une manière de rendre justice à la personne de cette femme.


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MessagePosté: 28 Oct 2010, 00:31 
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DPSR a écrit:
C'est de la mauvaise foi de dire que c'est du théâtre filmé.


J'explique pourquoi, c'est principalement du à ses axes de caméra. Même en champ / contre-champ, il malmène la règle des 180° et reste constamment du même côté de l'axe, du coup le décor existe d'un côté mais pas de l'autre. Pense à la rue à Londres, à Paris, sur scène, etc. Kechiche est sur les visages, tout le temps, du coup ça donne une impression de flottement. Les sous-titres Londres, 1903 sont d'ailleurs purement superficiels et il n'en a visiblement rien à foutre. On ne commence enfin a prendre la mesure des décors que lors de la soirée débauche, très tard dans le film. Je pense que c'est volontaire de sa part, parce que ça sert le film (CF ce que tu dis plus bas). C'est pas vraiment une critique, plus une gène. C'est assez dérangeant, en tous cas pour moi. Et ça renforce la pénibilité du truc.

Citation:
Après je comprend que le décalage avec les deux précédents films donnent davantage l'impression de voir des acteurs performant un texte, et que l'empilage des scènes d'exhibition donnent l'impression de faire du surplace...


Je ne trouve pas du tout pour les répliques, tu prends mon expression - maladroite peut-être - de théâtre filmé au premier degré. Ce n'est pas dans le ton, mais uniquement dans la mise en scène.

Citation:
mais à la fin tu comprends que ça nourrit le crescendo dans le dégoût, dans l'exploitation d'un corps, jusqu'au bout, quand tu te dis que tu ne pouvais pas tomber plus bas, et bien si...


Mais je suis d'accord avec ça, je le dis d'ailleurs.

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MessagePosté: 28 Oct 2010, 00:36 
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Z a écrit:
[J'explique pourquoi, c'est principalement du à ses axes de caméra. Même en champ / contre-champ, il malmène la règle des 180° et reste constamment du même côté de l'axe, du coup le décor existe d'un côté mais pas de l'autre. Pense à la rue à Londres, à Paris, sur scène, etc. Kechiche est sur les visages, tout le temps, du coup ça donne une impression de flottement.


Moi je le vois plus comme une succession de huit clos, avec une meute de curieux qui essaie de se fondre sur un corps qui ne s'appartient déjà plus, donc j'ai vite fait abstraction de la géographie.


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MessagePosté: 28 Oct 2010, 00:43 
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Tu as aimé aussi, mais tu le reverras ?

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MessagePosté: 28 Oct 2010, 00:51 
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Z a écrit:
Tu as aimé aussi, mais tu le reverras ?


Non mais d'un autre côté c'est rare que je revois un film, même l'esquive et la graine auxquels je mets 6 je ne les ai pas revu. Cette année je l'ai juste fait pour Social network et surtout parce que je l'avais vu aux Etats Unis la première fois et que j'avais l'impression de ne pas saisir toute la subtilité des dialogues sur quelques scènes, comme la première qui va à toute vitesse. Et pour City of life and death que je voulais revoir sur grand écran après l'avoir vu en divx un an avant (et bizarrement j'ai trouvé ça moins fort que la première fois).

D'un autre côté j'aime beaucoup Venus noire mais je le mettrai pas dans mon top de fin d'année... Trop de bons films cette année.


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MessagePosté: 28 Oct 2010, 00:58 
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DPSR a écrit:
Non mais d'un autre côté c'est rare que je revois un film, même l'esquive et la graine auxquels je mets 6 je ne les ai pas revu. Cette année je l'ai juste fait pour Social network et surtout parce que je l'avais vu aux Etats Unis la première fois et que j'avais l'impression de ne pas saisir toute la subtilité des dialogues sur quelques scènes, comme la première qui va à toute vitesse. Et pour City of life and death que je voulais revoir sur grand écran après l'avoir vu en divx un an avant (et bizarrement j'ai trouvé ça moins fort que la première fois).

D'un autre côté j'aime beaucoup Venus noire mais je le mettrai pas dans mon top de fin d'année... Trop de bons films cette année.


Ben pareil (y compris pour le Fincher d'ailleurs, que je dois revoir avec sous-titres). Sauf que je revois beaucoup les films que j'aime. L'Esquive et La Graine, ça fait au moins déjà trois fois chacun, et c'est meilleur à chaque fois, tandis que celui-ci... je ne me vois pas l'acheter ni même le faire découvrir à quelqu'un.

Mais c'est un film remarquable. Dans d'autres mains ça pourrait donner La Môme ou Maison Close, faut pas l'oublier. Je me demande vraiment comment les gens l'accueillent... j'ai vu pas mal de visages en larmes à la fin de la séance, ce qui m'a beaucoup étonné. C'est cool si ça marche.

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MessagePosté: 28 Oct 2010, 01:05 
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Z a écrit:
Mais c'est un film remarquable. Dans d'autres mains ça pourrait donner La Môme ou Maison Close, faut pas l'oublier. Je me demande vraiment comment les gens l'accueillent... j'ai vu pas mal de visages en larmes à la fin de la séance, ce qui m'a beaucoup étonné. C'est cool si ça marche.


Je pense que Kechiche commence à avoir une communauté de fans qui se déplacent le premier jour, mais ça m'étonnerait que le film marche, et qu'il fasse un triplé aux Cesars face au Beauvois, plus populaire.

Après c'est toujours difficile de conseiller un film glauque... Va conseiller Kinatay à ton entourage sans passer pour un pervers


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MessagePosté: 28 Oct 2010, 01:13 
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DPSR a écrit:
Après c'est toujours difficile de conseiller un film glauque... Va conseiller Kinatay à ton entourage sans passer pour un pervers


Tu parles au mec qui a imposé Irréversible et Assassin(s) à ses 10 dernières meufs (excellent test d'ailleurs).

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MessagePosté: 28 Oct 2010, 01:19 
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Z a écrit:
Tu parles au mec qui a imposé Irréversible et Assassin(s) à ses 10 dernières meufs (excellent test d'ailleurs).


... pour avoir la possibilité de s'en taper d'autres par la suite?


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MessagePosté: 28 Oct 2010, 01:22 
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DPSR a écrit:
... pour avoir la possibilité de s'en taper d'autres par la suite?


Y a de ça. Y a des messages cryptés. Le premier film c'est pour aborder intuitivement la sodomie, et le second pour proposer un one-shot sans lendemain. Et ça marche.

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MessagePosté: 28 Oct 2010, 06:27 
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Eliska Cross, on la voit beaucoup ?

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Que lire cet hiver ?
Bien sûr, nous eûmes des orages, 168 pages, 14.00€ (Commander)
La Vie brève de Jan Palach, 192 pages, 16.50€ (Commander)


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MessagePosté: 28 Oct 2010, 08:28 
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Z a écrit:
une heure pleine à me dire que si ça se poursuit comme ça jusqu'à la fin, je vais sortir du cinéma (ce qui ne m'est jamais arrivé). Si je dois noter, c'est du 1/6. Ce n'est pourtant pas nul, du tout. Mais c'est répétitif, lent et peu intéressant.
(...)
Car le film ne va jamais très loin dans le propos. Kechiche préfère creuser le même sillon et nous entraîner dans un surplace déprimant et anxiogène.
(...)
Et on assiste à ses molles péripéties, marquées par le sceau de la répétition et de la résignation. Je n'ai jamais vu de personnage qui subit autant sans broncher, sans jamais se rebeller - à un détail près - et ce jusqu'à la fin que l'on connait. Et pour se sortir de ce personnage anti-narratif au possible, faut être honnête, Kechiche n'a rien d'autre à nous proposer que la danse du ventre d'Hafsia Herzi étendue sur deux longues heures... déjà que l'effet est sur-utilisé dans La Graine et le mulet...

Reste encore une dernière heure !!! Mais qui heureusement porte le film vers un sommet improbable. On est tout de même dans l'auto-indulgence totale vis à vis de la durée du film...
(...)
absence de mise en scène

Vis ma vie de Film Freak devant La Graine et le mulet.

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MessagePosté: 28 Oct 2010, 11:16 
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Cosmo a écrit:
Eliska Cross, on la voit beaucoup ?


Présente 5 minutes parmi d'autres, de façon très impersonnelle.

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MessagePosté: 01 Nov 2010, 12:28 
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Je viens de relire le fil et déjà je note un texte dégueulasse et complètement à contre-sens du film, soumis par Zad (qui on le rappelle n'a pas vu le film) :

Zad a écrit:
Citation:
« Vénus noire » d'Abdellatif Kechiche, le spectacle de l'humanité avariée
Par Eugenio Renzi | Independencia.fr | 11/09/2010 | 08H20


(De Venise) Chaque spectacle a son type d'applaudissement. Vendredi, Manoel de Oliveira, qui a un court-métrage dans la section Orizzonti, a été accueilli par une double ovation : d'abord quand il est entré dans la sala Perla, ensuite lorsque [le directeur artistique de la Mostra] Marco Müller l'a présenté.

C'est d'ailleurs un enthousiasme qui n'est nullement lié au film. En effet, la fin de « Painéis de Sao Vicente de Fora, Visao Poética » (un film extraordinaire, sur lequel je reviendrai) a été salué par des applaudissements polis. Probablement Manoel aurait-il préféré l'inverse.

Toujours dans la catégorie applaudissements avant le film, il y aussi celui, en général bref, qui salue l'apparition du nom du réalisateur ou d'un acteur. Ca a été le cas pour le film de Vincent Gallo -un mélange entre hommage à l'artiste et impatience de voir le film.

Il y a un troisième mouvement. Il y a trois ans, ayant raté la projection presse de « La Graine et le mulet », j'ai assisté à la projection publique dans la Sala Grande. Applaudissements polis à l'arrivée d'Abdellatif Kechiche, alors peu connu en Italie -« L'Esquive » avait été distribué de façon très confidentielle, doublé (sic), et affublé du titre : « La Schivata » (qui ne veut rien dire). Pourtant, une longue ovation a retenti à la fin de l'interminable séquence de danse du ventre. Un vrai triomphe.

Quel regard portons-nous sur le spectacle ? Vide ? Plein ? Bienveillant ? Malveillant ? Le thème de « Venus noire » [le nouveau film d'Abdellatif Kechiche inspiré de l'histoire vraie de la « Vénus hottentote », cette sud-africaine exhibée dans les salons européens au début du XIXe siècle, ndlr] c'est exactement cela.
Une galerie de spectacle

Le film est une galerie de spectacles. Eternel retour de l'identique : spectacle de la science dans l'amphithéâtre d'une université au moment de la Restauration ; spectacle de cirque dans un petit théâtre londonien où un Afrikaner exhibe une femme callipyge, la Vénus noire. Spectacle de la même Vénus noire, cette fois dans la bonne société londonienne, puis parisienne.

Dans chacun de ces théâtres, socialement très différents, la caméra de Kechiche se meut de façon identique. Ses séquences, mais ce n'est pas nouveau, sont étirées jusqu'aux limites du supportable.

Alors que ses cadrages s'entassent rapidement, soulignant tantôt les expressions de désarroi, de souffrance de la Vénus Noire, tantôt les visages soit surpris, soit hilares des regardeurs. Le jeu qui alterne scène de spectacle et d'appartement n'est pas exactement un champ contre-champ. (Voir la bande-annonce)


Volontairement confus et bavard, le découpage de Kechiche cherche bien plus à malmener l'axe central, l'avant-scène, sur lequel se croisent et s'opposent les regards du public et des acteurs ; et, dans le même temps, de suggérer la sensation qu'il n'existe qu'un seul champ, plat, qui comme les vitrines d'un musée d'histoire naturelle, accueille et range les différentes espèces.

Que les choses soient claires : chez Kechiche, les spectateurs ont toujours les yeux rivés sur la scène. Dans le champ opposé, les acteurs ont toujours les yeux rivés sur la salle. Mais que voient ces yeux ?

Un exemple. Gros plan sur un spectateur. Contre-champ : détails, en gros plan ou en très gros plan, sur la Vénus. Le contre-champ est trop serré pour représenter la subjectivité du champ. Ou encore, l'œil du film ne se confond, ni ne représente jamais celui du public ou des artistes. Tous ces champs appartiennent à un observateur extérieur à la scène : le cinéaste. Le seul à voir ce qu'il faut voir, c'est lui et vous avec lui.
Une humanité avariée

Que voit Kechiche, que voyez-vous ? Des choses laides, mes amis. Une humanité avariée. Sale, grossière, édentée (le sous-prolétariat londonien) ou alors lascive et sophistiquée (les salons de la Restauration) enfin rigide, ampoulée, parvenu (les savants). Et malgré cette diversité, ces différentes couleurs, c'est une humanité privée de différences morales. Son regard, observez bien, est toujours le même.

Et le vôtre ? « Vénus noire » est le film le plus radical et le plus théorique de Kechiche. Cette danse du ventre vers laquelle tout le film précédent tendait est ici isolée, atomisée, et répétée pendant trois heures.

Et vous vous souviendrez que là aussi, le public n'était pas des plus sympathiques. Pas même enveloppée par quelque cape obscure, mais au contraire illuminée, l'avant-scène était une dissection sans pitié : risa scomposte, facce paonazzefaces décomposées, ventres et regards affamés de notables de province. Et sur scène, une jeune fille, pas moins souffrante que notre Vénus, à agiter un ventre gonflé.

Vous regardez une humanité qui n'est pas très différente. Toute aussi prompte à toucher, sectionner, mesurer le corps de la Vénus callipyge. Kechiche réitère du début à la fin la même impatience positiviste. En commençant par un discours scientifique. Dessins, mesures, preuves…

En appuyant la thèse que la Callipyge est une être plus proche du singe que de l'homme. Un bocal en verre contenant ses parties génitales circule dans l'amphithéâtre. Les auditeurs se le font passer et le regardent avec attention. Le film aurait pu s'arrêter là. A partir de cet instant et ensuite, il n'arrivera rien d'autre que la réitération de ce que j'ai déjà décrit.

Sinon la mise en scène de cette curiosité morbide pour la dissection, le détail et la mesure du corps, à travers une Europe cassée, jusqu'à retourner dans cette salle.

Celui qui a vu le film dira maintenant : et l'artiste ? Bien sûr il y a un artiste. Le seul qui regarde Vénus avec respect et intérêt. Le seul à ne pas lui ôter trop rapidement sa culotte. Le seul qui l'a peint dans son entièreté. Dans une scène, deux actions opposées se confrontent au travers d'un montage parallèle.

Alors que le corps médical dissèque la Vénus et qu'ils arrivent à leurs conclusions scientifiques, l'artiste reconstruit son corps, grâce au crayon, puis au pinceau qui le colore amoureusement.
Le moment-clé est raté

La première chose qui saute aux yeux, c'est que la séquence en question qui aurait pu être très belle, est totalement ratée. A cause d'un cinéma qui ne connaît ni le montage, ni l'ellipse, le moment-clé est résolu de façon étrangement rapide et gâchée.

La seconde observation que l'on pourrait faire, plus importante, c'est que par rapport à ces deux mondes qui agissent en parallèle, l'un reconstruisant, l'autre disséquant, Kechiche se place nettement dans le camp de la science et de ses doctes disséqueurs.

A aucun endroit du film (et on pourrait le dire pour l'ensemble des films de Kechiche) vous ne trouverez une scène qui réponde, qui incarne le prototype respectueux et créatif de l'artiste ; au contraire, chacun des plans du film est l'émanation directe du discours des doctes : nous devons mesurer la tête, le nez, la mâchoire.

Ces trois longues heures n'ont alors pas été vaines, si nous avons compris ce qui dans ses films précédents était uniquement déductible. Avec la « Vénus Noire », les cartes sont sur table. Qui ne veut pas les voir est soit menteur, soit aveugle.

Dans le générique de fin, une surprise. Des images télévisuelles montrent le retour du corps de la Callipyge à Cape Town, fêté à coup de danses africaines. Ce bonus démonstratif était absolument gratuit d'un point de vue narratif. L'épilogue contemporain de l'aventure avait déjà été raconté par de sobres didascalies. Mais il fallait les images. Il fallait encore des ventres et des pennacchi. Cette fois vrai. Il est difficile de dire si Kechiche se rend compte qu'à partir du moment où il rend une image aussi terne du monde, il se place à la tête de l'humanité qu'il décrit.
Un film où chaque regard est raciste

De ce que j'ai lu, il croit avoir fait un film sur le racisme, sur le fait que chaque enfant à un regard. Moi je n'ai vu qu'un film où chaque regard est raciste. Et ça ne me semble pas la même chose.

Je ne sais pas ce qu'il s'est passé dans la Sala Grande. A la projection presse, le film a été accueilli de façon glaciale. Peut-être les spectateurs étaient-ils gelés par l'émotion, qui peut le dire ? Parmi les journalistes, j'ai recueilli ces dernières heures des avis très opposés.

Parions qu'un peu par devoir et comme avec le « Carlos » d'Assayas (avec lequel « Vénus noire » partage beaucoup plus que ce qu'il imagine), on ne lira bientôt que des commentaires admiratifs. Les seuls à avoir osé mettre un bémol (bien que vague et ambigu) ont été renvoyés chez eux, avec un ton qui fleurait la menace (la plus simple du show-business : Kechiche n'a pas apprécié, tu n'auras plus jamais d'interview) de la part des attachés de presse.

Traduction : Valentina Novati


Au contraire de ce qui est misérablement (mal) écrit ci dessus, la grande force du film, son plus grand succès c'est sa complexité même. La multiplicité même des regards, sa protéiformité au service du personnage principal. Car le film m'a énormément surpris justement, il déjoue à peu près tout ce que l'on peut attendre d'un sujet tel que celui là. Non, on n'est pas dans une exploitation dégueulasse, unilatéralement avilissante et inhumaine où ladite Vénus est une martyr sacrificielle magnifique (et si elle l'est, magnifique, ce n'est pas dans la complaisance de sa souffrance). On est dans un rapport entre les personnages beaucoup plus complexe. Et ajouté à cela le refus de psychologisation (pourquoi est elle alcoolique, pourquoi est elle partie de son pays ?) et la personnalité même de Saartjie (totalement fermée, presque antipathique), Kechiche cherche véritablement à regarder son histoire avec le plus de distance possible. Alors bien sûr tout cela finit mal, et l'asservissement se fait de plus en plus inhumain (terrible personnage d'Olivier Gourmet) mais toute la trajectoire offre peu de prises aux émotions faciles et à la complaisance du regard. J'imagine un tel sujet traité par le cinéma américain et j'en frissonne de dégoût. C'est vraiment la grande réussite du film et c'est là que réside ses meilleurs moments (scène bouleversante avec le client du bordel, personnage paradoxalement le plus sympathique de tout le film).

Bref c'est un très beau film, même si il est finalement trop pesant, trop long et qu'il lui manque peut-être une chaleur. Mais qu'importe cela reste une oeuvre française étonnamment ambitieuse et une histoire terrible (même si je trouve gentiment hypocrite l'espèce d'héroïsation du personnage presque deux siècles plus tard) qui méritait d'être racontée.

4/6

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La critique naze postée par Zad relève pourtant quelque chose d'essentiel à mon goût, et que j'évoquais moi-même avec mes mots :

Citation:
Le film est une galerie de spectacles. Eternel retour de l'identique : spectacle de la science dans l'amphithéâtre d'une université au moment de la Restauration ; spectacle de cirque dans un petit théâtre londonien où un Afrikaner exhibe une femme callipyge, la Vénus noire. Spectacle de la même Vénus noire, cette fois dans la bonne société londonienne, puis parisienne.

Dans chacun de ces théâtres, socialement très différents, la caméra de Kechiche se meut de façon identique. Ses séquences, mais ce n'est pas nouveau, sont étirées jusqu'aux limites du supportable.

Alors que ses cadrages s'entassent rapidement, soulignant tantôt les expressions de désarroi, de souffrance de la Vénus Noire, tantôt les visages soit surpris, soit hilares des regardeurs. Le jeu qui alterne scène de spectacle et d'appartement n'est pas exactement un champ contre-champ.

Volontairement confus et bavard, le découpage de Kechiche cherche bien plus à malmener l'axe central, l'avant-scène, sur lequel se croisent et s'opposent les regards du public et des acteurs ; et, dans le même temps, de suggérer la sensation qu'il n'existe qu'un seul champ, plat, qui comme les vitrines d'un musée d'histoire naturelle, accueille et range les différentes espèces.

Que les choses soient claires : chez Kechiche, les spectateurs ont toujours les yeux rivés sur la scène. Dans le champ opposé, les acteurs ont toujours les yeux rivés sur la salle. Mais que voient ces yeux ?

Un exemple. Gros plan sur un spectateur. Contre-champ : détails, en gros plan ou en très gros plan, sur la Vénus. Le contre-champ est trop serré pour représenter la subjectivité du champ. Ou encore, l'œil du film ne se confond, ni ne représente jamais celui du public ou des artistes. Tous ces champs appartiennent à un observateur extérieur à la scène : le cinéaste. Le seul à voir ce qu'il faut voir, c'est lui et vous avec lui.


Le reste de la critique, c'est de la bouse.

Ce qui ne m'empêche pas d'apprécier le film, ou plutôt, d'être impressionné par l'impact et la force que Kechiche procure à ses images par cette technique casse-gueule.

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