la vie d'un institut de beauté parisien et de ses trois employées.il y a 23 ans, tonie marshall était la première femme a avoir le césar de la meilleure réalisatrice, et est restée dans sa solitude pendant 23 ans. elle a aussi emporté le césar du meilleur film, où elle avait été précédée par coline serreau avec
3 hommes.... même dans les nominations, le bilan des femmes était famélique :
le petit prince, gazon maudit, mircrocosmos, place vendome...
depuis, elle est morte. ça n'a pas été un tremblement de terre culturel, les gens ne pouvant pas parler de grand chose d'autre que
venus beauté dans sa filmo (mon mari en revanche lui doit la phrase "sylvette, c'est pas correct !" piquée à
enfants de salauds, dès que je dis / fais une horreur). ça avait donc très bien marché, avec 1,4 millions d'entrées (le cassage de gueule pour le suivant fut assez iconique avec 116k pour au plus près du paradis... ), les cesars, et même une série télé spin off sur france 3 et arte pendant 2 saisons.
le temps a donc fait son oeuvre, pour tout le monde - et 23 ans c'est pile le bon moment pour être à la fois contemporain et un peu lointain. dans le film, il y a audrey tautou, alors petite bébé dans son premier rôle et qui est déjà merveilleuse, belle, charismatique, spéciale, merveilleuse - depuis elle est devenue une star et a arreté le cinéma. il y a mathilde seigner, vulgos et engagée pour ça parce qu'elle a un truc spécial dans le cinéma français et qui depuis est concrètement devenue une personnalité médiatique qui fait des trucs de temps en temps. il y a robert hossein, qui est mort. il y a samuel le bihan, ici jeune premier devenu leading man ephémère avant de péricliter puis de revenir à la télé. jacques bonafé était un second rôle à la mode, il a disparu. jacques audiard et marion vernoux script doctoraient le tout, il a depuis eu le temps de devenir une superstar et ils se sont séparés.
et puis j'ai tendance à penser que le cinéma français est un peu figé formellement et dans sa conception du cinéma, qu'en gros depuis truffaut deuxième période on a trouvé une forme de cinéma et on ne bouge plus trop. c'est vrai ici, mais voir les différences avec notre époque est intéressant. les films-métier existent toujours et se portent bien, mais de nos jours c'est plus sur les missions de service public ou les assoc'. ces films là ressemblent souvent atrocement à des téléfilms (mais en 2.35 heiiiiin), alors qu'il y a ici de vraies petites signatures de mise en scène, quelque chose d'un peu éthéré, un beau travail de rythme au montage entre scènes très courtes et choses plus lentes, un confort à alterner des scènes de vie au travail et des morceaux plus proches de blier, de vrais jolis plans... et il y a plein de petites pépites, les clients qui réclament angèle, le petit jingle de magasin merveilleusement trouvé...
c'est aussi intéressant parce que c'est ouvertement girly, ça s'adresse à un public de femmes - et pas de 22 ans, à qui quasiment rien ne s'adressait directement à l'époque, il me semble. c'est donc un univers 100% féminin, qui tape dans le rose, les hommes ne sont rien d'autres que les objets d'intérets sentimentaux des femmes, et les thématiques sont les peines et les aspirations de coeur des femmes. ça parle sans jugement d'une très jeune femme sincèrement heureuse de coucher avec un monsieur beaucoup plus vieux qui la couvre de cadeaux splendides, de nathalie baye qui couche au hasard dans sa voiture, d'une femme trompée et totalement désespérée mais le mec n'est pas forcément un salaud, ce sont juste les choses de la vie.
du coup c'était une pionnière et une précurseuse et une déchiffreuse mais pas en accord avec les normes d'aujourd'hui - et je suis bien persuadé qu'en vrai tu montres ça aux femmes d'aujourd'hui et ça leur parlera à balle, autant que des trucs sur des femmes fortes et indépendantes etc etc.
et puis, il y a 23 ans, le prix du mètre carré à paris était de 2700e, contre 9600 aujourd'hui. alors l'institut du film est le genre de commerces parisiens qui a disparu, un truc popu mais de qualité que l'on retrouve plus en province, aujourd'hui à paris c'est soit discount / communautaire soit chic / bobo. les employées sont de la classe moyenne basse, elle gagnent "le smic plus les pourboires" mais vivent à paris, ces classes populaires qui ont disparu et qui font que les grosses comédies françaises ne marchent pas intra muros. il y a aussi 0 personnes de couleur, c'était avant la vague migratoire entamée dans les années 2000, avant le passage de 11 à 25% de hlm à paris, avant l'effort de représentation dans le cinéma, avant l'accès à la classe moyenne des enfants d'immigrés maghrébins des 90s.
j'ai bien aimé imaginé ce que sont ces femmes aujourd'hui. la cinéphilie est quand même tenue par des dudes et pas par des femmes de 50 ans donc le film n'a pas bien tenu le choc dans les mémoires collectives, la série a évidemment disparu aussi. et puis la patronne de l'institut est en fin de vie, le personnage de nathalie baye est à la retraite et un peu vieille et sans enfants et j'espère qu'elle a marié sa solitude à celle de quelqu'un d'autre, le personnage de mathilde seigner vote furieusement fn et a un facebook extrêmement bordélique, et celui d'audrey tautou a sûrement de très beaux enfants.
le temps passe, les factures finissent toujours par être réglées.