Pendant ce temps-là, la France de Villepin, Chirac et Sarkozy se porte comme un charme :
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Six mois qu'ils empêchent les chiffres de tourner en rond. Après avoir démonté le chiffre officiel du chômage, le collectif de statisticiens ACDC (Autres chiffres du chômage) rendait public, hier, le baromètre 2007 des inégalités et de la pauvreté, le BIP 40. «Regarder le chiffre du chômage ne suffit pas, explique Thomas Coutrot, d'ACDC. Avec un taux de chômage à peu près stable entre 2002 et 2005, les inégalités ont atteint un record depuis vingt-cinq ans.»
60 critères. Le BIP 40 est un indicateur alternatif, créé en 2001 par le Réseau d'alerte sur les inégalités sur un constat simple : la courbe du taux de pauvreté de l'Insee baissait, alors que les observateurs de terrain voyaient la précarité s'accroître. Le BIP 40 se veut plus complet que les baromètres officiels : il rassemble 60 critères sur l'emploi, les salaires, mais aussi la santé, la justice, le logement ou l'éducation.
Résultat : «Les inégalités sont reparties à la hausse après 2002 (1) , rapporte Pierre Concialdi, économiste à l'Institut de recherches économiques et sociales. Entre 2002 et 2005, la hausse du taux de chômage calculé par le Bureau international du travail, passé de 8,8 à 9,8 %, a bien sûr contribué à cette augmentation. Mais son rôle dans le creusement des inégalités est moins important que lors de la dernière décennie.» D'autres indicateurs liés au logement surtout prennent de plus en plus d'importance dans l'accroissement de la pauvreté au sens du BIP 40 : plus d'emplois précaires après 2003, multiplication des maladies professionnelles, record du nombre de personnes dépendant des minima sociaux (10,2 % de la population en 2005), flambée des loyers, surendettement des ménages (le pourcentage d'incidents de crédit aurait atteint un niveau record en 2005)...
Propositions. «Les inégalités se diversifient et se multiplient, conclut Pierre Concialdi. Cela contredit les statistiques officielles de l'Insee, qui sous-estiment la part des revenus financiers [notamment liés à la propriété] dans les ressources des ménages. D'autres chiffres sont nécessaires pour rendre compte des inégalités, et, donc, mieux les combattre.» Les statistiques publiques pourraient avoir entendu la critique : un groupe de travail, Niveau de vie et inégalités sociales, présidé par l'économiste Jacques Freyssinet, a présenté en décembre des propositions pour mieux prendre en compte les inégalités dans les enquêtes de l'Insee.
(1) Selon le BIP, les inégalités et la pauvreté ont baissé entre 2000 et 2002, sans pour autant compenser leur explosion depuis les années 80 (environ + 40 %).
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Le chômage a baissé de 1,4 % en mars 2007, pour s'établir à 8,3 % de la population active, son plus bas niveau depuis vingt-cinq ans. Ces chiffres, annoncés hier après-midi, auraient dû être pour le gouvernement et le candidat UMP une excellente nouvelle. Seul problème : ils sont faux, ou plutôt ils ne reflètent pas la réalité du chômage en France.
Le travail des services statistiques du ministère du Travail (la Dares, dont une partie du personnel était en grève hier pour protester contre la publication de ces chiffres) et de l'ANPE n'est pas en cause. Le nombre de demandeurs d'emploi inscrits à l'ANPE est effectivement passé de 2 066 100 fin février à 2 036 600 fin mars (ou de 2 520 600 à 2 494 800, en comptant ceux qui ont exercé une activité réduite).
Mais, soulignaient hier 46 économistes et chercheurs (1) dans une lettre ouverte demandant au ministre de l'Emploi, Jean-Louis Borloo, de suspendre la publication de ces chiffres, «ces données, à la suite de modifications administratives, ne sont plus exploitables et conduisent à une sous-estimation forte du taux de chômage». Et ils ne sont pas seuls à le dire : fin mars, l'Office statistique de l'Union européenne, Eurostat, a d'autorité redressé de 0,4 point le taux de chômage français, retenant un chiffre de 8,8 % pour le mois de février, au lieu des 8,4 % mis en avant par le gouvernement.
La polémique est née de la décision prise fin janvier par la direction de l'Insee de ne pas utiliser l'enquête emploi réalisée chaque année, qui sert à vérifier et éventuellement corriger les chiffres du chômage. Certains résultats étaient aberrants, selon les responsables de l'Insee : ils auraient conduit à redresser d'au moins 0,6 point à la hausse les taux de chômage calculés chaque mois à partir des inscriptions à l'ANPE.
Principal argument de l'Insee : l'enquête menée par téléphone auprès de 80 000 personnes a pour la première fois fait apparaître un taux anormalement élevé de gens qui ne répondent pas. Or, parmi eux, il pourrait y avoir davantage de gens ayant retrouvé un emploi que chez ceux qui répondent. Du coup, en repoussant son enquête à l'automne, l'Insee n'a pas permis de réajuster les chiffres du chômage. Et l'institut laisse en pleine campagne électorale le gouvernement utiliser un chiffre provisoire flatteur, mais inexact.
(1) Parmi lesquels Christian Baudelot (ENS), Esther Duflo (MIT), Eric Maurin (EHESS), Thomas Philippon (NYU) Thomas Piketty (EHESS), Xavier Timbeau (OFCE), etc.
et sinon, rayon abjection, on savait déjà que la politique de reconduite à la frontière avait fait des morts (notamment un dont l'histoire avait circulé, mais je etrouve plus son nom, renvoyé dans son pays alors qu'il y était clairement menacé de mort, et effectivement mort le mois suivant son expulsion), mais on n'a pas fini dans l'inhumanité :
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«L e gouvernement vient de publier, en toute discrétion et au mépris de l'esprit de la loi, des outils facilitant l'expulsion de personnes étrangères gravement malades, condamnées dans leur pays d'origine par l'absence de traitement», écrivent les signataires d'une pétition qui, à peine lancée, a déjà été signée par des personnalités incontournables, dont Didier Sicard, président du Comité consultatif national d'éthique, Axel Kahn, généticien de renom, ou encore Emmanuel Hirsch, qui préside l'Espace éthique des hôpitaux de Paris, mais aussi la professeure Christine Katlama. Son objet : la défense des étrangers malades et menacés d'expulsion.
Secret médical. Cette initiative de l'Observatoire du droit à la santé des étrangers (1) est rendue publique ce matin. Elle entend répondre à une politique du ministère de l'Intérieur «qui devient de plus en plus opaque vis-à-vis des étrangers malades qui se font soigner en France». Jusqu'à présent, la France se montrait plutôt généreuse. Elle accordait une carte de séjour d'un an, éventuellement renouvelable pour que la personne puisse se faire soigner. Le médecin de santé publique devait examiner le patient, et s'il était atteint d'une maladie que son pays d'origine n'était pas en état de prendre en charge, il donnait alors un avis favorable, sans en préciser bien sûr les raisons pour préserver le secret médical. Le préfet décidait ensuite.
Or, discrètement, les sites Intranet des ministères de l'Intérieur et de la Santé ont publié des fiches d'informations concernant l'offre de soins et de traitements proposée dans les pays d'origine des étrangers malades demandant une régularisation pour raisons médicales. Une façon de faire le tri. «Mais de quelle manière ? s'alarment les pétitionnaires. Ces fiches pays ne prennent pas en compte la notion essentielle d'accessibilité effective aux soins et aux traitements. Elles ne tiennent compte ni de la répartition géographique des traitements, ni des ressources financières nécessaires pour les obtenir.» Exemple, en Egypte, la fiche va mentionner qu' «une tumeur maligne de l'estomac peut être traitée sur tout le territoire avec une offre de soins de qualité : moyenne mais suffisante». Or, dans les faits, les traitements sont très chers et uniquement disponibles dans les structures privées des grandes villes. Plus grave encore, selon les signataires, les médecins inspecteurs de santé publique sont conduits à violer le secret médical puisqu'ils doivent désormais détailler au préfet les traitements à dispenser aux malades étrangers.
«Tout est obscur». Ce durcissement intervient alors que des données essentielles restent cachées. Combien y a-t-il, par exemple, d'étrangers dans cette situation ? Combien de nouvelles cartes de séjour par an ? Y a-t-il augmentation ou pas ? «Tout est obscur», remarque Arnaud Veisse, directeur de la Comede (Comité médical pour les exilés). «Les derniers rapports officiels sur les étrangers malades remontent à 2002. Et depuis, on n'a que des informations parcellaires. Par exemple, en 2005, il y aurait eu 7 196 nouvelles admissions et 40 940 avis médicaux rendus. Normalement, les malades bénéficient d'une carte temporaire d'un an ; or, parfois, les préfectures délivrent des autorisations temporaires, de trois mois, voire de six mois.» Autre signe de ce changement, jusqu'à présent les préfectures suivaient les avis médicaux. Mais en février, pour la première fois, trois étrangers malades ont été expulsés contre l'avis des médecins.
(1) Collectif regroupant, entre autres, Aides, Act Up, la Comede, Médecins du monde, etc.