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MessagePosté: 29 Avr 2020, 22:54 
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Z a écrit:
Le film raconte surtout en creux que le gamin qui a tous les talents, qui a l'énergie et l'initiative... ne va pas y arriver. Tandis que celui jugé trop timide et asocial, apeuré par la vie, va réussir à se transcender. Que la logique du mérite fonctionne assez bien dans la vie scolaire (et par la suite militaire ?) : Neil est premier partout, il a fait le tour de tous les challenges à portée, c'est lui qui refonde le Cercle, et pourtant quand l'art (la poésie, l'écriture, le théâtre) s'immisce, sa nature et son mal-être implosent. Pour Todd au contraire, tout cela vient le secouer, le réveiller, le sauver.


C'est bien dit.

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MessagePosté: 29 Avr 2020, 23:18 
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Castorp a écrit:
Mais c'est dingue : ce qu'il écrit sur la page précédente, ça démontre une vraie acuité intellectuelle et une grande capacité d'analyse (je repense au film très fort depuis que j'ai lu son analyse, et y a plein de trucs qui s'emboitent, c'est trop cool)...


Ahah pareil que toi.

J'espère juste que latique ne le prend pas mal, ou ne pense pas qu'on essaie de le convaincre. C'est juste cool de parler des films. Et dommage d'être si catégorique sur les intentions d'un cinéaste. Je veux dire : sa filmo, c'est pas une note d'intention, c'est juste l'enveloppe. Weir a l'air de se planquer dans certains personnages, d'être singulier dans ses fins, et d'avoir un penchant assez clair pour la rêverie et le détachement mental. Il a aussi un vrai talent pour mettre le doigt sur des sensations intimes, et faire apparaître des moments suspendus, sur le fil, que tu sens fondateurs pour le personnage. Après lesquels plus rien ne sera acceptable comme avant.

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MessagePosté: 30 Avr 2020, 07:19 
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Billy Budd a écrit:
Castorp a écrit:
Billy Budd a écrit:
S'il devait obéir à son père, il aurait renoncé à ses préoccupations artistiques.


Et parce qu'il n'y renonce pas, il est envoyé à l'école militaire. Again : il a 16 ans, il a pas voix au chapitre.
Tu lui fais le procès d'un mec de 25 ans qui se rebelle contre la société en cramant l'argent de papa : c'est hors sujet.


C'est le procès que je lui faisais à 15 ans : un fils à papa qui se rêve artiste, mais qui renonce à la première difficulté.


C'est peut-être le sujet du film. Sans que ça le validé ou non. Voir les explications plus haut.


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MessagePosté: 30 Avr 2020, 08:11 
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En tous cas, le topic m’a donné envie de le revoir.

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MessagePosté: 30 Avr 2020, 11:01 
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Billy Budd a écrit:
En tous cas, le topic m’a donné envie de le revoir.


Pareil pour moi. L'analyse de Latique est très stimulante (je partage moins son avis concernant le positionnement politique du cinéaste), elle ouvre des perspectives d'interprétation que je n'avais pas perçues (j'avais vu le film quand j'étais ado). Merci Latique.


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MessagePosté: 30 Avr 2020, 13:30 
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Bon j'ai raté le train de la discussion d'hier mais je réponds quand même...

latique a écrit:
Son conservatisme politique, pour moi, ne fait pas de doute.


Je pense aussi que Weir a un côté conservateur. Mais réduire tout à cela, ça me semble limité, et encore plus si tu réduis l'analyse de son oeuvre à ce seul prisme (et ça en devient une lecture étriquée, c'est voir les choses par le petit bout de la lorgnette).

latique a écrit:
Si on fait un bilan de quelques-uns de ses films:
-ode à la vie militaire et guerrière, aux valeurs patriotiques dans Master (au moment de la guerre de 2003 en plus)


Mouais. La genèse du film et son tournage remonte sans doute à avant 2003, il faudrait pas refaire l'histoire non plus pour faire rentrer absolument le film dans cette chronologie-là.
Ensuite ode, vraiment? Je suis vraiment pas sûr... On peut considérer que le parti pris est une vision historique et romantique, que j'accepte, et je ne doute pas que les Anglais avaient un sentiment patriotique, surtout dans le contexte de l’expansionnisme napoléonien. D'ailleurs le "vous voulez voir la guillotine à Picadilly?" sonne un peu "ridicule" aussi. Bref selon moi on est là de l'erôlement ou de la propagande.

latique a écrit:
-éloge de la culture classique, d'une école réservée à la sélection des meilleurs dans DPS


Ton analyse plus haut est vraiment super intéressante, j'ai très envie de revoir le film avec ça en tête. En fait, j'ai l'impression que le film est plein de sentiments contradictoires. J'apprends que Walt Whitman était homosexuel, et que cela transparaît dans son oeuvre (que je ne connais pas) notamment pas son traitement de la camaraderie. Est-ce qu'il y a quelque chose à en tirer de l'analyse de DPS? Je ne sais pas... Le "O Captain my Captain", ça joue sur le registre du mentor, mais est-ce que c'est fondamentalement mal?
Par contre, je pense que très peu de spectateurs considèrent que le film fasse l'éloge de l'école qui nous est montrée... J'ai toujours considéré qu'elle faisait froid dans le dos cette école.

latique a écrit:
-haine pour le divertissement populaire, la télé, vue comme débilitante (Truman Show)


Ah ouais non. Déjà, je pense que la télé, ce n'est que l'enveloppe du film, son prétexte, mais pas son vrai sujet, le film a un propos beaucoup plus large et universel (c'est un conte).
Et ensuite, comme dit dans le topic dédié et comme le dit Castorp, l'intelligence sur la représentation du public, c'est d'en faire des gens bienveillants, des vrais supporters de Truman au final, tout le monde se réjouit de son évasion, et arrive ne pas regretter la fin du show. Je trouve que le film s'en sort très bien là-dessus, on est loin d'une représentation méchante et bête de la foule.

latique a écrit:
-anticommunisme primaire (The Way Back)


Ton argument c'est vraiment que les gens qui attaquent l'URSS par le sujet du goulag sont anti-communistes primaires? Parce que les communistes primaires ont aussi tendance à un manque total de lucidité sur le sujet (et je sais de quoi je parle). Le goulag, c'est un sujet finalement peu traité au cinéma, et dans le cinéma US également. Et en plus ici c'est assez peu le sujet du film. Ce qui intéresse Weir, c'est le système totalitaire et comment un individu peut s'en extraire. Après je suis loin d'être un fan du film, qui n'est vraiment pas son meilleur (on a le thème de prédilection de l'auteur mais vraiment pas dans sa forme la plus aboutie).

latique a écrit:
-défense des valeurs traditionnelles, de la vie communautaire, rurale, religieuse protégée des désordres de la métropole moderne, cosmopolite (Witness)


Si je reprends ton argument du contexte politique, on était alors en plein dans les années Reagan. On nous montre une institution (la police) complètement corrompue, et à côté de ça, la protection du héros est assurée par des gens en marge... qui ont une pratique collectiviste! Ils construisent une ferme pour l'un des leurs de manière totalement gratuite, dans une Amérique livrée au libre-marché.
Tu vois qu'en réduisant l'analyse à certains critères, on peut faire dire beaucoup de choses à un film... Pourtant je ne crois pas que ce soit là le propos de Weir.
Je vois un peu sa démarche comme celle d'un ethnologue, d'un anthropologue, il observe un milieu, le décrit: les Amish existaient avant lui et continueront après lui, il n'a pas la prétention de leur dire comment ils doivent mener leurs vies.

latique a écrit:
C'est assez parlant. J'avais lu une interview (après The way back) où il évoquait son parcours politique: à gauche dans les années 60, puis violemment revenu de ses "illusions" ensuite, dans les années 80 sans doute. Rien d'original. C'est le parcours de tous les "antitotalitaires" en France (BHL et compagnie).


Je t'invite à voir le film de BHL pour mesurer le fossé artistique qui les sépare :D
Plus sérieusement, je ne nie pas son parcours, comme je le dis je pense comme toi qu'il a un côté conservateur. Mais je trouve qu'il a toujours un regard humain très fort, un respect des personnages qu'il film, en se plaçant à leur hauteur. Et encore une fois, son cinéma traite à mon sens de l'équilibre, de la thermodynamique entre l'individu et la société, avec , je trouve, une certaine humilité.


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MessagePosté: 30 Avr 2020, 13:53 
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Jerónimo a écrit:
la thermodynamique


C'est vraiment à ça que je pensais quand je parlais de changements d'états suite aux frictions entre les êtres et les environnements. C'est cool, on se retrouve vraiment sur la vision du truc.

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MessagePosté: 30 Avr 2020, 14:00 
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Jerónimo a écrit:
latique a écrit:
-haine pour le divertissement populaire, la télé, vue comme débilitante (Truman Show)


Ah ouais non. Déjà, je pense que la télé, ce n'est que l'enveloppe du film, son prétexte, mais pas son vrai sujet, le film a un propos beaucoup plus large et universel (c'est un conte).
Et ensuite, comme dit dans le topic dédié et comme le dit Castorp, l'intelligence sur la représentation du public, c'est d'en faire des gens bienveillants, des vrais supporters de Truman au final, tout le monde se réjouit de son évasion, et arrive ne pas regretter la fin du show. Je trouve que le film s'en sort très bien là-dessus, on est loin d'une représentation méchante et bête de la foule.


non, mais surtout le mépris des divertissements populaires, c'est plutôt l'apanage de la gauche, hein.

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MessagePosté: 30 Avr 2020, 14:01 
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Ta formalution mettait des mots sur un sentiment que j'avais, je me suis permis de la reformuler avec un habillage scientifique, je trouvais ça plus classe.

Edit: je répondais à Castorp


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MessagePosté: 30 Avr 2020, 14:03 
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Jerónimo a écrit:
Ta formalution mettait des mots sur un sentiment que j'avais, je me suis permis de la reformuler avec un habillage scientifique, je trouvais ça plus classe.

Edit: je répondais à Castorp


Sainte mère de dieu n’utilisez pas ce mot :P


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MessagePosté: 30 Avr 2020, 14:15 
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J'avoue, rien que d'y penser, c'est l'angoisse


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MessagePosté: 30 Avr 2020, 15:02 
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Jerónimo a écrit:
j'ai très envie de revoir le film avec ça en tête. En fait, j'ai l'impression que le film est plein de sentiments contradictoires.

C'est ce que tu disais: faut varier les perspectives. Si ce que j'ai écrit soulève au moins un problème, eh bien tant mieux, je suis très content. Peter Weir me doit une tournée: le salopard, je ne lui voulais pas tant de bien.

Jerónimo a écrit:
J'apprends que Walt Whitman était homosexuel, et que cela transparaît dans son oeuvre (que je ne connais pas) notamment pas son traitement de la camaraderie. Est-ce qu'il y a quelque chose à en tirer de l'analyse de DPS? Je ne sais pas... Le "O Captain my Captain", ça joue sur le registre du mentor, mais est-ce que c'est fondamentalement mal?

Whitman, c'est très très fort. Et c'est une des références de ton film avatar.
L'homosexualité fait plus que transparaître dans certains de ses poèmes - mais tout est érotisé chez lui: les femmes, les pauvres, les vieux, les pierres, le ciel... Le thème de la camaraderie s'insère dans une vision plus large sur le thème de la révolution, portée par l'Amérique.


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MessagePosté: 01 Mai 2020, 12:34 
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Castorp a écrit:
Il ne fait certainement pas l'éloge de cette école : il la décrit.
Quant à l'éloge de la culture classique, mon dieu, quel monstre.

La culture classique n’est évidemment pas mauvaise en soi : tout dépend quel usage on en fait. Comme j’interprète le film comme un truc sur la sélection des forts, je trouve pas ça super.

Castorp a écrit:
Il aime pas les goulags. Quel salaud. J'attends aussi de te voir un jour accuser un film d'"antinazisme primaire".

C’est un principe de base pour moi de différencier nazisme et communisme. Peter Weir les met dans le même panier, sans faire les différences qui comptent, dans l’entretien dont je parlais; c’est la marotte des antitotalitaires; ce qui confirme ce que je disais au-dessus, sur le rapprochement avec BHL.

Castorp a écrit:
Et n'importe quoi. Il ne les défend pas : il les décrit.

Ca fait quand même beaucoup d’éléments convergents qu’il se contenterait de décrire.

Castorp a écrit:
je comprends pas pourquoi ce besoin de pelleter du fumier politique dessus, avec des condamnations extérieures aux films, souvent contestables en plus, (l'anticommunisme primaire, BHL, la guerre en Irak) alors que le Beau, ça n'a rien à voir avec ça ?

Je maintiens mes critiques qui me paraissent difficilement contestables. Pourquoi dire que ces considérations politiques sont extérieures aux films? Qu’est-ce qu’on gagne à les ignorer? Rien selon moi. Ni Peter Weir ni moi ne sommes capables d’isoler en nous le créateur ou l’amateur de Beau pur, garanti sans politique, sans morale. L’art, le cinéma, ça me paraît une affaire plus impure, moins cloisonnée que ce que tu dis.

Z a écrit:
Il me semble que Weir se tient assez souvent à distance de son sujet, en s'identifiant plutôt à un personnage souvent spectateur, en retrait et décalé (le Docteur interprété par Bettany dans Master, Todd Anderson dans le Cercle, le gamin dans Witness etc.). Faire l'amalgame entre le sujet du film et le sentiment du réalisateur est un peu la grosse erreur à ne pas commettre quand on fait de la critique ciné, non ? Je suis un peu étonné que tu la fasses, alors que tu sembles bien connaître son oeuvre.

Oui, je suis d’accord sur le fait qu’il faut en principe chercher à voir si le film se distingue du personnage. Mais dans DPS et Master, je ne vois pas ce décalage: les films donnent raison à Aubrey et à Keating – Todd et le docteur, au bout du compte, soutiennent entièrement Keating et Aubrey.

Z a écrit:
Neil est premier partout, il a fait le tour de tous les challenges à portée, c'est lui qui refonde le Cercle, et pourtant quand l'art (la poésie, l'écriture, le théâtre) s'immisce, sa nature et son mal-être implosent. Pour Todd au contraire, tout cela vient le secouer, le réveiller, le sauver. Je trouve ça assez beau. Et j'aime particulièrement que Keating, l'instigateur de tout ceci, n'ait rien vu venir.

L’éveil de Todd, c’est ce qui est émouvant dans le film. Mais je dirais que Keating le voit venir justement, il devine le potentiel de Todd dès le début, il le pousse dans ses retranchements, et il agit avec lui comme un psychanalyste, quelque part entre Socrate et le sergent Hartman de Full Metal Jacket.

Z a écrit:
J'espère juste que latique ne le prend pas mal, ou ne pense pas qu'on essaie de le convaincre. C'est juste cool de parler des films,

Je le prends pas mal. C’est une bonne discussion, non?

Z a écrit:
Weir a l'air de se planquer dans certains personnages, d'être singulier dans ses fins, et d'avoir un penchant assez clair pour la rêverie et le détachement mental.

C’est pas incompatible avec la dureté, la nécessité de la violence. Cf Master. Ou cette scène de Witness:
https://www.youtube.com/watch?v=o07ecRzkLuM
Que dire de cette scène? Comment la rapprocher de Truman Show, et de ce que Jeronimo et Castorp disaient sur les "bons" spectateurs?

Jerónimo a écrit:
Je pense aussi que Weir a un côté conservateur. Mais réduire tout à cela, ça me semble limité, et encore plus si tu réduis l'analyse de son oeuvre à ce seul prisme (et ça en devient une lecture étriquée, c'est voir les choses par le petit bout de la lorgnette)

Encore une fois, le dire ne réduit rien. C’est vous qui me paraissez réduire son œuvre en faisant abstraction de cette dimension, qui me paraît évidente. Les films ne sont pas unidimensionnels. Quel intérêt ça aurait d’ignorer que L’Anglaise et le duc est un film clairement anti-révolutionnaire ? Qu’American Sniper est clairement un film pro-armée américaine? Après on peut aller au-delà, ou pas. J'aime beaucoup le Rohmer, je hais le Eastwood que j’ai pas pu finir.

Jerónimo a écrit:
La genèse du film et son tournage remonte sans doute à avant 2003, il faudrait pas refaire l'histoire non plus pour faire rentrer absolument le film dans cette chronologie-là.

C’est tout à fait possible, et même probable. Mais nos deux points de vue ne se contredisent pas: on peut regarder le film depuis sa création, ses intentions; ou comme il est, au moment de sa réception, avec les effets qu’il a dans ce contexte. Variation des perpectives, encore et toujours.

Jerónimo a écrit:
D'ailleurs le "vous voulez voir la guillotine à Picadilly?" sonne un peu "ridicule" aussi. Bref selon moi on est là de l'enrôlement ou de la propagande.

C’est le mot. On peut parier qu’il y a des gars à qui Master donne aussi envie de s’enrôler. C’est l’effet que peut produire sur certains ce genre de films, qu’ils le veuillent ou non. Voir la scène où les soldats de Jarhead exultent devant la charge des Walkyries de Apocalypse Now.
https://www.youtube.com/watch?v=ctaN72ySYlU

Jerónimo a écrit:
notamment pas son traitement de la camaraderie. Est-ce qu'il y a quelque chose à en tirer de l'analyse de DPS? Je ne sais pas... Le "O Captain my Captain", ça joue sur le registre du mentor, mais est-ce que c'est fondamentalement mal?

Par exemple, je relis Chant de la grand-route de Whitman. On peut trouver plein de citations, qui collent ou qui ne collent pas.
A la fois, ça :
"My call is the call of battle, I nourish active rebellion,
He going with me must go well arm’d"


Et ça :
"Let the paper remain on the desk unwritten, and the book on the shelf unopen’d!
Let the tools remain in the workshop! let the money remain unearn’d!
Let the school stand! mind not the cry of the teacher!
Let the preacher preach in his pulpit! let the lawyer plead in the court, and the judge expound the law."


Le rôle du mentor, oui, c’est un problème essentiel du film: avoir un maître, devenir un maître. Y a rien de "fondamentalement mal" en soi: là aussi, faut examiner l’usage qui en est fait, le caractère qui s’en empare, le but qu’il se propose. Keating ou le sergent Hartman.

Jerónimo a écrit:
je pense que la télé, ce n'est que l'enveloppe du film, son prétexte, mais pas son vrai sujet, le film a un propos beaucoup plus large et universel (c'est un conte).

Jerónimo a écrit:
On peut considérer que le parti pris est une vision historique et romantique, que j'accepte, et je ne doute pas que les Anglais avaient un sentiment patriotique, surtout dans le contexte de l’expansionnisme napoléonien

Là encore, pourquoi passer si vite par-dessus le sujet premier pour aller au conte, l’allégorie? Pourquoi considérer que les Américains font des contes quand ils font des films de guerre, des films sur la télé réalité? Que je sache, c’est pas exactement le pays des elfes et des licornes. En tout cas certainement pas du point de vue des Irakiens, par exemple.

Jerónimo a écrit:
Le goulag, c'est un sujet finalement peu traité au cinéma, et dans le cinéma US également. Et en plus ici c'est assez peu le sujet du film. Ce qui intéresse Weir, c'est le système totalitaire et comment un individu peut s'en extraire.

Oui, un film antitotalitaire, nazis et communistes dans le même panier, comme je disais plus haut. On sait l’effet politique désastreux de ce type de discours. En tout cas, de mon point de vue, partagé par quelques autres.

Jerónimo a écrit:
Si je reprends ton argument du contexte politique, on était alors en plein dans les années Reagan. On nous montre une institution (la police) complètement corrompue, et à côté de ça, la protection du héros est assurée par des gens en marge... qui ont une pratique collectiviste! Ils construisent une ferme pour l'un des leurs de manière totalement gratuite, dans une Amérique livrée au libre-marché.
Tu vois qu'en réduisant l'analyse à certains critères, on peut faire dire beaucoup de choses à un film

La corruption de la police, ça ne me paraît pas un sujet très nouveau dans les années 80, ni une garantie d’anti-reaganisme.
Le village amish est bien collectiviste, mais pas exactement égalitaire.
Y a plusieurs droites, et plusieurs gauches. Le regard critique sur l’Amérique du libre-marché, ça peut tout à fait être un discours tradi-conservateur.


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MessagePosté: 01 Mai 2020, 13:12 
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latique a écrit:
Je maintiens mes critiques qui me paraissent difficilement contestables. Pourquoi dire que ces considérations politiques sont extérieures aux films? Qu’est-ce qu’on gagne à les ignorer? Rien selon moi. Ni Peter Weir ni moi ne sommes capables d’isoler en nous le créateur ou l’amateur de Beau pur, garanti sans politique, sans morale. L’art, le cinéma, ça me paraît une affaire plus impure, moins cloisonnée que ce que tu dis.


La guerre en Irak, c'est difficilement contestable ?
BHL, donc une caricature, c'est difficilement contestable ?
Le primaire ajouté à ton "anticommunisme", comme si s'opposer au communisme, c'était une preuve de bêtise, difficilement contestable ?

Je te reproche pas d'essayer de comprendre l'idéologie de ces films, ou l'idéologie de Weir, ou l'idéologie de ses personnages : je te reproche de plaquer ta vision du monde dessus pour décider ce qui est acceptable ou pas. Tu passes de la critique artistique au militantisme politique.

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MessagePosté: 01 Mai 2020, 14:02 
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latique a écrit:
C’est un principe de base pour moi de différencier nazisme et communisme. Peter Weir les met dans le même panier, sans faire les différences qui comptent, dans l’entretien dont je parlais; c’est la marotte des antitotalitaires; ce qui confirme ce que je disais au-dessus, sur le rapprochement avec BHL.

Faudrait illustrer avec l'entretien quand même pour se permettre de comparer à un vulgaire BHL.
Parce qu'en survolant le truc comme tu le fais, on imagine facilement que pour toi Orwell=BHL.
Quand à l'anticommunisme primaire de The Way Back, ça ne me semble pas si évident. Si c'est la dénonciation d'un système totalitaire, je n'ai pas l'impression que le principe de justice sociale ou de volonté de changement de la société soient remis en cause par la galerie de personnages qui s'évadent du goulag. Pas souvenir d'un propos comme quoi ils s'étaient retrouvé au goulag à cause de l'idéologie communiste elle-même.
Le perso de Farell et la scène de ses tatouages, je la vois d'ailleurs comme une façon de rappeler que le régime soviétique s'est aussi appuyé sur le nationalisme russe, ce qui n'est pas très doxa communiste.

Ceci dit, cette volonté farouche de relativiser les différents régimes communistes, notamment en allant chercher l'épouvantail nazi, m'étonnera toujours.
Rien n'empêche de garder des éléments idéologiques mais de suffisamment faire évoluer cette idéologie pour permettre une saine distance critique envers les horreurs commises au nom du communisme.
D'une, ça serait plus efficace pour convaincre.
De deux, ça permettrait de couper un cordon étrangement conservateur incroyablement puissant chez les communistes d'aujourd'hui.


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