Synopsis : Jason Bourne et Marie vivent désormais des jours paisibles à Goa en Inde, mais les souvenirs de Jason remontent à la surface et un drame le force à enquêter à nouveau sur les agissements de la CIA.Suite de l'épisode précédent :Film Freak a écrit:
Pas vu depuis quelques temps mais je ne parlerais pas de mollesse. Y a une volonté de moderniser le genre avec une approche plus réaliste sur laquelle Greengrass (et le cinéma d'action des années 2000) a surenchéri, jusqu'à l'overdose (perso, j'ai toujours trouvé le 3e film "illisible", d'ailleurs Dan Bradley a remplacé Witt pour les suivants ainsi que pour Quantum of Solace et j'accroche moins), mais je préfère l'original, plus terre-à-terre et encore appuyé sur un découpage acéré (ma "scène" d'action préférée, c'est le raccord quand il bloque le tonfa du keuf et les désarme ultra vite).
C'est vrai qu'aujourd'hui, le style de Greengrass (et de Dan Bradley) a pris du plomb dans l'aile du fait surtout de suiveurs peu inspirés. La preuve étant que dès qu'il s'agit de dézinguer ledit style, on montre la fameuse séquence de
Taken je-ne-sais-plus-combien dans laquelle la doublure de Liam Neeson saute une barrière en quatorze plans.
Mais c'est un poil exagéré (on se croirait sur le topic politique).
Greengrass, c'est un peu le premier à un concours de circonstances, certes, et j'ai toujours halluciné quant au fait que dans
Five Went Back, il a été chargé du segment sur Ford. Je veux bien qu'il y ait (de loin) le lien avec l'Irlande mais c'est quand même croquignolet que l'auteur de
Vol 93 se voit attribuer un réal qui ne tournait que ce qui était nécessaire au montage.
Mais je ne pense pas non plus qu'il soit complètement à côté de la plaque et hors-jeu dans la longue lignée des cinéastes d'action. Certes, il y en a qui gèrent mieux que lui les marques d'un style documentaire dans le ciné d'action contemporain (McTiernan, Mann, Friedkin, les réals de HK), mais, comme le souligne FF, il y a alors la nécessité de retrouver quelque chose de plus humain et de s'écarter de la pyrotechnie, plus ou moins bannie après le 11 septembre. Même dans
Die Hard 3, de McTiernan, on avait droit à des moments hénaurmes (McClane qui surgissait d'un pipeline, ou qui sautait d'un pont sur un bateau. Ici, Bourne a du mal à remonter sur un pont) et qui reniaient un certain aspect qui avait fait le sel de
Piège de Cristal : s'écarter du monsieur muscles des 80s pour revenir à un type lambda (bon, il se jette d'un immeuble accroché à un tuyau d'incendie, oui... mais il en chie).
Déjà avec
The Bourne Identity, mais encore plus avec celui-ci, le ciné des 00s abandonne la moindre trace de fun. Outre les attentats, il y a aussi le public qui vieillit mais qui est toujours présent. Et si, il y a moins de dix ans avant, dans le délicieux
Au revoir, à jamais, Geena Davis jouait à couper des carottes en accéléré et faisait se faire dessus des ados boutonneux, dans les Bourne de Greengrass, il semble que le réal ait placé des snipers tout autour de la scène pour abattre le premier acteur qui oserait un sourire timide.
Outre son approche de la reconstitution d'événements dramatiques contemporains, je crois que Greengrass a été avant tout traumatisé par la poursuite de
Seven de Fincher dans laquelle les personnages deviennent des silhouettes identiques à tel point qu'on ne sait plus qui pourchasse qui, et qui retranscrit l'idée que le bien et le mal sont les deux faces d'une même pièce. En gros, je pense que Greengrass essaie plus que de rendre lisible une scène d'action, de dire quelque chose sur la situation mentale et symbolique de son héros.
Jason Bourne a un esprit fragmenté et essaie de reconstituer sa mémoire à base de notes, de photos, d'articles. Il n'a pas de passé et vit dans le présent total* et ne peut se fier qu'à ses sens (on ne dira jamais à quel point ce Jason Bourne partage en points communs avec Wolverine). Quand Greengrass saisit les décors, il insiste sur les façades à multiples fenêtres ou les intérieurs d'hôtel avec les portes, autant de boîtes dans des boîtes dans des boîtes qui insistent sur l'aspect poupée russe des agissements de Treadstone/Blackbriar. Et comparé à Liman, Greengrass s'en tire mieux pour montrer que l'histoire de Bourne est au final périphérique à de vastes conspirations qui le dépassent.
*Tony Gilroy signe des dialogues vraiment bons pour ce type de prods : "I remember something good all the time"Alors, oui, avec sa couleur verdâtre omniprésente et sa shaky-cam, on a souvent l'impression d'être coincé dans une bouteille d'Heineken qui dévale une pente, mais j'avoue qu'une fois installé dans le film, je n'ai pas de mal à suivre ce qui s'y passe et à profiter de moments chanmés comme quand Bourne crache de la vodka sur les flics avant de se lancer dans une poursuite en autos-tamponneuses en plein Moscou.
C'est là aussi, que se situe pour moi une autre influence sur Greengrass, celle du clip. Le morceau de Powell sur cette poursuite est à ce titre évocateur (
Bim, Bam, Smash) et est indispensable à la bonne marche du tout
D'autres remarques en vrac dans cet épisode :
_ Karl Urban assure vraiment pour donner en très peu de temps de la chair à son personnage de tueur troublé.
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_ Pour rester sur Bond, je crois que si la greffe ne prend pas avec
Quantum of Solace, outre le fait que Marc Foster soit un manche, c'est surtout que le personnage et son univers ne se prêtent pas à cette vision anti-glamour. On accepte que Bourne se trimballe dans le tram de Berlin ou qu'on voit à peine la tour Eiffel dans le premier épisode, mais chez Bond, c'est absolument requis qu'on passe des vacances avec le héros. Du coup, ils s'en souviendront avec
Skyfall où Roger Deakins shoote le tout comme une pub de compagnie aérienne.