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MessagePosté: 06 Sep 2010, 21:32 
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Problématique ce film... Réellement sublime 1h20 durant, p-ê, un temps, un des films les plus beaux de l'an passé, vraie puissance de mise en scène, direction d'acteurs incroyable, disons Dumont a vraiment le cinéma dans le sang, la plupart des plans sont époustouflants, il y a quelque chose de rare qui se produit là-dedans, une espèce d'acuité rarement vue, depuis longtemps, un portrait de la France qui ridiculise en un rien l'essentiel du cinéma français... Et puis soudain le film bascule dans le n'importe quoi, les attentats, les amalgames, une bêtise soudaine comme une envie de choquer, comme si s'être si adroitement tenu éloigné des craintes politiques, des bêtes craintes d'époque, d'avoir tant et si intelligemment évité le viol que pourtant le réflexe idiot de fiction naturaliste appelle, d'avoir évité la crasse d'une certaine représentation télévisuelle des banlieues, bref d'être allé exactement à l'opposée de ce que tout téléfilm, et donc presque tout film français, serait allé, s'effondrait soudain dans l'hideux nuage numérique de l'explosion...

Un film kamikaze, qui s'auto-détruit connement.

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MessagePosté: 07 Sep 2010, 10:22 
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Zad a écrit:
Et puis soudain le film bascule dans le n'importe quoi, les attentats, les amalgames, une bêtise soudaine comme une envie de choquer, comme si s'être si adroitement tenu éloigné des craintes politiques, des bêtes craintes d'époque, d'avoir tant et si intelligemment évité le viol que pourtant le réflexe idiot de fiction naturaliste appelle, d'avoir évité la crasse d'une certaine représentation télévisuelle des banlieues, bref d'être allé exactement à l'opposée de ce que tout téléfilm, et donc presque tout film français, serait allé, s'effondrait soudain dans l'hideux nuage numérique de l'explosion...


J'ai du mal à te comprendre.
Il me semble que l'Islam est montré sous un beau jour, et qu'il aurait pu être remplacé par une autre religion "si c'était possible" - or ça ne l'est pas parce qu'aujourd'hui il n'y pas d'attentats importants commis au nom d'une autre religion que l'Islam en Europe. Suite à une déception amoureuse, certains se suicident parfois en prenant l'autoroute à contre-sens, mettant ainsi en danger la vie d'autres personnes. Pourquoi ? Pour se faire remarquer, pour exister. Céline elle se suicide simplement pour se faire remarquer aux yeux de Dieu, et de Jésus, dont elle est amoureuse. J'ai du mal à voir où est la bétise là dedans. Dumont ne juge personne et ne fait pas d'amalgame foireux.


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MessagePosté: 07 Sep 2010, 10:25 
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je sais pas, pour moi le terrorisme et tout le tintouin tombent comme des cheveux sur la soupe, omme si le film ne savait plus du tout où aller et se disait "allez, on s'en fout"
je ne comprends vraiment pas

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MessagePosté: 07 Sep 2010, 10:39 
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Ah mais c'est clair que ce n'est pas fin du tout. C'est bourrin et anti-subtil, je comprends qu'on puisse être agacé.


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MessagePosté: 07 Sep 2010, 10:43 
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c'est du gâchis...

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MessagePosté: 18 Jan 2011, 11:16 
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Zad a écrit:
c'est du gâchis...

Et on a failli avoir l'attentat à la station Parmentier. Ca aurait fait du gâchis à Parmentier.
Voilà. Sinon c'est 4,5/6


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MessagePosté: 18 Jan 2011, 19:40 
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EXTRAORDINAIRE :lol:

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MessagePosté: 27 Jan 2011, 13:47 
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Le film où les gens ne se regardent jamais dans les yeux...

Toujours très à part, Bruno Dumont. Et moi, toujours très hésitant devant son cinéma. D'un côté, je salue sa velléité d'artisanat et son refus de l'industrialisation cinématographique, j'admire son éthique de cinéaste et son talent évident de mise en scène. De l'autre, je ne peux m'empêcher de penser que ce systématisme à refuser tous les effets, revient parfois à les embrasser tous sans discernement : pourquoi faire dans l'extrême ?

Bon, j'exagère, parce que Dumont est loin de l’extrémisme. Et je suis aussi étonné que tant de foruméens saluent la beauté de ses cadres ou de ses images, tant il est visible qu'il se bat contre sa technique, ses techniciens, et lui-même, afin de justement ne jamais tomber dans le trop esthétique (se méfiant de la perfection, du bien fait, du beau). Il reste assez simple dans sa mise en scène, se contentant souvent d'être frontal et contemplatif, s'intéressant à l'indicible et à l'invisible. Et ce qui est frappant, c'est que malgré ses gros sabots, il y arrive assez souvent (notre liberté d'interprétation vient nourrir les scènes de belle manière, même si ce procédé peut s'avérer un peu facile).

Pour autant, ce film me déçoit un peu. Non pas que sa mise en scène soit en-deçà, au contraire : elle est si simple qu'elle ne se trompe jamais. Cette fois c'est une partie du propos qui me gêne, et son cheminement. Sur la foi, l'amour de Dieu, c'est très bien. Sur la réflexion et l'utilisation de cet amour et de cette foi, je trouve le film inutile, et au fond, un peu stupide. Encore un film où l'Islam ne pointe son nez que pour au final verser dans l’extrémisme et le terrorisme... alors que pour une fois, il était amené avec une douceur et une fraîcheur inattendues, et semblait merveilleusement n'avoir rien à voir avec le sujet du film ! Dès que l'Islam est évoqué aujourd'hui, et soit-disant pour refléter une réalité, il est réduit à un vulgaire mobile, à un arc scénaristique d'évidence, à une simple caractérisation paresseuse. Dumont avait réussi le plus dur : le sortir de ces clichés. Malheureusement, il est le premier à l'y replonger. Et au fond, je pense qu'il s'en fout complètement...

3,5/6

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MessagePosté: 28 Jan 2011, 16:14 
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Marrant qu'il y ait autant de réticence au fait que le film aboutisse sur l'attentat, alors qu'il ne parle que de ça. Même si je pense que ce dont il "parle" reste tout à fait secondaire.
Il est jamais question que d'anorexie mentale et de suicide, jamais de foi, ou seulement de son absence. Céline ne croit pas en Jésus Christ, elle veut sa bite. Elle est incapable de l'aimer puisqu'elle en est amoureuse. Sa mystique est indéterminée et retournée contre elle-même, elle est adolescente, libidineuse, impatiente. "Il est pas là !", qu'elle dit, Dieu n'est pas en libre service ! Ce qui fait d'elle une chrétienne au sens réel du terme, civilisationnel (sa peau blanche, son extraction bourgeoise, son éducation, son goût pour l'inaction et sa sexualité larvée dans sa sophistication), elle le renie et le hait au nom de l'idée qu'elle se fait du christianisme. Tout au long du film elle se débat contre ce qui fait d'elle une chrétienne charnelle (son athéisme factuel, capricieux), pour lui substituer une idée, c'est à dire un contresens. D'où sa nécessaire progression vers l'Islam, en tant qu'il est le contraire du christianisme et le contraire d'une religion, c'est à dire une idéologie, une cathédrale de contresens. Jésus Christ est Dieu et homme, Allah n'est qu'une idée. Une idée au nom de laquelle on peut mourir si ça nous chante, là où le Christ, incarné, exige qu'on endure la vie et sa complexité. Si on veut se référer à un phénomène contemporain, le film ne parle pas du terrorisme, il parle de la réappropriation par l'hystérie occidentale, fatiguée d'elle-même, d'une idéologie de pouilleux, reposante et régressive. L'Islam n'est dans le film qu'un prétexte, comme il n'est à l'échelle du monde qu'un prétexte pour l'Occident d'exprimer sa névrose.

Quand Céline se fait sauter, elle tue la chrétienne en elle autant qu'elle se tue, c'est pour cette seule raison qu'elle fait exploser le métro au lieu de se mettre dessous. Donc ça n'est ni gratuit, ni absurde, c'est la froide nécessité du propos. Mais ça n'a aucune importance.


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MessagePosté: 28 Jan 2011, 16:37 
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Charogne a écrit:
Il est jamais question que d'anorexie mentale et de suicide, jamais de foi, ou seulement de son absence.

Citation:
Si on veut se référer à un phénomène contemporain, le film ne parle pas du terrorisme, il parle de la réappropriation par l'hystérie occidentale, fatiguée d'elle-même, d'une idéologie de pouilleux, reposante et régressive.


Les interprétations sont multiples... c'est sans doute volontairement que Dumont reste évasif sur son personnage (et sur le reste). Tant mieux si ton interprétation te sied, c'est la moindre des choses...

Citation:
L'Islam n'est dans le film qu'un prétexte, comme il n'est à l'échelle du monde qu'un prétexte pour l'Occident d'exprimer sa névrose.


Oui, un prétexte. Toujours le même, dans tous les films, prétexte paresseux de l'associer au terrorisme.

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MessagePosté: 28 Jan 2011, 17:00 
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Z a écrit:
Oui, un prétexte. Toujours le même, dans tous les films, prétexte paresseux de l'associer au terrorisme.


Je trouve pas que ce soit le cas, justement. Ici l'Islam est la métaphore de la négation de l'identité de Céline, ce n'est pas davantage un objet d'attention que ne l'est, par exemple, le fascisme dans les 120 journées de Pasolini. C'est une image qui ne se réfère à aucun contenu, l'Islam n'est pas dans le film, pas plus que le terrorisme au sens on l'entend dans l'imaginaire collectif. L'attentat final ne relève pas du terrorisme, mais d'un suicide à tiroirs.


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MessagePosté: 28 Jan 2011, 17:17 
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Charogne a écrit:
Je trouve pas que ce soit le cas, justement. Ici l'Islam est la métaphore de la négation de l'identité de Céline, ce n'est pas davantage un objet d'attention que ne l'est, par exemple, le fascisme dans les 120 journées de Pasolini. C'est une image qui ne se réfère à aucun contenu, l'Islam n'est pas dans le film, pas plus que le terrorisme au sens on l'entend dans l'imaginaire collectif. L'attentat final ne relève pas du terrorisme, mais d'un suicide à tiroirs.


Je comprends ta façon de voir. Mais comprends la mienne : l'IRA par exemple, ne pourrait se substituer à l'Islam dans le film, car il faut plus qu'une cause sacrificielle ; il faut une religion. Et pour quelle autre religion se fait-on sauter aujourd'hui ? C'est l'association de l'Islam au terrorisme qui est trop facile, et l'utilisation de ce raccourci comme prétexte d'un suicide à tiroirs dans le film, qui est paresseux. Je pense qu'il aurait tout à fait été possible de montrer le suicide détourné de Céline d'une autre façon que par l'iconographie actuelle de l'attentat terroriste.

Autrement sur le Pasolini, je ne suis pas tout à fait d'accord. Certes le film explore en profondeur la nature de l'homme et son penchant naturel, si exercé sans contraintes, à avilir les autres hommes. Mais le but originel de Pasolini est bien de dépeindre de quelle façon les portes de cet Enfer peuvent s'ouvrir, et le fascisme est l'un des rares régimes à permettre cette horreur (il y en a d'autres : la folie meurtrière isolée, le génocide, la guerre civile).

Dans les deux cas, c'est comme si tu me disais que "la fin justifie les moyens", mais ce n'est pas si simple. Les étapes sont signifiantes, de même que le contexte, et pas seulement l'origine du trouble et son extinction. La façon qu'il a de se manifester compte tout autant. Et si tu acceptes l'idée que soit permise toute interprétation sur la fin du film, alors admets aussi que l'interprétation puisse se porter également sur le cheminement qui y conduit.

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MessagePosté: 28 Jan 2011, 17:48 
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Z a écrit:
Je comprends ta façon de voir. Mais comprends la mienne : l'IRA par exemple, ne pourrait se substituer à l'Islam dans le film, car il faut plus qu'une cause sacrificielle ; il faut une religion. Et pour quelle autre religion se fait-on sauter aujourd'hui ? C'est l'association de l'Islam au terrorisme qui est trop facile, et l'utilisation de ce raccourci comme prétexte d'un suicide à tiroirs dans le film, qui est paresseux. Je pense qu'il aurait tout à fait été possible de montrer le suicide détourné de Céline d'une autre façon que par l'iconographie actuelle de l'attentat terroriste.


Oui mais dans le cas précis de Céline, qui est une adolescente athée issue du Christianisme, l'Islam est la meilleure métaphore de sa contradiction, et l'attentat-suicide le meilleur moyen pour elle de se détruire à la fois en tant qu'individu souffrant et en tant que chrétienne, justement parce qu'il a une connotation islamique. Dumont joue sur l'association terrorisme/Islam, non par paresse, mais pour enrichir sa métaphore, parce que l'Islam est le contraire du Christianisme en ce point précis qu'est la conception du martyre.

Z a écrit:
Autrement sur le Pasolini, je ne suis pas tout à fait d'accord. Certes le film explore en profondeur la nature de l'homme et son penchant naturel, si exercé sans contraintes, à avilir les autres hommes. Mais le but originel de Pasolini est bien de dépeindre de quelle façon les portes de cet Enfer peuvent s'ouvrir, et le fascisme est l'un des rares régimes à permettre cette horreur (il y en a d'autres : la folie meurtrière isolée, le génocide, la guerre civile).

Dans les deux cas, c'est comme si tu me disais que "la fin justifie les moyens", mais ce n'est pas si simple. Les étapes sont signifiantes, de même que le contexte, et pas seulement l'origine du trouble et son extinction. La façon qu'il a de se manifester compte tout autant. Et si tu acceptes l'idée que soit permise toute interprétation sur la fin du film, alors admets aussi que l'interprétation puisse se porter également sur le cheminement qui y conduit.


Pour Pasolini, l'horreur décrite dans Salo est celle de la social-démocratie (en tout cas c'est ce que j'ai lu de lui en interview). L'avilissement de l'homme par sa propre nature est illustrée par la barbarie du dispositif fasciste, mais c'est à la société de consommation et son effet sur l'âme que Pasolini réfléchit quand il tourne Salo (je me souviens de sa phrase "le jeune romain est un cadavre"). En tant que marxiste il associe le fascisme historique et la société de consommation comme deux émanations du capital, mais dans Salo il n'est jamais question du fascisme historique. Il se sert simplement de l'image du fascisme historique et son impact sur l'imaginaire du spectateur pour peindre en creux son dégoût du monde contemporain. C'est pour ça que je trouvais éclairant d'associer sa démarche à celle de Dumont, parce que tous les deux utilisent une image non pas pour ce qu'elle désigne mais pour ce qu'elle évoque, dessine.
Et justement je ne pense pas que toute interprétation soit possible, je crois que chaque œuvre suit un sens précis (qui inclut tout autant la fin que les étapes), en général indépendant de la volonté de l'auteur. Les interprétations multiples sont toujours tolérables parce qu'il est sensiblement impossible d'arrêter un sens définitif, mais c'est un compromis lié par un aveu collectif d'impuissance à pénétrer la vérité d'une œuvre. La difficulté résidant justement à en retrouver le sens dans la diversité (souvent contradictoire) de son contenu.


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MessagePosté: 28 Jan 2011, 18:23 
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Charogne a écrit:
Dumont joue sur l'association terrorisme/Islam, non par paresse, mais pour enrichir sa métaphore, parce que l'Islam est le contraire du Christianisme en ce point précis qu'est la conception du martyre.


C'est très vrai, c'est central dans le film, d'ailleurs la symétrie est appuyée dans les dialogues :

- la nonne lui dit qu'elle se prive comme une martyre et non comme une croyante, ce pourquoi elle est chassée
- le grand frère lui dit qu'il n'y a pas qu'une seule façon de croire en Dieu, et que l'une de ses voies est le martyre, ce pourquoi elle est acceptée parmi eux

Mais :D

Mais pour autant je trouve toujours ça aussi facile / paresseux de céder à cette tentation de la croyance en miroirs, dès lors que l'histoire extraordinaire contée par Dumont (une chrétienne frustrée se fait exploser dans un attentat islamiste) prend place parmi des éléments aussi ordinaires et contemporains (le terrorisme islamiste), bien plus complexes que ce à quoi le film se contente de les définir.

Si tu veux, je reconnais l'utilisé du procédé, mais je conteste à Dumont le principe de céder à la tentation de ce deus ex machina de confort, parce qu'il plie la réalité complexe pour la faire tenir dans sa démonstration simpliste. "Bon, là il me faudrait un bon intégriste pour qu'elle puisse se faire sauter in fine... allez hop elle rencontre des jeunes beurs de banlieue, ça me mènera fatalement au terrorisme... Est-ce que c'est crédible ? Je m'en fous, l'essence de mon film n'est pas là."

Citation:
C'est pour ça que je trouvais éclairant d'associer sa démarche à celle de Dumont, parce que tous les deux utilisent une image non pas pour ce qu'elle désigne mais pour ce qu'elle évoque, dessine.


Le fascisme serait à Salo ce que l'intégrisme islamique est à Hadewijch ? Et dans les deux cas, parce que c'est... commode et évocateur ? Autant Dumont n'a pas la velléité de dépeindre l'intégrisme (son film le prouve d'autant plus qu'il n'est absolument pas représentatif de la chose, ni même crédible sur ce point de l'embrigadement d'une infidèle), autant Pasolini explore une déclinaison véritable du fascisme (même si philosophique - la société de consommation des corps, fascisme paroxystique) par le biais d'exactions ayant des jumélités avec la réalité historique. Le premier se sert d'un concept pour parler de toute autre chose ; le second pousse un concept dans son retranchement, pour le confronter à notre regard.

Citation:
Et justement je ne pense pas que toute interprétation soit possible, je crois que chaque œuvre suit un sens précis (qui inclut tout autant la fin que les étapes), en général indépendant de la volonté de l'auteur.


Je ne suis pas d'accord, ou plutôt il y a un distinguo important : l'oeuvre se construit dans un sens précis, mais elle peut se lire dans un autre. Or ce n'est pas tant le sens que tu y mets en voyant le film, que je conteste... mais plutôt le sens que Dumont y a mis en le faisant. C'est à mon avis très différent.

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MessagePosté: 28 Jan 2011, 18:50 
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Z a écrit:
Si tu veux, je reconnais l'utilisé du procédé, mais je conteste à Dumont le principe de céder à la tentation de ce deus ex machina de confort, parce qu'il plie la réalité complexe pour la faire tenir dans sa démonstration simpliste. "Bon, là il me faudrait un bon intégriste pour qu'elle puisse se faire sauter in fine... allez hop elle rencontre des jeunes beurs de banlieue, ça me mènera fatalement au terrorisme... Est-ce que c'est crédible ? Je m'en fous, l'essence de mon film n'est pas là."


Je dirais plutôt qu'il dénature une réalité complexe (celle de l'Islam, de la banlieue, de l'intégrisme), que par ailleurs il choisit délibérément de ne pas traiter, pour rendre compte de la complexité d'une autre réalité (celle du conflit spirituel de Céline), qui est l'objet du film. L'agencement des faits n'est pas crédible si on s'en tient à leur surface, mais le développement du personnage en revanche suit comme une évidence. La narration n'a pas nécessairement à rendre compte de la complexité des faits auxquels elle emprunte, elle suit son chemin. En l'occurrence je pense que la surcharger de nuances aurait contredit l'épure et la simplicité du film. Il est miraculeusement léger, ce qui tient à mon avis au fait qu'il se passe de subtilités.

Z a écrit:
Le fascisme serait à Salo ce que l'intégrisme islamique est à Hadewijch ? Et dans les deux cas, parce que c'est... commode et évocateur ? Autant Dumont n'a pas la velléité de dépeindre l'intégrisme (son film le prouve d'autant plus qu'il n'est absolument pas représentatif de la chose, ni même crédible sur ce point de l'embrigadement d'une infidèle), autant Pasolini explore une déclinaison véritable du fascisme (même si philosophique - la société de consommation des corps, fascisme paroxystique) par le biais d'exactions ayant des jumélités avec la réalité historique. Le premier se sert d'un concept pour parler de toute autre chose ; le second pousse un concept dans son retranchement, pour le confronter à notre regard.


Non, justement, l'anorexie mentale et la tentation définitive de Céline ne sont, comme l'Islam (et pas seulement l'intégrisme), qu'une déclinaison du régime de l'idée. Céline ne parvient pas à être chrétienne parce qu'elle souffre de l'idéologie du Christianisme, qui en est la contradiction, et la pousse naturellement vers l'Islam. Il s'agit tout autant de pousser un concept dans son retranchement, en l'occurrence jusqu'à l'autodestruction.

edit: pour préciser, je dirais que pour Dumont, l'idéologie du Christianisme est au Christianisme ce que, pour Pasolini, la social-démocratie est à la démocratie.


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