Forum de FilmDeCulte

Chronique de la vie de Freddy, jeune épileptique, qui vit avec sa mère Yvette à Bailleul où elle tient le café Au Petit Casino

Rétro des premiers films de Dumont en ce moment sur art.tv.

J’avais un peu peur de me lancer car je craignais l’aridité et la dureté du cinéma de Dumont, et en ce sens je n’ai pas été déçu.

Le film est en permanence au bord de la complaisance et du misérabilisme, c’est vraiment sur le fil sans jamais vraiment basculer, il y a un regard sans cruauté ou jugement mais parfois une absence de distance (ça reste un premier long, même si c’est très maitrisé), d’où émerge une capacité décomplexée à montrer le beau (le deuil, le sentiment amoureux, la camaraderie) et le laid (la lassitude du quotidien, la méchanceté, le racisme, le viol) en ne cherchant jamais l’approche sociologique ou même psychologique… ce qui en fait un film assez déstabilisant, qui dégage un malaise et un mal-être profonds, dénué de toute démarche humaniste mais à hauteur de ses personnages.

A l’époque où c’est sorti j’imagine que certains pouvaient faire la comparaison avec l’émission Strip-tease mais c’est fondamentalement éloigné dans ce que ça dégage, avec notamment ce personnage de Freddy, bloc de mutisme, au visage tragique (sentiment renforcé par le destin de son interprète), complexe, touchant et détestable.

Je suis pas sûr d’adhérer à toute la démarche, parfois choc un peu gratuitement, mais la toute fin
expriment parfaitement cette envie d’absolu dans une vie trop petite, la force des sentiments face à la réalité du monde.

Je vais faire une pause mais je vais continuer la rétro, il y a un oeil unique de cinéaste.

On en parlait l'autre jour avec des amis, l'un d'eux avait justement dû tomber dessus à l'occasion de sa disponibilité sur le net. Pour ma part, j'en avais gardé quelques souvenirs d'il y a une quinzaine d'années.

Et en effet, les impression générales tournaient autour de ce sentiment là :


Et ça aussi :


Pour moi ça se résume tout simplement au fait que Bruno Dumont a un profil d'intellectuel (études supérieures) et d'esthète (ses références), même si wikipédia reste muet sur le profil de ses parents ce qui en général est aussi très révélateur, et qu'il choisit comme sujet (et même comme acteur principal) des mecs au minimum à la limite de la clochardisation, avec tout ce que ça implique comme comportements aberrants. Indépendamment des qualités ou non du film (pas assez de souvenirs précis pour en juger), on est complètement dans le safari chez les cassos téléguidé par une fascination venue d'un monde qui en est largement protégé, ce qui a le don de m'agacer.

La coïncidence titille ma curiosité cela dit, donc pourquoi pas me rafraîchir la mémoire.

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Looks like meat's back on the menu, boys!

Oulà c'est vraiment un procès totalement hors sujet concernant Dumont. Au contraire même. Il est le seul (ou l'un des seuls) à avoir fait du cinéma dans ces territoires et avec ces acteurs/personnages et son regard est pas du tout là (dans la complaisance ou le misérabilisme). Tout le cinéma de Dumont c'est du mettre ou plutôt de chercher du "sacré" là où il n'y en a pas.

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CroqAnimement votre

Oui, enfin tout ça n'enlève rien à ce que je constate plus haut : Bruno Dumont est un intellectuel, qui se revendique comme tel, avec toute la distance inouïe que ça implique avec un sujet, des sujets, pareil(s) (ce qu'on appelle pudiquement "la grande précarité"), et aussi tout un discours extrêmement confus, en tout cas dans ses interviews, sur la morale, le bien, le mal, toutes ces choses finalement bien complexes, on est d'accord. Il s'inscrit dans une tradition d'artistes distants, socialement comme intellectuellement, de ce qu'ils explorent, ici en l'occurence ces gens laids, délabrés et malveillants qui sont par ailleurs bien réels, et dont la complexité dépasse largement le cadre de l'art, qui ne peut que les intellectualiser dans une démarche de rendre leur sort plus acceptable, car "tragique" thématiquement, via le cinéma, la littérature ou autre.

La distance intellectuelle en elle-même ne me gêne pas dans l'absolu. Sur ce genre de sujets, si. Surtout si c'est pour en faire une jeu d'exploration thématique pour "le sacré" qui est devenu une notion complètement passe-partout dans une société qui l'a très largement aboli.

Ca me fait beaucoup penser à l'auteur de La Horde du Contrevant dont j'oublie le nom, et tout son délire gênant autour des ZAD et autres expériences alternatives, alors qu'à chacune de ses interventions on sent juste le cadre sup qui a pété un câble dans sa carrière, mais qui reste quand même attaché à son statut et l'a transposé dans un univers professionnel où il n'a pas d'autre cadre plus haut placé par-dessus l'épaule, ce qui résume finalement bien le personnage.

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Oui je pense que le regard de Dumont se porte vers ces personnages parce qu'il présente une humanité à nue, c'est plus le fait de pousser ce sujet dans ses retranchements, et si je me suis posé la question je ne crois pas qu'il y ait vraiment de misérabilisme (et le terme safari ça me semble carrément exagéré), c'est pas ça qui l'intéresse.

Arte cite Dumont:
“"De nombreux jeunes sympathiques que je côtoyais étaient en même temps infectés de méchanceté, de racisme, "explique Bruno Dumont. "Ce ne sont pas de sales petits militants extrémistes ou satanistes, mais des jeunes excédés. Et leur excès les conduit à tenir des propos haineux. Je n’ai jamais réussi à opposer quoi que ce soit à leur racisme. On est démuni face à leur haine folle, dangereuse. Certains ne croient en rien, doutent de tout… Ils sont désenchantés parce qu’ils n’ont aucune prise sur le monde. Pour l’instant, ils s’emmerdent."”

Il y a un entretien sur ces premiers films d'ailleurs (pas encore vu):
https://www.arte.tv/fr/videos/105398-000-A/conversation-avec-bruno-dumont/

C'est Damasio et ça n'empêche pas que son livre soit super. Par ailleurs, il a un discours sur l'émancipation par l'imaginaire qui est intéressant.
J'ai aussi tendance à vouloir ignorer les gens que l'on finit par entendre et voir partout, parce que de fait, ils viennent souvent d'une sphère "intello" à des lieux du "petit peuple", mais c'est aussi trop facile de dénigrer la parole et la pensée de personnalités sous prétexte qu'elles viennent des "élites".
Non, je ne parle évidemment pas de Macron.

Il y a clairement un côté strip-tease dans ses premiers films, plus complaisant encore, plus entomologiste. Mais ils sont intéressants, notamment ce premier film. A mettre en contraste avec Desplechin qui fait incarner des prolos du nord par l'héritière d'une des grandes fortunes locales, ce qui est quand même d'une piquante ironie.

Elle a plutôt un ancrage à Paris et avec les Schlumberger qui sont historiquement d'Alsace. Tu confonds peut-être avec Louis Malle (et avec le fait que Michel Seydoux a été propriétaire du Losc)...

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Mais peut-être la nécessité accrue de faire confiance incite-t-elle à la mériter davantage

Erving Goffman

Ah oui tu es complètement à côté de la plaque, je vois absolument pas le rapport. Revois les films parce que là c'est n'importe quoi.

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CroqAnimement votre

Erreur de ma part en effet, c'est le fait que Michel ait été propriétaire du LOSC qui m'a induit en erreur.

Du coup l'amalgame et le procès d'intention sont plus précis et tout le monde y trouve son profit : toi, moi, le cinéma, le foot, le capitalisme parisien et les proléraires du Nord ! Du gagnant-gagnant.

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Mais peut-être la nécessité accrue de faire confiance incite-t-elle à la mériter davantage

Erving Goffman

Ajoutes-y Bruno Dumont et l'huile d'arachide (du poulet yassa) en guise de liant. Plus sérieusement, l'aspect naturaliste, les acteurs non-professionnels sont ce qu'il y a de plus intéressants à mon avis dans le Dumont première manière, bien qu'évidemment subsiste une interrogation sur le regard de Dumont, et de façon plus décisive, sur celui du "cinéphile" qui regarde ses films. En vieillissant, j'ai plus de mal avec l'édulcoration consubstantielle au cinéma, qui consiste à mettre des acteurs, érigés au rang de semi-idoles, dans la peau d'individus lambdas, ce qui est sans doute un mauvais procès de ma part. Ça n'est pas le cas dans La vie de Jésus.
Je vois que David Douche, qui joue le rôle principal, a péri avec son épouse dans l'incendie de leur appartement, en 2015.

PS : cet amalgame est marrant parce qu'il rejoint une discussion que j'avais récemment. Cela n'a plus rien à voir avec le sujet initial, mais dans une certaine forme de reproduction sociale, il y a probablement une tendance similaire dans le foot et dans le cinéma, alors que les milieux originellement ne sont pas les mêmes. Là où autrefois, il s'agissait de formes relativement nouvelles, on remarque que la reproduction sociale tend sans doute à s'accroître avec les années (ainsi le foot, qui est toujours un formidable ascenseur social, voit également de plus en plus réussir les fils de, mettant un mal un ancien mythe selon lequel une forme d'adversité sociale crée des athlètes exceptionnels)

Non, j'ai le même souci.

Dans le cas de Roubaix, Une lumière, le film est carrément l'"adaptation" d'un documentaire sur un commissariat de la ville, ce que je savais pas. On remarque que même Gontrand n'échappe pas au procès d'intention : "Elle fait plus bourgeoisie que Forestier mais cela sert le personnage, et lui suggère un passé que le documentaire ne lui attribue sans doute pas."

Dans l'article qui lui fut consacré à sa mort dans La Voix du nord, le frère de l'acteur explique qu'il ne savait pas qu'il avait joué dans un film.

https://pagepaysage.wordpress.com/2015/ ... -de-jesus/

Merci pour l'article et l'hommage que lui rend Dumont éclaire bien sa démarche :

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CroqAnimement votre