Je viens de voir le film, bien en retard comme d'habitude. J'ai trouvé toute la première partie extra, pleine d'émotion et en même temps toujours cette sobriété chez Eastwood qui force le respect. Après pour tout le reste j'ai un sentiment partagé, tout est assez intéressant mais sûrement trop long, trop fourmillant. Il faut dire que l'histoire est vrai et que tout est tellement incroyable qu'on devine l'envie du cinéaste de tout mettre. Que dire sur la fin? L'héroïne semble contente de gagner de l'espoir, la mise en scène et la musique semblent appuyer cette joie, pour qu'ensuite une petite phrase dans le générique vienne terriblement balancer ce pseudo happy-end: elle a espéré/cherché toute sa vie. Je préfère encore le désespoir... Une fin ambigüe.
Sur le débat entre jiko et TBA (que je quote plus bas pour rappel) sur les deux procès mis en parralèle, mon avis serait que personnellement j'étais gêné à fond pendant les applaudissements du public et cette condamnation par le public de façon un peu automatique, mais je me demande si c'est le cas pour la majorité des gens (j'ai du mal avec les films américains basés sur le désir de justice, qui passe par de longs procès spectaculaires). Je pense que peut-être Eastwood a voulu parler de la mécanique de la justice (la notion prise au sens large), qui fonctionne beaucoup par automatismes car l'esprit humain, surtout affecté par le biais des médias et dans un contexte collectif, fonctionne ainsi. Il n'émet pas de jugement vis-à-vis de cette faiblesse humaine mais constate, à travers le montage parrallèle des deux séquences, que l'un des procès, celui de la police, débouche sur un progrès politique, tandis que l'autre, celui de l'individu, débouche sur le sentiment de gâchis et d'irrésolution (quelle absurdité cruelle de condamner le tueur visiblement complètement mû par la folie à deux ans de prison sachant qu'il va se faire pendre). J'ai l'impression que ces deux éléments viennent préciser la vision politique d'Eastwood en général: les institutions et l'opinion publique peuvent de concert faire avancer la justice quand il s'agit de régler les cas d'erreur de système (ici, la police), mais dans le cas de crimes individuels, ces deux mêmes entités s'avèrent incapable d'être justes car les enjeux sont trop complexes (folie du criminel, condamnation qui sonne comme une vengeance collective plus que comme une volonté de justice...) pour être maniés comme il le faudrait par leur mécanique simpliste.
4.5/6jiko a écrit:
the black addiction a écrit:
Là je ne suis pas d’accord du tout, en tous cas je n’ai ressenti ça à aucune seconde… j’ai été profondément dérangé par cette séquence, je n’ai pas ressenti ces applaudissements comme quelque chose de positif et de logique, il y a cette exposition de la mise en spectacle des jugement par l’intermède médiatique, un poids médiatique qui aura forcé les gens jugé à agir de la sorte dès le départ, à se convaincre eux même qu’elle avait tort, que leur système ne possède pas de faille de la sorte, car il faudrait le rendre public et ils en subiraient les conséquences. On sent bien ce poids sur leur épaules malgré le côté affreux des personnages. Ce sont de simples bouc émissaires à mes yeux, et la phrase avant le générique de fin, celle concernant le pasteur, appuie bien sur le fait que rien n’a changé après ça… C’était juste un spectacle, et le décors du procès est parfaitement utilisé, l’impression d’avoir une scène de théâtre en train de se faire (ça rejoint à mon sens ce que je disais sur la distanciation progressive du visage de la femme durant cette séquence, son véritable statut aux yeux du système est révélé ici, elle n’est pas actrice. Le rythme énergique et l’emphase des jeux appuient bien sur cette notion de mise en scène et de spectacularisation de ce qui est en train de se jouer… pour moi les applaudissements c’est le point noir absolu, l’acceptation de la supercherie par les spectateurs, ou plutôt, au lieu de l’acceptation, leur croyance en ce qui se joue… alors que la scène suivante, brutale, montre bien qu’il s’agit d’une exécution sommaire qui ne résout rien… le parallèle entre les deux procès est à mon sens ce qui rend l’aspect critique de cette séquence particulièrement percutant, en tous cas à mes yeux.
Voilà mon ressenti.
Oui c'est un spectacle, une scène de théâtre (c'est même le propre des films de procès), mais à ce moment précis (la bâchage du flic par l'avocat) suivi des applaudissements du public, il y a concordance des désirs du spectateur avec ce qui se passe à l'écran (je ne parle pas de l'exécution du tueur). Cette concordance (l'injustice enfin dévoilée) est classique dans un film de procès et me semble souvent (et ici aussi) un moyen plus que facile d'obtenir l'adhésion du public, un sentiment un peu cheap de vengeance ou de justice (proportionnel au sentiment d'injustice qu'on a pu avoir avant, et dans ce film il est grand, la rhétorique mensongère du flic, la mise en hospice de la mère, y'a moyen de bouillir contre ce personnage), un truc pas très fin qui me laisse souvent un goût amer dans la bouche. Que le film mette par la suite cette scène en perspective (rien n'a vraiment changé) ne change pas grand chose à la scène en elle même (où d'ailleurs la critique dont tu parles me semble absente sur le moment, pas distance ou de méfiance vis à vis de la réaction du public dans ce qui est filmé, tout est fait pour qu'on partage le plaisir de la foule au pointage des erreurs commis pas le policier).
Je ne condamne le film pour ça d'ailleurs, c'est un des aspects du classicisme de Eastwood dans ce film, il participe d'une tradition d'un genre particulièrement américain. Juste je me suis dis devant ce passage que c'est un des aspects qui me gène dans les films de procès.