Forum de FilmDeCulte

À plus de 80 ans, Earl Stone est aux abois. Il est non seulement fauché et seul, mais son entreprise risque d'être saisie. Il accepte alors un boulot qui – en apparence – ne lui demande que de faire le chauffeur. Sauf que, sans le savoir, il s'est engagé à être passeur de drogue pour un cartel mexicain.


Les grands réalisateurs, à l'orée de leur mort, jouissent d'une unanimité critique suspecte, comme si toutes les fines plumes de la presse redoutaient de planter un clou dans le cercueil du maître. C'est le cas aujourd'hui de Clint Eastwood dont La Mule, sans être un mauvais film, est encensé au-delà de la raison. Clint Eastwood, Dieu merci, a mis en scène de bien meilleurs films que ce road-movie répétitif qui exploite mollement son surprenant postulant de départ. La petite musique - trois notes de guitare ou de piano - de papy Clint - fonctionne toujours quand il est à l'écran. Son côté Old School assumé lui permet de composer un personnage de vieux Gringo un peu raciste sur les bords - les Mexicains du film sont soit ses employés, soit des narcotrafiquants d'ailleurs, hum - mais évidemment toujours avec le coeur sur la main - embarrassante séquence où il offre des sandwiches au porc, les meilleurs de la région.

La morale est aussi répétée toutes les dix minutes comme si le spectateur était équipée d'un sonotone - il faut mieux s'occuper de sa famille que de rechercher les honneurs dans son travail, nous dit Clint droit dans les yeux, alors que sa fille elle-même tient le rôle de l'aînée délaissée le jour de son mariage. Bref, on est bien loin d'Impitoyable ou de Chasseur blanc, coeur noir, pour évoquer de vrais chefs d'oeuvre. Bien sûr, Clint Eastwood a toujours pour lui une maîtrise parfaite du crescendo émotionnel. Il parvient à nous faire aimer ses personnages et à nous faire oublier, le temps d'une déchirante déclaration pré-mortem, tous les défauts de La Mule. Mais osons le blasphème : le même scénario écrit et mis en scène par un autre que lui serait immédiatement voué aux gémonies par les même qui parlent aujourd'hui d'un "road-movie crépusculaire".

3/6

Des Eastwoods des dernières années, je ne dois en aimer qu'un, celui sur le FBI, c'est dire que je ne suis pas un vendu au vieux Clint, je pénétrais dans la salle à reculons et bien j'ai plutôt kiffé cette Mule que je considère comme son dernier bon film (pas dur vu la qualité des précédents).

Tout d'abord, il y a une certaine humilité qui transpire à l'écran. Partir d'un petit pitch de polar, si original qu'il soit, pour s'offrir un vrai petit plaisir d'action movie et toute l'autodérision que met Eastwood dans son personnage de vieux gâteux croûlant est assez communicatif. Je ne vais pas détailler l'histoire qui est celle d'un vieil octogénaire qui devient de manière inconsciente le meilleur passeur de drogue d'un cartel car il est insoupçonnable aux yeux des flics, ce vieux vétéran de la guerre de Corée, et totalement imprévisible dans ses trips où il prend son temps jusqu'à aller voir de vieux copains. Le film est plein d'humour dans la manière dont Eastwood se met en scène et se moque de son propre âge. C'est à la fois tendre et vachard, ça ne se prend jamais au sérieux. Beaucoup de moments drôles comme les références à internet ou autres. Et puis à l'écran Eastwood affaiblit son âge et son statut d'icône. Avec sa voix fragile, on a l'impression d'un vieux gâteux qui va clamser dans l'heure et les moments où il n'hésite pas à se payer des putes en plein boulot au point d'énerver ses employeurs mexicains est assez drôle.

Le scénario est excellent dans sa construction mais sa grande réussite c'est l'équilibre entre cette histoire de drogue et le côté intime du vieux qui essaie de regagner la considération de sa famille. Ce côté du personnage, de toute façon je vais bientôt crever autant amasser du fric avec ces conneries pour faire le bonheur de ma petite fille et des autres, est à la fois drôle et touchant. Outre le côté action movie réussi, c'est donc tout ce qui tourne autour du personnage d'Earl qui est très réussi et tire le film au dessus de la nasse du genre. Je ne vais pas comme certains critiques qui se touchent la nouille sur Eastwood y voir une réflexion sur la vie et la carrière du cinéaste mais en l'état le spectacle est plaisant à regarder. Et puis il y a ce passage de témoin avec Cooper qui après American Sniper semble l'acteur qui inspire Clint. Il est très bien dans son rôle d'agent de la DEA qui a les crocs. Un pur personnage de cinéma qu'Eastwood affectionne.

Faut espérer que le vieux Clint arrête de faire des films pour pondre les merdes auxquels il nous a habitué ces dernières années, car La Mule a vraiment une belle gueule comme dernier film pour finir sa carrière. Jusqu'à cette fin qui conclut en beauté l'aventure. Je ne le placerais pas dans la liste des grands films du bonhomme mais c'est assurément un bon cru.

4,5/6

Ouais enfin il joue avec les clichés du genre et c'est totalement assumé. D'ailleurs, le côté raciste du personnage d'Earl est bien tourné en dérision. Le moment avec les sandwiches m'a bien fait marrer - la vieille Mule qui se fait mettre la pression pour accélérer le trajet par les mexicains qui le surveillent et qui n'en à rien foutre et fait son gros détour pour bouffer ses sandwiches préférés. Tout au long du film, il y a un côté "Je suis vieux, je m'amuse à faire ce boulot dangereux à la old school et j'en ai rien à foutre" alors que tous les autres stressent comme des tarés. La scène après avec le flic est bonne.

paie ton gag éculé quand même... et puis il y a un côté, faisons goûter le bon goût américain aux chicanos.

Là où tu le prends au sérieux, moi je n'y vois que de la dérision, la moquerie sur le côté old school d'Earl. Par exemple, quand tu parles de racisme, là je ne te suis pas. Earl est un vieil homme né avant la fin de la ségrégation raciale et il lui apparait normal de traiter Nigger des afro-américains sans que ce soit raciste dans sa bouche (cf la scène du pneu) et pareil pour ses ouvriers mexicains. Alors oui il a un côté rétrograde mais c'est totalement moqué par Eastwood cinéaste. Et c'est tout à fait normal pour Earl d'employer des mexicains.

"Nigger", c'était déjà raciste pendant la ségrégation. Les gens en avaient juste rien à foutre d'être racistes.
Lis Wright ou Baldwin.

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"Je vois ce que tu veux dire, mais..."
"Je me suis mal exprimé, pardon."

Je dis pas le contraire. Pour te faire le topo d'une scène du film :

Continuer à utiliser "Niggers" dans l'Amérique actuelle, c'est au contraire super militant. Et Eastwood ne l'ignore pas.

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"Je vois ce que tu veux dire, mais..."
"Je me suis mal exprimé, pardon."

Dans le film, la scène est vraiment tournée avec dérision et Eastwood cinéaste condamne justement ce terme. Donc il est d'accord avec toi

Peut-être. Mais ce que tu décris, c'est au contraire une charge paternaliste contre le "politiquement correct", avec l'homme blanc qui aide ces grands enfants de nègres.

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"Je vois ce que tu veux dire, mais..."
"Je me suis mal exprimé, pardon."

Pas vu le film mais j'ai l'impression que le discours politique est assez "lisible" : Eastwood prend la défense des petites gens, en ayant l'air de dire que les mots qu'on emploie, et ce débat sur les mots, ont peu à voir avec les actes du quotidien, en même temps il laisse entrevoir casually la façon dont le mot va disparaître petit à petit des bouches (pas forcément des claviers, car c'est autre chose). Assez innocent finalement.

Après, je lis ailleurs que le terme utilisé n'est pas "nigger", mais "negro", qui est beaucoup moins connoté.

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"Je vois ce que tu veux dire, mais..."
"Je me suis mal exprimé, pardon."

Tu vois ça dans la scène que décrit Abyssin ?

L'utilisation de "niggers" par un vieux Blanc face à des Noirs désoeuvrés (j'imagine le sourire un peu ironique du personnage quand les Noirs lui disent de l'appeler "Blacks"), surtout de la part d'Eastwood qui râle tout le temps contre le politiquement correct, ça ne me paraît pas innocent une seconde.

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"Je vois ce que tu veux dire, mais..."
"Je me suis mal exprimé, pardon."

C'est plus cette partie de ton post qui me surprend. Je peux entendre l'autre partie de ton argumentaire même si je ne le vois pas comme ça dans la manière dont décrit Abyssin. Après il faut voir le film;