Epouvantable.
Tous les défauts déjà spectaculaires du précédent, multipliés par dix.
L’Entité, antagoniste au-delà des genres— ni un adversaire de thriller, ni de SF, ni de fantastique, dépourvu d’attributs clairs et de parti-pris d’écriture ou de mise en scène. Cette volonté d’absolutiser la menace, de la faire exister au-delà de tous les carcans, achève de complètement la diluer. Rien de valable, ni thématiquement (éternels poncifs de philo de Terminale L sur le libre arbitre), ni même diégétiquement pour pimenter l’intrigue : c’est uniquement le risque de la fin du monde, et mon Dieu comme personne dans ce film de trois heures ne rate la moindre occasion de le répéter. J’ai un peu galéré à cerner le pourquoi, au-delà d’une immense paresse intellectuelle, de cette menace quasi-spirituelle dans un tel univers. En fait c’est limpide : l’Entité est tout simplement le Lucifer du démiurge Hunt.
Hunt lutte lui aussi au-delà des dogmes, idéologies et frontières, au-delà de tous les cadres possibles et imaginables. Il lutte surtout dans un univers complètement mort, sans société, sans strates ni contrastes. Un monde qui se résume à des conversations à six ou sept d’un décor à un autre.
Souvenez-vous de MI:III et toute la séquence pour intercepter et remplacer Davian. Le jeu constant d’enjeux dans les enjeux, la sensation de suivre l’équipe alors qu’elle a les mains dans le cambouis et que le temps et l’étau se resserrent, les petits détails millimétrés qui contribuent au coup de maître final… Ici, le coup de maître, c’est Hunt, rien que Hunt, qui est d’ailleurs omniprésent— Hunt ou plutôt Cruise qui a phagocyté son personnage dans un film où il se suffit à lui-même, façon Kevin Costner dans les années 90. Démiurge du film chargé de corriger son erreur suprême, cet enfant rebelle né de ses choix, qui en incarne tout l’opposé, qui finit à la l’état de lumière emprisonnée. Hunt est son propre messie. Son propre prophète. TriniTom. Every soul on earth is his responsibility. Glauque.
A vrai dire, c’est surtout la narration qui pèche. Un fond glauque et gênant avec une forme pêchue de blockbuster qui tabasse, je prends. Mais non. C’est une putain de pièce de théâtre, on passe de scènes en scènes dans lesquelles tout le monde explique ce qui va se passer, avec en plus des flashforwards pour illustrer de manière redondante, tandis que d’autres posent des questions pour obtenir encore plus d’explications et de détails. Surécrit, surligné, sursignifié. Narration statique. Figée. Morte.
Mort comme donc le monde que Cruise est censé sauver, qu’on ne voit, ni ne sent jamais. Armaggeddon avait ses inserts d’Americana rockwellisante pour faire vivre le truc. Ici on a la masse, comme d’habitude. Susceptible d’être manipulée, qui doit toujours être protégée d’elle-même par une élite héroïque, courageuse physiquement, droite moralement. Et quand cette masse n’est pas manipulée, donc complice, elle n’est bonne qu’à servir de couverture à cette même élite qui s’y fond. On est vraiment dans quelque chose d’ouvertement anti-social. Fascinant à quel point le public se gorge d’un reflet de lui-même chargé de reproches mais aussi de bienveillance paternaliste mais toujours lointaine : for the ones we never meet, indeed. Quitte à faire du meta sur Cruise, autant aller jusqu'au bout et deviser sur le fantasme bizarre d'une célébrité d'être inconnue, invisible et bienveillante dans l'ombre, alors que sa réalité, pour des raisons qu'on ne rabachera pas, se situe vraisemblablement à l'exact opposé. Ca marche aussi. Des séquences spectaculaires par moments. Et Angela Bassett, quelle MILF.
Le pire de la série, talonné par le précédent. Nul sur la forme, complètement dérangé sur le fond.
_________________ Looks like meat's back on the menu, boys!
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