Forum de FilmDeCulte

Le film met en scène la vie d'une journaliste vedette de la télévision, prise dans une spirale d'événements qui entraîneront sa chute. Entre drame et comédie, France cherche à mettre en parallèle la crise intime et publique d'une jeune femme avec un tableau de la France contemporaine


Hormis ses comédies musicales sur Jeanne d’Arc, je ne goûte que très peu le virage vers la comédie prise par Dumont, préférant la première partie de sa carrière. Malgré sa relative discrétion à Cannes, France m’attirait pourtant par son pitch qui va totalement à l’encontre de ce que Dumont a l’habitude de faire. On pourrait naïvement croire que le film n’est qu’une satire des médias mais c’est tout sauf ça. Soyons clair, même si la description des médias est assez grinçante, on ne va rien apprendre de révolutionnaire sur le sujet et ce n’est pas du tout ce qui intéresse Dumont. Même si le cinéaste arrive à un mélange étrange entre le monde déconnecté des journalistes dans leur tour d’ivoire et la réalité présente dans leurs reportages.

Ce qui intéresse avant tout Dumont, c’est ce portrait de star, bimbo entre Laurence Ferrari et Léa Salamé, qui est un symbole de vide et de transparence et se rend compte du jour au lendemain que sa vie est d’un vide desespérant. Il suffit d’un déclic, celui d’un léger accident avec le scooter d’un jeune handicapé de banlieue. Livreur "Deliveroo" qui se retrouve sur le carreau pendant 3 mois et qui fait que sa famille va se retrouver dans la misère. L’immersion du réel dans la vie de France De Meurs, cette présentatrice star dont le monde n’est fait que d’artifices. L’histoire d’une égérie froide qui va se dégeler et devenir humaine. Pitch assez classique mais qui est ici transfiguré par le style de Dumont et une Léa Seydoux qui chope ici son meilleur rôle. La manière dont l’actrice donne de la profondeur et de l’épaisseur à cette Laurence Ferrari est remarquable.

Et ce qui donne du charme au film est la stylisation apportée par Dumont. Il y a un vrai travail de réflexion sur la mise en scène pour suggérer ce côté un peu irréel du monde journalistique avec une petite platine old school rigolote. Il faut voir toutes les scènes de voiture et l’utilisation de la musique entre spleen electro et Sigur Ros remarquablement utilisés. Et surtout, j’ai beau trouvé que le film aurait été parfait si il s’était terminé au retour du séjour en montagne, il y a vers la fin ce bijou de scène d’accident qui est parmi de ce que j’ai vu de plus beau au cinéma cette année. Pur trip cinématographique totalement planant, je n’en révélerais pas plus. Et vite fait sur les acteurs, ils sont tous très bien utilisés par Dumont, outre Seydoux, Gardin et Biolay héritent de très beaux rôles.

Plus qu’une satire sur les médias, France est le réveil à la vie d’une femme de glace qui chute de son piedestal et devient humaine. Le récit d’une femme du spectacle qui essaie de sortir d’un monde médiatique dans lequel elle s’est enferré et qui la détruit de l’intérieur. Et c’est tout simplement déchirant à l’écran. Vraiment un beau film.

4,5/6

Le ton et le scénario vont en laisser quelques uns sur le carreau et je ne saurais moi-même dire si cet opus de Dumont, auteur que j'aime beaucoup, est complètement abouti. Mais j'ai tout de même trouvé ça fort dans la manière de construire un personnage à la fois symptomatique de son époque et qui est capable de prendre des tangentes pour en sortir, le tout sans mélo ni optimisme déplacé()

Sur le cadrage du sujet, je pense néanmoins qu'en France, le problème numéro un du journalisme est l'éditorialisme de plateau, alors que le personnage de Seydoux va au moins sur le terrain. Mais l'importation des pratiques de mises en scène de soi anglo-saxonnes est peut-être amenée à prendre de l'ampleur dans les prochaines années. C'est juste que du coup, appeler le film "France" paraît douteux: est-ce bien une spécificité française?

Malgré le ton satirique, le film regorge de détails bien sentis, et par exemple le personnage de Blanche Gardin, géniale, est très convaincant, on dirait une attachée presse pour politiques mais qui se transpose parfaitement pour une journaliste star. Et bien sûr, Léa Seydoux est incroyable, je pense que c'est son meilleur rôle, elle est tour à tour touchante et agaçante, mais jamais on ne la hait, on ne comprend que trop bien la prison intérieure qu'est son désir de plaire.

Bien aimé aussi même si pas d'accord pour Blanche Gardin, je trouve son "rôle" très caricatural, aucun arc narratif c'est juste la comique de service qui vient "faire son truc", à répétition en plus ça devient très lourdingue sur la fin, ok ce qu'elle sait faire de mieux mais bon (cela dit ça permet de sourire un peu car le reste est assez dramatique...), j'ai aussi eu du mal avec les scènes "sur le terrain", en fait on y croît jamais, ils se baladent dans quelques ruines avec des explosions en sonore et quelques fumigènes, avec plus de budget (ou plus d'effort) on y aurait cru un minimum mais là c'est limite gênant (à la rigueur sur le bateau ça passe mieux...), l'action c'est clairement pas son truc, mais finalement le côté contemplatif du film l'emporte, ça reste du Bruno Dumont avec sa mise en scène qui sait prendre son temps, et plus le film avance plus on se rend compte que la fille s'est juste trompée de vie (avant le début du film), mariée avec un con qui se fout de tout (Benjamin Biolay, comme Gardin pile la gueule de l'emploi) et un fils idem, mais on finit sur une excellente scène (dans le Nord, of course) où Dumont lui accorde enfin la rédemption (à la toute fin de la scène, en nous faisant croire - deux fois - que ça n'arrivera pas, le gros malin), bref un beau film pas facile (sauf sur la satire des médias, ah, ah...), du Dumont quoi, voir d'ailleurs son interview sur Konbini dans le vidéo-club où il livre mine de rien les clés du film...

https://www.youtube.com/watch?v=5Xpi3bMk4LM

Merci, pas mal...

Il ne livre pas franchement le sens de la fin, mais vu son intérêt pour les personnages a priori irrécupérables qui gagnent un chouïa d'humanité, je resterai sur mon interprétation de la fin:

Il dit qu'il a fait des mauvais films, dommage qu'il dise pas lesquels.

Ce qui est marrant, c'est que la partie la plus intéressante de ce qu'il dit (cinéma-catharsis, où enjeux psychologiques et politiques s'opposent, l'art prenant en charge toute la psychologie du spectateur) rejoint celle du Kombini de Gaspard Noé, et que la rencontre se joue sur le cinéma italien.

Pas sûr qu'ils aient les mêmes références. Dumont cite Antonioni, j'imagine que celle de Noé sont plutôt à aller chercher du coté du Giallo (Argento, Bava, Martino...).

Dans mon souvenir Noé mentionnait Salo de Pasolini bien-sûr, mais, hors cinéma italien, aussi des trucs plus inattendus comme Bunuel ou Alain Cavalier...

Certaines des références de Dumont dans le doc Konbini m'ont tout autant surprise (Joker - non pas qu'il s'agisse d'une référence, mais il a apparemment beaucoup apprécié le film, Lacombe Lucien), même si vu les positions qu'il défend elles font sens.

J'étais sûr qu'il allait mentionner en 5 secondes que Louis Malle était du Nord.


...comme Philippe Noiret dans Coup de Torchon au passage.

Et la famille de Léa Seydoux est issue aussi de la région. Si un jour il tourne un biopic sur Yourcenar avec Eden Hazard je ne serai pas surpris.

Noé et Dumont partage bien certaines inspirations, comme Dreyer je pense. Mais au final c'est très différent, dans ce que je ressens, y a toujours un coté fake et forcé chez Noé, très post-moderne, là où Dumont travaille plus sur un coté très premier degré, une certaine innocence; d'ailleurs sa posture en début de carrière c'est qu'il n'est pas du tout cinéphile, là où Noé semble direct dans une parodie/hystérisation d'un geste moderne à la Pasolini par ex., il n'accède jamais au réel, tout est déjà sous format de cinéma digéré par de glorieux ancêtres, hors territoire, là où Dumont se force à chercher le réel (les acteurs amateurs, l'implantation nordiste et ses paysages par ex.).
(bref y en a un des deux que je préfère assez largement... mais j'ai pas encore vu France).

En même temps il ne cache pas, et c'est sa force, que cette innocence est fabriquée, propre au cinéma. Noé au contraire essaye de faire dans ses films la négation d'une innocence qu'il perçoit comme le caractère spontanément moraliste et menteur du réel (il doit identifier le réel à une idéologie pour s'en séparer). Les valeurs mobilisées sont comparables mais leur circulation opposée (à vrai dire leurs deux cinémas me touchent peu et je le connais mal, même si leur Kombini sont intéressants, comme celui de Beatrice Dalle d'ailleurs).

Bruno Dumont est un réalisateur dont j'estime le travail mais je trouve totalement délirant l'accueil que reçoit certains de ses films. C'est le cas ici avec France, version roman-photo de Michael Kael contre la World News Company qui a ses bons moments - Léa Seydoux trouve là l'un de ses meilleurs rôles et j'aime beaucoup la scène finale (enfin si mes souvenirs sont bons, quand elle se retrouve en reportage sur un fait divers. Mais c'est totalement auto-indulgent, trop long, trop signifiant, trop volontairement nul par séquence... Et les acteurs - dirigés à l'oreillette - ne jouent pas tous dans le même film, certains au premier degré, d'autres au second, et encore d'autres ne savent pas jouer, ce qui me dérange toujours chez Dumont (mais ça fait grand style parait-il). Enfin bref... Je ne suis pas énervé par le film, il m'en reste quelque chose, surtout cette esthétique bizarre. Mais pas la critique évidente du journalisme totalement déjà vue 100 000 fois, tu parles d'une audace.

2/6

vu que ce n'est pas le vraiment le sujet du film et que Dumont s'en fout comme de sa première chemise, normal que tu sois déçu.
Plus sérieusement, les gens qui croient aller voir un film sur les médias, passez votre chemin.

Hmm bah c'est quand même le scénario qui creuse ce thème quand même...

Karloff a raison. Mais un certain journalisme à sensation s'est tellement dégradé dans la personnification que je trouve assez justifié de refaire un film dessus.



Si tu penses ça, c'est étonnant que tu n'aimes pas davantage le film tant elle EST le film, pas une séquence qu'elle ne porte sur ses épaules.