Il est étonnant ce NWR.
Incroyablement versatile, il a beau situer l'action de ce film à nouveau dans le monde criminel, son approche, tant thématique qu'esthétique, n'a que peu de choses à voir avec le réalisme des PUSHER, si ce n'est encore une fois une énergie absolument folle, peut-être même plus, qui m'a cloué par terre dès le début, et qui s'allie ici à une mise en scène plus visible, plus proche de celle de FEAR X - avec ses cadres carrés, très composés, ses rouges sang - dont il retrouve le chef op, Larry Smith, ancien membre de l'équipe de Stanley Kubrick (sur Barry Lyndon, Shining et Eyes Wide Shut).
Une collaboration qui n'est très certainement pas le fruit du hasard, si on pense évidemment à Orange mécanique pour tout ce qui touche à ce protagoniste ultra-violent et son parcours vers une potentielle transformation, c'est également dans les cadres qu'on pense à l'illustre cinéaste, notamment toutes ces pièces aux lignes de fuite mises en exergue (les cellules, les couloirs, le gigantesque hall de l'asile psychiatrique, la scène de théâtre). A ce titre, Refn regorge d'idées, tant dans le fond que dans la forme, et signe un biopic qui ne ressemble à aucun autre.
Après avoir fait un tour sur la page Wikipédia du véritable Michael Peterson (aka Bronson), je fus étonné de constater que Refn et son coscénariste avait choisi d'ommettre certains des faits d'armes les plus abracadabrantesques du "prisonnier le plus violent du Royaume-Uni" (des prises d'otages avec des demandes de fou, une conversion à l'Islam avant de le renoncer) mais l'auteur ne cherche pas l'exhaustivité. Et c'est tant mieux. Plutôt que de suivre les sentiers battus du genre et de la personne réelle, Refn dévoue sa narration à l'illustration de la quête de Peterson : la célébrité, et comment y parvenir.
Et c'est en ça que le film est vraiment épatant. Peterson avait le don pour savoir se mettre en scène (rien que la moustache, déjà) et Refn va encore plus loin, et symbolise ça par des passages où Tom Hardy - extraordinaire de bout en bout - s'adresse directement à la caméra, ou carrément à un public, tantôt stand-up comedian loufoque, tantôt Monsieur Loyal déjanté, représentations de sa plus pure subjectivité, comme le monologue intérieur d'un mec qui a passé 25 des 30 années d'emprisonnement de sa vie en isolement, nous présentant l'oeuvre de sa vie.
Le film a presque pour thèse que Peterson n'était autre qu'un performance-artist dont l'art était la violence (et Refn donne à chaque "combat", chaque explosion de violence, une sorte de chorégraphie), seul moyen d'expression que le bonhomme a trouvé pour se faire un nom (et encore, un nom qu'il a dû piquer à une vraie célébrité). Bronson est plus à l'aise en prison parce qu'il lui y est plus facile d'y exercer son art. Et même quand on l'enferme chez les fous, sa volonté ne se manifeste pas par un artifice de biopic du genre (comme dessiner, ce qui lui arrivera après) mais par une tentative de meurtre. C'est comme ça qu'il s'exprime.
Ce parallèle est rendu littéral par le dernier acte où, sous l'égide d'un prof gay (comme c'est le cas apparemment pour tous les simili-mentors de Bronson dans le film, son Oncle Jack, son promoteur de boxe), Bronson trouve un exutoire plus apaisé dans le dessin mais le papier se fait très vite trop restreint pour son expressivité et une fois de plus, il retournera vers son performance-art à lui, en s'en prenant au dit prof, non sans s'être auparavant peint tout en noir, prenant alors l'allure d'une statue de bronze, devenant oeuvre d'art lui-même.
Je trouve que Refn atteint vraiment quelque chose ici, une plus grande maîtrise de la forme ainsi qu'une plus profonde exploration thématique, qui le font passer au stade supérieur. Le film n'est pas parfait et la structure se fait parfois décousue, avec de petits coups de mou, mais dans l'ensemble, c'est très fort.
Et puis c'est super drôle comme film.
5/6
Quant à Hardy...c'est marrant, j'avais (forcément) pas fait gaffe à lui dans les casts de soldats de Band of Brothers et Black Hawk Down, et j'avais effacé de ma mémoire le sinistre Star Trek Nemesis...c'est dans le tout pourri Attraction fatale que je l'ai remarqué pour la première fois, avec sa tronche de petit connard, puis dans Layer Cake et Rock'n'Rolla...et j'avais raté ce film-ci - qui est évidemment LE film de la révélation - passant directement à Inception...mais maintenant, je comprends pourquoi George Miller en a fait son nouveau Mad Max...et je me demande même s'il ne va pas égaler la performance de Heath Ledger quand on le verra à son tour en méchant de Batman l'an prochain.
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