Müller a écrit:
https://www.britannica.com/topic/list-o ... rs-2060492Liste d'auteurs (au sens large) américains, de l'époque coloniale à nos jours. Plutôt bien équilibré en termes de parité. La plupart des hommes, et encore plus de femmes sont oubliés, c'est à dire pas lus couramment, au mieux par des chercheurs. D'autres ne sont carrément pas réédités, ni étudiés. Sans doute parce que leur travail n'a strictement aucun intéret, de la même manière que personne dans 200 ou 300 ans ne lira les publications Harlequin, la chick-lit ou la fantasy et la SF tumblr de 2019.
Je n'ai jamais trouvé particlièrement inimaginable que l'apport culturel féminin dans ce domaine là ait été à la fois constant, volumineux
et en même temps pas très intéressant au-delà de la période de publication, contrairement aux classiques (Brontë, Austen, Dickinson etc.) qui ne le sont pas pour rien. L'idée de l'invisibilisation des femmes dans la culture, pour moi c'est du conspirationnisme complètement infondé. Une pure vue de l'esprit, basée sur rien d'autre qu'un constat qui peut être expliqué beaucoup plus simplement que par un verrouillage patriarcal particulièrement habile et efficace... dont on n'a, encore une fois, aucune trace, donc niveau historicité c'est du même ordre que les chevaliers de la table ronde.
Ensuite, là où je trouve qu'Alice Coffin jump le shark dans son militantisme, c'est que sa focalisation sur la soi-disant "invisibilisation" des femmes dans la culture invisibilise vraiment pour le coup leur présence écrasante dans la majorité des fonctions publiques, dans les domaines du soin, du social, de l'éducation, de l'administratif, et ce à tous les niveaux. Depuis plusieurs décénnies, les Français (et pas que) sont gérés par une machine sanitaire, sociale et administrative, de l'accouchement jusqu'à la mort, au sein de laquelle "les femmes" sont sur-représentées : sage femme, infirmière de PMI, maîtresse en maternelle + primaire, majorité des profs en collège + lycée + fac (un peu plus de mecs dans les filières pro + SEGPA, les plus pourries dans l'imaginaire collectif), dans les préfectures, les ministères, les tribunaux, la CAF, la sécu. Les seuls endroits où tu es sûr à 99% d'être reçu, entendu, renseigné par un mec, c'est dans un commissariat, un lieu de culte ou un club de grappling. Et encore.
Ca, par contre, c'est pas une vue de l'esprit. C'est un fait. Quand un groupe a la main-mise sur autant d'aspects déterminants
à l'extrême du quotidien de millions de gens, venir s'exciter parce que ce groupe est sous-représenté dans les domaines de la consommation culturelle de masse (ou non), je trouve ça insensé. Complètement insensé.
Je vais essayer de répondre point par point mais on se disperse pas mal... (bon en fait j'avais commencé à rédiger un truc puis j'ai regardé un film qui dénonce la masculinité toxique,
Contratiempo, et je vois que ça a avancé sans moi).
1. Déjà, la littérature me semble être un art particulier dans le sens où on peut le produire tout.e seul.e (sic) chez soi. Et je ne serais pas étonné si des statistiques un peu plus étayées que ton analyse rapidos concluent que c'est l'art le moins déséquilibré en la matière (moi aussi je balance des trucs comme ça).
Quant à tes conclusions essentialistes comme quoi les hommes produiraient nécessairement de la meilleure littérature, plus durable, je te laisse en discuter avec Abyssin.
Toujours est-il que le femmes sont sous-représentées chez les réalisateurs (hey, je vous venir sur le fait que je ne maintiens pas l'écriture inclusive), que les actrices ont un âge de péremption, et on pourrait continuer... Est-ce que tu pourras trouver des contre-exemples? Bien sûr. Est-ce que ça prouvera que les effets du patriarcat ne sont pas réels? Je ne pense pas.
Et pour moi c'est ça le sujet: comment on peut permettre à terme que le critère du sexe et du genre n'en soit plus un, de critère, plus une conséquence sociale sur ce type de débouché. Et je pense que nos productions artistiques nous conduiront alors vers un nouvel âge égalitaire plein de respect et d'amour.
2. Sur l'invisibilisation des femmes. Je crois que personne ne prétend que les Hommes Puissants se réunissent dans un Conseil pour évincer les femmes des productions artistiques ou bruler les livres les DVD... Mais il s'agit d'un aspect systémique, complexe, diffus, parfois surévalué je suis d'accord (je me rappelle d'un truc qui avait tourné comme quoi les femmes étaient plus petites que les hommes parce qu'à la Préhistoire, les hommes faisaient main basse sur la bouffe... ce qui est trèèès loin de faire consensus chez les anthropologues). Mais je ne crois pas que repousser le sujet d'un geste de la main soit la bonne démarche.
D'ailleurs, comme tu es branché prono (cadaeau), comment vois tu le fait que le production soit essentiellement tournée vers un public d'hommes? Ca te pose pas question ?
3. Pour ce qui est de la présence des femmes dans les métiers du "soin"
Ma femme bosse à la sécu. Dans son équipe, les agents sont à 80-90% des femmes. Mais bizarrement, plus on monte dans la hiérarchie (donc dans les niveaux de diplômes), plus la parité s'équilibre... Ne penses-tu pas qu'il y aurait un effet systémique par hasard?
Ensuite, il y aussi je pense un aspect historique: tous ces métiers, qui sont parfois des taches historiquement effectuées ou associés aux femmes, l'étaient de manière informelle, non rémunérée. Donc, encore une fois: le poids de l'histoire.
Tu me diras que les "productifs du bas de l'échelle" chez les hommes se retrouvent dans le BTP, les éboueurs, ou autre. Mais bon, si on regarde en haut, toujours pareil: une majorité d'hommes dans le fonctions de direction, dans les CA... Ca me parait
insensé de ne pas le voir.
Et encore, je te sors pas le laïus sur les taches ménagères et la conciliation vie pro / vie perso.
Mais là encore, je ne suis forcément à fond avec Coffin, et comme Ruffin je considère par exemple qu'il vaut mieux augmenter les salaires des femmes de ménage que de viser 50% d'hommes dans des métiers dévalués (même si personne ne dit ça). Bref, la question sociale, encore et toujours (salut Lohmann).
4. Sur les attaques sur le milieu culturel. Effectivement, j'ai déjà lu ce type de critiques, comme quoi s'attaquer au milieu culturel plutôt qu'au CAC40 serait une stratégie étrange, et dénoterait d'une relative déconnexion, et aurait des effets assez faibles au final.
Ca ne me semble pas infondé.
Malgré tout, le patriarcat a des ramifications partout dans notre société, je ne vois pas le problème de réfléchir, de travailler autour de ça, pour faire évoluer les choses. Bref: vive la France.