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MessagePosté: 03 Jan 2014, 12:34 
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Mr Chow a écrit:
En fait, j’ai le sentiment que le transcendant quand tu en parles ici dans un contexte religieux, tu le rapportes directement à une (on) idée de l’art qui serait nécessairement une élévation

Mais non, le transcendant ne suppose pas nécessairement une élévation.

Mr Chow a écrit:
avec ce regard condescendant vers tout ce qui peut-être considéré comme de la faiblesse d’ambition ou de considération pour son moyen d’expression. J’ai du mal à me faire de l’art un sujet aussi grandiloquent, mais tu vas dire que je suis en plein dans le relativisme. Reste que j'ai trouvé ton texte violent :)

Le film représente aussi tout ce que je déteste, alors ca se justifie :|.

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MessagePosté: 03 Jan 2014, 12:49 
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Passionnant comme discussion à suivre. Je ne suis pas sûr d'avoir les compétences, l'instruction, la culture nécessaire pour pouvoir y participer, et je suis certain de ne pas maîtriser tous les concepts qui traversent le fil. Mais ça m'intéresse vachement.

Trois questions :
1. en quoi est-ce que la question de la foi est "objectivement désincarné" dans le film ?
2. en quoi est-ce que la poésie Haïku ne pourrait-elle pas être transcendente?
3. Un homme laïque ne pourrait-il pas faire un film (un objet film profane) qui raconte le rapport au sacré et les dilemmes religieux de moines trappiste ?
The Scythe-Meister a écrit:
Et comment le film pourrait parler d'autre chose que de la religion chrétienne ? Le seul enjeu du film, c'est le dilemme religieux : en tant qu'hommes de Dieu, quelle doit être la décision de ces moines dans la situation présentée ? Elle est impossible à traiter en dehors de la question de la foi. Et en l’occurrence, le film est entièrement vide en dehors de cette question (ce n'est pas comme si Beauvois assumait une alternative). Et il est encore plus vide quand il faillit à incarner cette question.

Beauvois se penche quand même sur la particularité de ces moines trappistes-là. Expression très singulière du christianisme. Le film prend pas mal de temps à incarner leurs choix de vie, leur choix de place dans le monde, leur ministère et les devoirs et rituels qui l'accompagnent qui sont des manifestations de leur croyance, de leur foi, justement. Le film laisse un certain temps à l'expérience de ces choix, à la façon dont les moines se consacrent à cette vie, évidemment dans une incarnation matérielle et prosaïque, mais le film créé néanmoins ce temps-là. Je ne vois pas bien comment on peut faire abstraction de ce choix de vie et de la mise en scène de cette vie monacale qui naît de la foi, mais qui est aussi une matérialisation (une forme) très violente de la foi (à la base un renoncement et un voeu d'amour très puissant) qui n'a rien avoir avec le simple croyant chrétien.

La question principale dramatisée est tout de même la question du départ (en soi, ce n'est pas une question de foi, mais une question pratique de survie individuelle et collective, d'éviter le danger et la mort possible). Mais ce qui est mis en scène finalement et formaliser par Beauvois c'est le questionnement de quitter leur choix de vie, leur place dans le monde, leur ministère et leur devoir, d'abandonner une idée à laquelle ils se sont donnés solennellement, de renoncer à une vision à laquelle ils se sont promis, de rompre les rituels qui régissent leur vie et qui leur permettent de vivre leur foi. Leur foi est mis à l'épreuve dramatiquement. Mais formellement, le monde ritualisé et sacralisé des moines est mis en scène et formalisé aussi. Le temps que le film créé, ce temps particulier du moine trappiste et du monastère comme lieu de vie est plutôt bien mis en scène, je trouve. Et ce rapport au temps n'est pas autre chose qu'un rapport à la finitude et donc par conséquent pour les moines une question de foi. Donc le film, dans sa forme, ne faillit pas, je crois, à incarner cette question.

Par ailleurs je ne pense pas, effectivement que le film soit une grande oeuvre d'art sur la question de la foi.

The Scythe-Meister a écrit:
parce qu'une question en art est subie, elle surgit "malgré soi", elle est nécessairement transcendante, et l'artiste y répond par la forme.
Et le film est la preuve effective de l'échec essentiel de toute autre attitude : le film est prosaïque, relativiste, matérialiste et conventionnel, les caractéristiques de l'art post-moderne vidé de sa dimension sacrée, ou transcendante, ou quel que soit le nom qu'on lui donne, de l'art vide réduit à sa fonction sociale et économique (dans un système prosaïque, relativiste, matérialiste et conventionnel, etc.).

Je trouve ça très radical, mais j'aime bien. Le film de Beauvois n'est pas une oeuvre d'art sacrée d'accord. Mais je ne pense pas que ce soit son intention, ni de faire de l'art, ni de donner au film une dimension sacrée. Pour Beauvois, le cinéma n'est pas un art sacré. Est-ce qu'on peut lui reprocher ce rapport en traitant une histoire comme celle-là ? Est-ce qu'on peut être déçu de ce qui naît du rapport d'un homme profane à un enjeu vital pour des hommes de foi ? Est-ce que l'absence d'un rapport sacré de Beauvois au cinéma et à son "art" empêche de toucher à la question de la foi et du sacré pour ces moines-là et donc par là-même à la question de la foi tout court ?

Mr Chow a écrit:
Donc l'art serait foncièrement transcendant? Et pour des formes comme la poésie Haïku? Celui-ci va ramener s'il est réussi son lecteur à un état de sensation de perception direct, qui a un effet certes percutant, mais est-ce qu'il aura proposé un dépassement. N'est-ce pas plutôt un retour, un arrêt, une réappropriation de ce "qui est là"? Pas si simple.

Je ne comprends pas bien en quoi ramener un lecteur à un état de perception direct serait contradictoire avec la transcendance ? Donner une forme (aussi rigoureuse que celle de la poésie Haïku) n'est-ce pas déjà une tentative de dépassement de ce "qui est là" ? Pour aboutir peut-être à un retour, ou un arrêt, ou une réappropriation, mais comme un passage, dans un mouvement perpétuel entre élévation, dépassement et retour à ce "qui est là", finalement transfiguré ?


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MessagePosté: 03 Jan 2014, 14:06 
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The Scythe-Meister a écrit:
Mais non, le transcendant ne suppose pas nécessairement une élévation.


A tout le moins un dépassement, un accès à "autre chose"?... J'ai quand même la sensation que tu emplois le terme dans une certaine idée d'atteindre quelque chose de supérieur, l'artiste au-delà des limites (voir l'art comme puissance même?)

Harry White a écrit:

Mr Chow a écrit:
Donc l'art serait foncièrement transcendant? Et pour des formes comme la poésie Haïku? Celui-ci va ramener s'il est réussi son lecteur à un état de sensation de perception direct, qui a un effet certes percutant, mais est-ce qu'il aura proposé un dépassement. N'est-ce pas plutôt un retour, un arrêt, une réappropriation de ce "qui est là"? Pas si simple.

Je ne comprends pas bien en quoi ramener un lecteur à un état de perception direct serait contradictoire avec la transcendance ? Donner une forme (aussi rigoureuse que celle de la poésie Haïku) n'est-ce pas déjà une tentative de dépassement de ce "qui est là" ? Pour aboutir peut-être à un retour, ou un arrêt, ou une réappropriation, mais comme un passage, dans un mouvement perpétuel entre élévation, dépassement et retour à ce "qui est là", finalement transfiguré ?


Je ne crois pas qu'un Haïku transfigure personnellement, c'est un art qui permet une connexion avec une parcelle très fine de ce qui est sous nos yeux, en l’occurrence ce qui s'échappe perpétuellement. C'est une sorte de photographie presque dans les interstices, mais "tout est là". Surtout elle ne cherche pas de style personnel dans l’exécution il me semble, son esthétique n'est pas guidé par ça, même si en fin de compte, le potentiel créatif se déploie pleinement (un art et une méthode, un "processus" pour reprendre Hong Sang-soo en ciné contemporain tient!).
La règle du nombre de syllabes pour les trois vers est strict, celle du mot saison aussi si on s'y tient, mais la concentration là-dessus et sur l'instant permet une courte transe dans l'écriture... On dirait peut-être chez nous que c'est panthéiste ce "tout est là". Sans faire une pure correspondance, si on associe le haïku au bouddhisme zen, la vacuité est également pas loin, et là c'est un concept qui tient encore moins de la transcendance je dirais....
On pourrait parler de la peinture et de la calligraphie chinoise aussi, des "vides et des pleins", du vide comme espace disponible, ce qui serait plutôt taoïste ici, et encore une fois peu transcendant puisque c'est une cosmologie qui intègre l'accord des contraires et des éléments...


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MessagePosté: 03 Jan 2014, 16:04 
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Merci pour ces éclairages.
Mr Chow a écrit:
Je ne crois pas qu'un Haïku transfigure personnellement, c'est un art qui permet une connexion avec une parcelle très fine de ce qui est sous nos yeux, en l’occurrence ce qui s'échappe perpétuellement. C'est une sorte de photographie presque dans les interstices, mais "tout est là". Surtout elle ne cherche pas de style personnel dans l’exécution il me semble, son esthétique n'est pas guidé par ça, même si en fin de compte, le potentiel créatif se déploie pleinement (un art et une méthode, un "processus" pour reprendre Hong Sang-soo en ciné contemporain tient!).

Mais de ce "tout est là", la poésie Haïku, pour moi, dans mon rapport au vers, transcende précisément ce "qui est là". Dans le sens où je fais l'expérience, à travers une forme précise et rigoureuse, d'une expérience qui dépasse complètement "ce qui est là". Ou comme tu dis, on fait l'expérience d'une connexion avec ce qui nous échappe perpétuellement. La transcendance dans l'art serait peut-être précisément cela, la mise en forme de ce "qui est là" qui ferait apparaître ce qui nous échappe, ce qui ne peut être là autrement que par l'art qui le créé. On pourrait faire une analogie avec le travail et la poésie de Ponge qui s'acharne sur ce qui est là, un objet et une langue, mais qui finit à force d'acharnement à transcender par la langue l'objet qu'il écrit par exemple. La figue est là, la langue de Ponge est là, mais ce qui résulte de son art est au-delà de la figue et de la langue...

Mr. a écrit:
On dirait peut-être chez nous que c'est panthéiste ce "tout est là". Sans faire une pure correspondance, si on associe le haïku au bouddhisme zen, la vacuité est également pas loin, et là c'est un concept qui tient encore moins de la transcendance je dirais....

La vacuité dont j'ai l'impression que tu parles n'est-elle pas justement une forme de transcendance dans le bouddhisme, un dépassement de ce "qui est là", du soi, de ce qui est ?
Je ne connais pas bien le bouddhisme zen, et ma culture personnelle est fortement imprégnée par l'histoire judéo-chrétienne et la philosophie grecque et occidentale,... tout ça très loin donc du bouddhisme.
Encore une fois, je ne suis pas du tout spécialiste dans le domaine, et je ne maîtrise pas bien tous ces concepts. Mais ça m'intéresse vraiment. D'où les questions.


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MessagePosté: 04 Jan 2014, 03:05 
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Harry White a écrit:
3. Un homme laïque ne pourrait-il pas faire un film (un objet film profane) qui raconte le rapport au sacré et les dilemmes religieux de moines trappiste ?

Je crois avoir répondu cette question plus haut.

Harry White a écrit:
Le film laisse un certain temps à l'expérience de ces choix, à la façon dont les moines se consacrent à cette vie, évidemment dans une incarnation matérielle et prosaïque, mais le film créé néanmoins ce temps-là. Je ne vois pas bien comment on peut faire abstraction de ce choix de vie et de la mise en scène de cette vie monacale qui naît de la foi, mais qui est aussi une matérialisation (une forme) très violente de la foi (à la base un renoncement et un voeu d'amour très puissant) qui n'a rien avoir avec le simple croyant chrétien.

Mais précisément : à quel moment le film dépasse la simple monstration ? La représentation matérialiste du fait ? A quel moment l'évidence que ce choix soit un choix de foi est-il incarné par la mise en scène, l'écriture ou la forme ?

Harry White a écrit:
La question principale dramatisée est tout de même la question du départ (en soi, ce n'est pas une question de foi, mais une question pratique de survie individuelle et collective, d'éviter le danger et la mort possible).

Mais ça ne peut pas être une question pratique. Comment penser ce dilemme en dehors du fait que ce sont des hommes de Dieu ? C'est la société matérialiste athée qui veut voir en eux des hommes puis des hommes en société puis des hommes de Dieu. Le fait que la caméra de Beauvois puisse épouser cette perception est indigente.

Harry White a écrit:
Mais ce qui est mis en scène finalement et formaliser par Beauvois c'est le questionnement de quitter leur choix de vie, leur place dans le monde, leur ministère et leur devoir, d'abandonner une idée à laquelle ils se sont donnés solennellement, de renoncer à une vision à laquelle ils se sont promis, de rompre les rituels qui régissent leur vie et qui leur permettent de vivre leur foi.

Je ne suis pas sûr que cela soit ce que le film montre, comme si l'existence dans la foi se constituait uniquement dans un choix de vie (les choix de vie, c'est un truc de nos sociétés capitalistes post-modernes) et la matérialité du rituel (là encore, je ne prétends pas y connaître grand-chose, mais il me paraît évident que c'est l'inverse, que c'est la foi qui détermine le rituel là où la société ne veut voir que le dogme, sinon comment pourrait-il avoir un sens). La foi n'est pas une question de solennité ou de dogme.
Mais si le film montre vraiment cela, il est tout à fait conforme à ce que j'ai décrit plus haut et donc tout à fait craignos.

Harry White a écrit:
Mais formellement, le monde ritualisé et sacralisé des moines est mis en scène et formalisé aussi.

Il est matériellement montré. Il ne suffit pas de mettre des scènes de chant toutes les 15 minutes et de faire des plans fixes pour mettre en place une forme et encore moins une temporalité. Il n'y aucune temporalité particulière au film : c'est juste un film lent et mal structuré comme tant d'autres. Il y a bien un joli plan fixe de temps en temps, mais à ce compte-là...

Harry White a écrit:
Et ce rapport au temps n'est pas autre chose qu'un rapport à la finitude et donc par conséquent pour les moines une question de foi.

J'ai pas compris le lien.

Harry White a écrit:
Est-ce qu'on peut lui reprocher ce rapport en traitant une histoire comme celle-là ?

Oui. Quand on n'est pas près à traiter vraiment un sujet, on s'abstient.

Harry White a écrit:
Est-ce qu'on peut être déçu de ce qui naît du rapport d'un homme profane à un enjeu vital pour des hommes de foi ?

Quand ce qui naît, c'est "rien", oui. Mais c'est valable pour tous les sujets.

Harry White a écrit:
Est-ce que l'absence d'un rapport sacré de Beauvois au cinéma et à son "art" empêche de toucher à la question de la foi et du sacré pour ces moines-là et donc par là-même à la question de la foi tout court ?

Ce n'est pas ce que j'ai cherché à dire mais c'est probablement vrai : il faut une vision haute de l'art pour parvenir à rendre compte par l'art de la spiritualité du monde (ou de son absence, d'ailleurs).

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MessagePosté: 04 Jan 2014, 10:41 
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Harry White a écrit:
Mais de ce "tout est là", la poésie Haïku, pour moi, dans mon rapport au vers, transcende précisément ce "qui est là". Dans le sens où je fais l'expérience, à travers une forme précise et rigoureuse, d'une expérience qui dépasse complètement "ce qui est là". Ou comme tu dis, on fait l'expérience d'une connexion avec ce qui nous échappe perpétuellement. La transcendance dans l'art serait peut-être précisément cela, la mise en forme de ce "qui est là" qui ferait apparaître ce qui nous échappe, ce qui ne peut être là autrement que par l'art qui le créé. On pourrait faire une analogie avec le travail et la poésie de Ponge qui s'acharne sur ce qui est là, un objet et une langue, mais qui finit à force d'acharnement à transcender par la langue l'objet qu'il écrit par exemple. La figue est là, la langue de Ponge est là, mais ce qui résulte de son art est au-delà de la figue et de la langue...


Je me suis mal fait comprendre en utilisant le mot perpétuellement, je souhaitais plutôt dire que c'est une forme d'art qui ramène à "ce qui est là mais ce sur quoi on ne s'arrête pas (plus?)", dans l'enchaînement des pensées. La transcendance au fond, si on la voir vers une projection vers autre chose, elle existe en permanence du seul fait de conceptualiser le monde, de l'ordonner dans son quotidien, par le langage notamment.

Harry White a écrit:
La vacuité dont j'ai l'impression que tu parles n'est-elle pas justement une forme de transcendance dans le bouddhisme, un dépassement de ce "qui est là", du soi, de ce qui est ?
Je ne connais pas bien le bouddhisme zen, et ma culture personnelle est fortement imprégnée par l'histoire judéo-chrétienne et la philosophie grecque et occidentale,... tout ça très loin donc du bouddhisme.
Encore une fois, je ne suis pas du tout spécialiste dans le domaine, et je ne maîtrise pas bien tous ces concepts. Mais ça m'intéresse vraiment. D'où les questions.


Pas de dépassement, pas de nihilisme non plus dans la vacuité, c'est sans doute faire l'expérience qu'on est au milieu d'un tout mais c'est super difficile à décrire, et je ne suis pas bouddhiste même si je m'y suis intéressé, je suis moins métaphysique... c'est transcendant (et faussement si on en croit ceux qui méditent au quotidien en ce sens) si on en fait l'expérience pour la première fois peut-être.

Après tu essayes de ne plus bouger, de laisser passer tes pensées sans t'arrêter dessus, de te concentrer sur ta respiration, tu vas déjà changer d'approche du monde. Pour reprendre l'hypnothérapeute François Roustang, si tu t'assied dans un fauteuil, et que tu te concentres uniquement sur le fait de trouver la position adéquat, ce sera également le cas... Ce sont des formes d'art qui se rapporte à ça pour moi, ça se positionne, avec raffinement certes, dans quelque chose d'immédiatement accessible. La calligraphie chinoise qui inclut la posture du corps fondamentalement dans son exécution témoigne vraiment d'un rapport très fort à l'immédiat. Là encore c'est quelque chose qui s'expérimente, en en parlant, on en sort déjà beaucoup.
Francis Ponge, je connais très peu, j'ai lu juste un recueil il y a bien longtemps, mais il y a aussi en occident une forme de poésie qui va s'arrêter ou chercher sur ce qui est le plus immédiat, sans aucun doute, parfois paradoxalement? Jean-François Billeter, le sinologue, et Roustang justement, se réfèrent souvent aux textes d'Henri Michaux dans leurs livres.


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MessagePosté: 06 Jan 2014, 00:28 
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The Scythe-Meister a écrit:
Mais précisément : à quel moment le film dépasse la simple monstration ? La représentation matérialiste du fait ? A quel moment l'évidence que ce choix soit un choix de foi est-il incarné par la mise en scène, l'écriture ou la forme ?

Je comprends mieux ce que tu veux dire. Je crois qu'il y a une tentative par l'attachement au rituel. Mais qui a du mal à dépasser la simple illustration, ou en tout cas qui reste insuffisante.

The Scythe-Meister a écrit:
Mais ça ne peut pas être une question pratique. Comment penser ce dilemme en dehors du fait que ce sont des hommes de Dieu ? C'est la société matérialiste athée qui veut voir en eux des hommes puis des hommes en société puis des hommes de Dieu. Le fait que la caméra de Beauvois puisse épouser cette perception est indigente.

Je ne trouve pas que la caméra de Beauvois épouse cette perception. La caméra de Beauvois par contre ne fait "que" les montrer comme hommes de Dieu, sans parvenir (et peut-être même sans chercher) à questionner qu'est-ce que "être homme de Dieu". Il faut dire que la dramaturgie du scénario laisse peu de place à cette question. Mais je trouve que c'est davantage le scénario qui épouse cette perception que la caméra de Beauvois.
The Scythe-Meister a écrit:
comme si l'existence dans la foi se constituait uniquement dans un choix de vie (les choix de vie, c'est un truc de nos sociétés capitalistes post-modernes) et la matérialité du rituel (là encore, je ne prétends pas y connaître grand-chose, mais il me paraît évident que c'est l'inverse, que c'est la foi qui détermine le rituel là où la société ne veut voir que le dogme, sinon comment pourrait-il avoir un sens). La foi n'est pas une question de solennité ou de dogme.

Je ne dis pas que l'existence dans la foi se constitue uniquement dans un choix de vie. Je dis simplement que dans le film ici, on est face à un choix de vie très particulier (qui pour le coup n'est pas du tout un truc de nos sociétés capitalistes post-modernes). Et s'il est évident que la foi détermine le rituel, les moines trappistes font un choix de vie précisément ritualisé. Ils se donnent des dogmes et des rituels pour vivre leur foi. Il y a un choix matériel très radical qui naît de leur foi, qui est un signe de leur foi, pour eux-mêmes et pour le monde.

Par ailleurs, ce que je voulais dire sur la temporalité du film, c'est que Beauvois m'a semblé vouloir mettre en forme la temporalité de la vie interne d'un monastère trappiste et structurer sa mise en scène autour de cette vie ritualisée. Et cette temporalité, effectivement "montrée" ou "illustrée" par Beauvois, est un paradoxe en soi. Signe d'une foi violente qui se veut inébranlable, mais aussi signe de la reconnaissance de sa possible finitude. Entrer dans les ordres c'est faire un voeu et puis sans cesse le renouveler. C'est en ce sens que je faisais un lien entre la temporalité, la finitude et la foi. Je n'ai pas du tout envie de défendre le film coûte que coûte, loin de là, c'est plus que ce sont des questions qui m'intéressent, mais l'attachement de Beauvois aux rituels n'est pas juste une séquence de chant toutes les 15 minutes, pour moi. Il revient au voeu. Au renouvellement de l'expression de la foi, à la reconnaissance de sa limite.
Ce que je regrette, c'est effectivement que ce n'est pas la caméra de Beauvois ou son regard qui questionne cette vie (elle en fait la simple monstration comme tu dis) mais la dramaturgie scénaristique. C'est effectivement "la pauvreté" du film.

Tu aurais des titres de films qui ont comme objet la question religieuse ou la question de la foi et qui n'élude pas l'essence de cette question ? J'aimerais en voir d'autres.
Des films qui ont comme objet ou sujet des hommes, ou des femmes de Dieu ET où l'auteur a justement une vision haute de son art et qui rend compte de la spiritualité du monde (ou de son absence, effectivement)
Des films récents ? Je suis preneur.


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MessagePosté: 06 Jan 2014, 00:49 
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Mr Chow a écrit:
Je me suis mal fait comprendre en utilisant le mot perpétuellement, je souhaitais plutôt dire que c'est une forme d'art qui ramène à "ce qui est là mais ce sur quoi on ne s'arrête pas (plus?)", dans l'enchaînement des pensées.


Beaucoup mieux compris. Merci.
Et merci pour les références à Roustang et Billeter, je ne connais ni l'un ni l'autre. Je vais aller voir.
(Roustang, t'es la deuxième personne en une semaine qui m'en parle)


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MessagePosté: 06 Jan 2014, 13:02 
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Harry White a écrit:
Et merci pour les références à Roustang et Billeter, je ne connais ni l'un ni l'autre. Je vais aller voir.
(Roustang, t'es la deuxième personne en une semaine qui m'en parle)


Idéal pour découvrir je dirai, moi ils sont devenus deux de mes auteurs préférés :

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MessagePosté: 06 Jan 2014, 13:15 
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Merci!


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MessagePosté: 06 Jan 2014, 13:23 
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Par ailleurs, les éditions Allia me font toujours halluciné. Je n'ai fait que des belles découvertes chez eux.


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MessagePosté: 12 Juin 2016, 10:00 
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Messages: 8354
Topic de fous :shock:

J'ai fait l'effort de lire la totalité des interventions, mais j'ai le sentiment de ne pas en avoir compris la moitié... Pour autant que j'ai pu comprendre ses interventions, mon avis ce rapproche de celui de The Scythe, j'ai trouvé le film globalement mauvais, j'ai beaucoup de mal à cerner l'épure ou la simplicité dont Tom parle, je trouve que le film est au contraire (et malheureusement) tout sauf épuré ou ascétique, qu'il n'y a effectivement aucune incarnation de la foi à l'écran alors que telle est bien le sujet du film, j'en viens à regretter Dreyer alors que je n'aime même pas ce réalisateur (hormis La Passion)...


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