Suite à un avortement, Bibiane Champagne, une nepo baby de 25 ans qui dirige plusieurs magasins de vêtements de luxe, commence à partir en vrille. Un soir, bourrée, elle fauche malencontreusement un passant avec sa voiture. La vie de Bibiane bascule alors dans un chaos inimaginable. Un carton en norvégien, sans sous-titres. Ouverture sur un hangar de film d'horreur où un gros barbu taillade des poissons. L'un d'eux se met à parler d'une grosse voix pour nous raconter
"une belle histoire". Déjà, ça pue. Ça sent le film satisfait de son décalage, de ses effets qui tombent complètement à plat (durant le premier acte, il y a parfois des cartons, en français cette fois, qui présente l'héroïne, comme des extraits d'un roman à la troisième personne). Avant que je ne le raccourcisse plus haut, le synopsis original trouvé sur AlloCiné indiquait
"Son emploi du temps surchargé ne dissimule cependant pas le vide absolu de sa vie privée." Et bien, à l'instar de
Polytechnique, les affèteries de Villeneuve ne dissimulent pas le vide du récit.
J'étais tout d'abord intrigué par ce récit qui prend en quelque sorte le contrepoint du précédent (la protagoniste mannequin d'
Un 32 août sur Terre, après un accident, savait soudainement ce qu'elle voulait : un enfant ; ici le personnage principal est à nouveau une femme du monde de la mode et s'avère complètement paumée suite à son avortement) mais le scénario se perd dans une illustration cliché (danse ivre en boîte de nuit, sexe sans lendemain), dans une sous-intrigue professionnelle inintéressante et inutile (ses erreurs de commande et de transports, son interview où on lui parle de sa mère célèbre) et dans des pirouettes superflues (était-ce nécessaire de remonter en arrière et montrer la même séquence au resto avec sa copine pour expliquer que si le poulpe qu'elles ont l'habitude de prendre n'est pas bon ce jour-là, c'est parce que le pêcheur qui connaissait le bon poulpe chez le fournisseur du resto, c'est le mec qu'elle a tué?).
J'imagine que cette amusante coïncidence karmique sert à annoncer le véritable postulat tragique de l'histoire (qui n'est pas sans rappeler le dénouement d'
Incendies), présenté comme pitch dans le synopsis AlloCiné alors que ça n'arrive qu'aux deux tiers (d'un film d'1h25) : elle va rencontrer le fils du mec qu'elle a tué. Je vous laisse deviner ce qui va se passer entre l'orphelin et la paumée.
Il est évident qu'il s'agit là du véritable sujet qui intéresse Villeneuve et cette fois le film mérite d'être qualifié de court métrage étiré, seulement là il est étiré dans le mauvais sens, avec un préambule bien trop long et relou. Par conséquent, il est difficile de croire à cette romance précipitée qui est censée en plus tenir le coup après que la vérité a éclaté.
Formellement, j'ai l'impression que Villeneuve se cherche encore. Il abandonne les effets de montage de jeune fougueux de son premier pour un visuel plus à fleur de peau, davantage dans les gros plans, plus esthétique dans ses moments d'obscurité, mais on n'y est pas encore.
Et sinon, il est intéressant de voir comme son cinéma très féminin a cédé la place aux protagonistes masculins une fois arrivé aux States.