Laurent Romejko est au générique de ce film
Anne-Marie se sépare d'Alex. Il veut une vraie vie conjugale. Elle veut garder sa liberté. Ils se séparent sans heurt et continuent à se voir.
Pourtant, lorsqu'elle apprend qu'Alex a une nouvelle maîtresse, Anne-Marie devient folle de jalousie. Et bascule dans un monde inquiétant, fourmillant de signes et de menaces.
Du duo Bernard/Trividic, je garde un très bon souvenir de leur doc sur Lovecraft, et plutôt un bon souvenir de
Dancing qui dans mon souvenir flou n'était peut-être pas totalement abouti mais présentait de belles choses, une atmosphère fantastique très atypique dans le ciné français.
L'Autre creuse le sillon. On est dans le fantastique, donc dans le réel, mais dont on capture l'étrangeté dès les premiers plans: ces embouteillages sur l'autoroute, filmés en plongée comme un flux sanguin, dans un film qui reprendra beaucoup ce motif du transport, ces boucles sans destination, absurdes, qui finissent par faire des noeuds abstraits et où l'on pense apercevoir son double de l'autre côté des rails. On retrouve vraiment le côté film d'atmosphère de
Dancing, avec cette jalousie qui gronde dans un décor tout laid, déshumanisé à l'extrême, virée à Rosny 2, nuit banlieusarde et RER moche - mais Trividic et Bernard n'en font pas un film moche pour autant et soignent vraiment la forme et les couleurs, le film, visuellement, est très beau.
L'Autre en question c'est aussi la clef de la tension sexuelle du film, invisible mais obsessionnel, et qui offre certaines scènes très réussies alors que très acrobatiques (celle du cadeau d'anniversaire, tout pourrait tomber sur son cul, et non, au contraire), où le miroir, dans un désir permanent de projection, d'appropriation, prend ses distances avec le réel... tout en en offrant le triste reflet. Le film est vraiment dans les codes premiers du genre sur ce thème et les utilise très bien.
Ici on ne traverse pas le miroir comme chez Carroll ou Cocteau, on essaie de le briser à coups de marteau: le fantastique reste là un habit du mélodrame, sur cette folie qui guette une femme dit-on toute ordinaire. Dans cette peau-là, Dominique Blanc est grandiose, énorme, sublime, imposant sa musique, son sourire à bluff, son clair-obscur, de façon absolument magistrale. Les réalisateurs évoquent Bette Davis, elle n'a pas à rougir et son prix à Venise est le quart de la moindre des choses tant elle est sensationnelle.
Je dirais bien que le dernier tiers ne décolle pas comme les deux très très bons premiers le laissent supposer (d'où ma réserve de note mais qui va être effacée d'ici peu je suppose) mais en même temps, ça serait attendre un autre film. Celui-ci est très bon je trouve. Ca sort le 4 février normalement.
4-5/6
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