DPSR a écrit:
Parce que c est son Visages movie.
Son Visage movie oui c’est exactement ce que je me suis dit, sauf qu’évidemment dans ma bouche ça ne veut pas dire la même chose.
Le film partage donc avec le Tsai le goût de l’abstraction, de l’extra-contemplation, de l’épure extrême.
Jarmusch nous invite à méditer avec lui, le concret est dans la subjectivité et le film ne se développe que par ses trous, ses manques. On avance aveuglément ou au contraire les yeux grands ouverts, à contempler le moindre détail, à repérer le plus petit indice, l’association de plans la plus minime.
Le spectateur-acteur, c’est Isaach de Bankolé qui l’incarne, insaisissable tout du long, il devient une métaphore extrême du personnage entrain de se créer, dans l’imaginaire du spectateur.
Un café, deux cafés, vous ne parlez pas espagnol ? Boite bleue.
Contre-plongée, surcadrage. La femme nue, le violon, la guitare. Un café, deux cafés. Boite rouge
Musique, ralenti, les diamants sont les meilleurs amis de la femme, Tilda Swinton, un café, deux cafés. Boite bleue.
Parlez-vous espagnol ? Un café, deux cafés, le tableau, la corde. Musique, montage. Le sexe pas pendant le travail. Boite rouge
Le film avance mais fait des boucles incessantes, cela pourrait durer éternellement, on pourrait rester là éternellement à regarder se remultiplier les même gestes, les mêmes plans, pareils mais différents. On pourrait croire à une succession de rêves, le cinéma c’est comme un rêve, où les éléments de la veille se répèteraient pour dire autre chose, ou la même chose différemment. La vie n’est rien, rien d’autre que çà, il n’y a pas de but, pas de limite, pas de contrôle, c’est la toile blanche infinie. Mais il faut bien que ça finisse, que ça meurt, que le mystère s’évanouisse, que l’on saisisse enfin quelque chose du personnage, de l’intrigue, de l’histoire… On y croit l’espace d’un instant, un simple échange de répliques vient nous contredire :
« -Mais comment es-tu entré ?
-J’ai utilisé mon imagination »
Jarmusch est descendu de son rang de réalisateur. Et il prend un recul inouï, on a griffonné sur un papier, il est enfin blanc, Bankolé après avoir contemplé la toile blanche le jette.
Abstraction de l’art, permanence des images et des sons, qu’on peut foutre à la poubelle quand on veut.
La toute puissance du spectateur.
5+/6