Yuddi a écrit:
Mmh comment dire… Va parler d’amour à ton cochon d’Inde qui te chie dans les mains.
Mais si l'amour c'est ça, alors oui, je préfère sodomiser mon petit lapinou.
Yuddi a écrit:
C’est l’histoire d’un amour enragé, impulsif, orgueilleux, une passion qui asservit, avec ce que cela suppose de grandiloquence et de serments naïfs. Un amour buté et profondément adolescent qui ne supporte pas le moindre compromis. Comme le dit un personnage : l’amour est vécu comme une blessure, dès qu’on en guérit il disparaît. Or Zhou Wei (l'amant) réfute ce raccourci enfantin et un peu rouillé, ce même discours auquel les deux héroïnes croient obstinément.
Donc un truc pseudo-romantique (quoique le vrai romantisme est beaucoup moins crédule), une histoire "adolescente" comme tu dis, donc qui, à un niveau purement émotionnel et intellectuel, peut plaire pour les ados, mais qui, avec le recul, devient risible. Enfin pour moi.
Ensuite, je trouve qu'il y avait vraiment moyen de remettre tout ça en cause par le perso de Zhou Wei, beaucoup plus terre à terre (quoique assez Hélène et les garçons parfois, genre touche pas à ma meuf ou jte casse la gueule à la récré). Hélas, ce n'est qu'effleuré (comme dans la voix off, ou la nana dit en substance qu'elle sait que tout ça est ridicule mais qu'elle ne peut pas se contrôler). Et du coup, on en revient aux scènes je t'aime, je te frappe, on baise après s'être engueulé. Ce qui est, selon moi, une vision ultra simpliste de l'amour, et une vision ultra cliché de l'amour "enragé". Je pense qu'on est d'accord pour dire qu'on est touché par quelque chose qui nous surprend, par un amour enragé à la Gens de Dublin, ou toute une vie est marquée par le sceau d'un amour de jeunesse (comme ici).
Yuddi a écrit:
Le film met en scène ces échelons amoureux, de la révélation à la dégringolade boueuse et au semblant d’espoir. Il y a des clichés amoureux, mais les histoires d’amour naissent de clichés, on ne tombe pas amoureux de 500 000 manières différentes. Or ces clichés sont justement dépassés par l'audace et la sensibilité de Lou Ye (moi je trouve ça hyper bien filmé, ostentatoire ou pas), l'effronterie de l’actrice, les plans de grue et les petites plumes que tu as tant appréciés.
Le véritable problème est qu'il ne met rien en scène. Il enchaîne des petites saynettes sans la grâce ou la légerété d'un Malick ou d'un Pialat, il appuie tout au burin, au sacro-saint nom d'un romantisme exubérant, exalté, extraordinaire.
Tu sais, cette histoire, elle me passionne pas, mais à la rigueur je m'en fous, c'est son traitement qui me gêne. Mais ensuite, on va pas en discuter : tu aimes les petites plumes au ralenti avec une actrice hystérique, moi pas. Mais c'est un film daté avant l'heure, qui vieillira atrocement mal, qui est représentatif d'une école de l'image facile, publicitaire (bah ouais, ça marche, mais c'est tellement lourdingue, sans recul, sans aucune conscience des moyens utilisés).
Yuddi a écrit:
Et puis cette ouverture dans le campus sur une chanson de mon panthéon perso (Luo Dayou, bon personne connaît, mais c'est un très fort symbole contestataire dans les années 80), cette rencontre dans le bar sur fond de Paul Evans, franchement, au chapitre amoureux, j’ai rien vu de plus beau et de plus grisant cette année.
Alors là tu parles de pur subjectif. Moi, je déteste Garden State, pourtant y a Nick Drake dedans. Et alors? On aime pas un film pour la somme de ses composantes. Et puis encore une fois c'est du cliché (qu'on aime ou pas, c'est un cliché), que ce soit au niveau de la mise en scène (coup de foudre à distance, silencieux, par un jeu de regard) ou de la musique (atrocement mixée, d'ailleurs).
Yuddi a écrit:
Alors non, ce n’est pas incroyablement marrant d'être aimé sans retour, de crever comme une vieille chaussette qui gratte pour un idéaliste qui part à l’autre bout du monde.
Mais bien sûr que c'est pas marrant! Mais la forme l'est! C'est pas parce que le fond est triste que la forme doit l'être! Je parle pas de prêcher la distanciation absolue avec le personnage, de le regarder comme une bête curieuse, mais y a un moment où il faut se moquer de ce qui est sérieux mais risible.
Et ensuite, et là c'est un problème du film, c'est que les personnages sont incroyablement mous mais que Lou Ye nous fait croire que ce sont des héros de tragédie. Elle crève comme une vieille chaussette? Où ça? L'autre est un idéaliste? Où ça?
Yuddi a écrit:
L’ironie et le cynisme ne sont pas des gages de qualité.
Là, je suis pas sûr. Je pourrais pas argumenter dessus, mais je pense que dans tout ce que j'aime il y a un peu de ça (sans faire du Céline, je crois qu'il y en a partout... et dans Summer Palace, NON).
Yuddi a écrit:
J’adore Les Lois de l’attraction, mais je pourrais aussi te retourner l’argument : le film d’Avary se croit intelligent et émouvant avec sa poésie noire à la noix, c’est du clip du m’as-tu vu c’est du vent.
Sauf qu'il y a de vraies idées de mises en scènes (et je peux t'en citer une dizaine sur le champ), et pour la plupart originales. Et Dans Summer Palace, y a quoi?
Et surtout, dans le film d'Avary il y a vision qui se tient du début à la fin, alors que Lou Ye s'éparpille et au final ne raconte rien, ou alors rien qu'on ne savait pas auparavant, et surtout dans une forme qu'on ne connaissait pas.
Yuddi a écrit:
Le film parle de liberté, tout simplement. L’amour de Yu Hong repose sur un paradoxe : comment faire coïncider son désir de liberté (l’espoir d’un sursaut dans la société chinoise) avec la nécessaire soumission au désir de l’autre (un amour tellement dévastateur qu’il interdit toute réciprocité). La soumission, c’est le point de vue de Yu Hong.
Attends, attends, c'est peut-être dans la note d'intention mais est-ce que c'est dans le film? Yu (merci pour le nom) ne cherche pas à changer la société, juste à se faire plaisir. Y a pas de mal à ça, hein, mais par exemple elle semble totalement larguée au moment des manifs, genre ouais trop cool je vais à une gay pride.
Ensuite, dire que ce film est bien parce qu'il joue sur le contradiction entre le désir individuel et le fait que l'autre ou la société bride ce désir, c'est pas un argument. 9/10è des films jouent là-dessus, donc c'est pas nouveau. Après, c'est pas un problème, et c'est là où le cinéma à proprement dit entre en jeu : comment filmer cela? Et non pas quel personnage interessant dans tel contexte historique je vais choisir pour améliorer le film...
Yuddi a écrit:
Elle refuse de faire le deuil d’une passion qui est condamnée au mouvement, au changement. Parce que son amour est tellement absolu, tellement tétanisant, à la limite de l'hystérie, qu’elle en devient esclave et prisonnière. Elle a beau courir de ville en ville, elle n’avance plus, elle se flagelle en vain, son corps est littéralement coupé en deux. Alors elle se résout aux compromis, à un mariage de convenance, sans amour et sans danger.
L'amour qui enchaîne, c'est ce film qui te l'a appris ou qui te l'a montré d'une façon nouvelle? En plus d'être une vision très archaïque de l'amour, le film le traite comme quelque chose d'important, comme s'il c'était ça le réel amour. Et déjà, là, je suis pas d'accord.
Yuddi a écrit:
Les inserts historiques servent de contrepoints à ce microcosme amoureux. Lou Ye observe les mutations des villes industrielles chinoises. Le monde a changé, les murs ont tremblé, certains sont tombés, mais l'histoire de Yu Hong et Zhou Wei est restée en suspens, figée dans une époque révolue, comme le printemps de Tienanmen est restée lettre morte. La deuxième heure du film sert à ça : est-ce qu'un amour, un idéal, un petit cataclysme, résistent à l'épreuve du temps ? Il n'y pas de nostalgie du passé, au contraire synonyme de souffrance, il y a un constat blessant : certains n'y croient plus.
Les murs ont tremblé, et Lou Ye ne montre que ceux qui servent son film. Il nous montre un monde qui devient plus libre (ce qui est déjà totalement crétin) à mesure que ses personnages perdent de leur liberté. Ou alors, et là ça m'étonnerait beaucoup, il élabore une réflexion sur l'imagerie politique, qui nous fait croire que briser un mur amène plus de liberté dans le monde, alors que ses citoyens sont de plus en plus enchaînés... Dans les deux cas, c'est naze.
Ensuite, si comme tu le dis, ces inserts historiques (qui ne sont malheuresement pas des inserts : c'est une séquence de 5 minutes avec une musique par-dessus) servent de contrepoint à leur histoire qui se fige, je trouve ça encore plus lourd. Car la politique est en fait complètement mise de côté dans ce film : on va à Tienanmen, à une manif de gauche à Berlin, ça reste très Poupées Russes gauchistes tout ça. Alors pourquoi mettre en parallèle leur histoire amoureuse avec des évènements politiques? Si c'était plus élaboré, ok, pourquoi pas, mais là c'est gratuit, inadéquat, et surtout ça devient quelque chose qu'il faut intellectualiser (ce qui n'est pas le principe de ce film "sensitif").