Finalement je suis en grande partie d'accord avec Baldanders, même si je pense que Desplechin met en scène non pas des typologie, mais des archétypes, d'abord exposé puis dévalués, ce qui désamorce les oppositions et les tensions dont il essaye d'assumer la franchise. Si l'on admet que tous les anthropologues africains ne sont pas à ce point caricaturalux (on croirait voir l'illustration de la phrase: "tu sais en Afrique un vieillard qui meurt c'est comme une bibliothèque qui brûle, surtout avec les histoire de Vaudou"..je rêve), tous les Arabes ne sont pas des dealers fraternels, qu'avoir des amis arabes ne déclenche pas focément une crise religieuse non plus, que tous les étudiants en science humaine ne sont pas du gibier de futur chômeur de province ou des social-traîtres égocentriques et élitistes, et toute les histoire d'amour en milieu urbain clos où il y a un (ne fût-ce qu'un léger) écart de statut social entre les amants condamnées à virer en duel des Capulet et des Montaigu, et toutes les excentriques russes blanches des lesbienne, que les petits frères ne font forcément pas plus de conneries que les grands à cause de la névrose d'abandon, que le numéro à la Patrice Luchini de centre-gauche que l'on demande à Amalric de jouer n'est pas si bien écrit et verbalement fulgurant qu'il ne veut le sembler, bref, si l'on a conscience des nuances, le film est assez creux. Je dis cela alors que je viens aussi du Nord de la France, j'ai aussi étudié les sciences humaines,que je prenais pour étudier le même train que son personnage mais en sens inverse, que je cotoye, sans travailler avec eux il est vrai, des anthropologues spécialisés sur l'Afrique et mon amie était étudiante en lettres classiques en prépa, que je lui dois beaucoup et qu'on a vécu des évènement que certaines situations du film rappelent, que j'ai même vécu un truc comparable avec l'histoire du revolver du petit frère...bref le film me parle beaucoup mais me touche peu. Les acteurs adolescents sont bons (le garçon devient plus mauvais quand on lui demande à la fin d'adopter le phrasé d'Amlaric, alors qu'il avait le sien propre), mais le personnage féminin est terriblement caricatural et n'évolue pas, Dedalus se demande en permanence: "en sortant avec une fille qui n'était pas une intello j'ai peut-être embrouillé quelqu'un qui en pouvait pas me comprendre", le spectateur se demande "en admettant qu'il est 'trop bon' pour étudier en Province, mais putain pourquoi il n'envisage jamais la possibilité d'emménager à Paris avec elle, même à titre d'essai , ce n'est qu'à 200 bornes de Roubaix?" . A la fin du film Despelchin présente un croisement d'influence (la fille un peu prolo, pas si nulle en grec lègue ses Budé à l'intello, car cela ne l'intéresse plus, elle n'est en somme pas assez cultivée pour avoir consciece de sa culture) comme quelque chose de paradoxal, comme un secret ironique et urn transmisison qui jette un éclairage différent sur les rapports réels entre les personnes, alors qu'il s'agît finalement de quelque chose de courant dans un couple et en amitié - dont la réciproque n'est pas montrée. Connaissant aussi le Nord, j'ai l'impression qu'il exagère la cassure communautaire, et situe en 1989 des obsessions qui sont contemporaines ou ,pour le dire autrement, qu'il projette des peurs liées au 11 septembre et au 21 avril sur novembre 1989, comme si l'histoire formait un complexe déterministe et que le Pen ou Ben Laden "répondaient" à 1989 et le prolongeaient. Un régime d'image qui expliquait l'influence croisée, la transmission et la captation d'identité se retourne en fausse généalogie d'une séparation. Ce retournement correspond peut-être aussi à une baisse de l'importance du cinéma, art dévalué, coupé de son public populaire et nostalgique, qui convertit souvent les promesses d'hier en aigreurs.
La partie à Minsk (le revival de la Sentinelle) n'est pas mal, mais elle délimite exactement la gravité historique et la prise au sérieux (sans pose) de l'idéologie que Dedalus abandonne ensuite dans le film. Finalement Desplechin indique que son personnage cesse de fantasmer les Juifs comme des héros et laisse les Arabes se démerder seul, mais se concentre sur la survie tradition intellectuelle structuraliste française. Le cosmopolitisme implique un risque et l'acceptation d'une part d'imaginaire dont le récit est fatigué: il ne reste que la langue littéraire, emphatique mais aussi hyper-réelle.
Il y a quelque chose de symbolique: dans la Ford Taunus, les personnages écoutent à la fois De la Soul et George Clinton, le sample et sa matrice historique. C'est un peu emblématique du film, qui veut ressaisir ensemble, sans les démeler à la fois l'énergie du phénonème originaire et le recul de l'interprétation et de la récupération d'une trace, fétichisée mais partielle, et qui ainsi ment un peu en les dévalorisant toutes les deux et perd son enjeu réel.
Sinon Chantal Laubie est bonne en mère suicidaire et Jean-Marie Bigart pas mauvais en prêtre à la Bernanos.
Dernière édition par Gontrand le 19 Juin 2015, 00:13, édité 8 fois.
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