L'avis de tronche de cuir :
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Comment parler de ce film ?! C'est à cette question auquel se confronte quiconque ayant vu l'animal. Je dirais déjà ceux et celles qui en parlent en des termes raisonnables du style "j'aime/j'aime pas" ou veulent l'appréhender sous des critères normatifs me paraissent bien timorés et à côté de la plaque...Ce n'est ni un film timide, docile ou sympa. Il est plus facile de dire ce qu'il n'est pas que de dire ce qu'il est.
De la même manière, il me parait difficile d'en dire quoique ce soit dès sa sortie parce que c'est le genre de film qui a besoin d'être ressassé, machouillé, décanté, probablement comme tous les chefs-d'oeuvres. C'est un peu comme de demander à un type, qui découvre pour la première fois 2001, les Diables ou Possession ce qu'il en pense. Les termes terriens, correctifs ne sont pas d'une grande aide. On se sent un peu désarmé face à ce genre de bête. Peut-être faudrait-il inventer une nouvelle terminologie pour parler de ce genre de film profondément déconcertant, dérangeant qui cherche à briser la réception critique habituelle. Tout ce qu'on peut dire après coup, c'est que ça donne un sacré coup sur la tête, c'est étourdissant et marque incontestablement l'oeil et l'esprit. Pas franchement plaisant mais résolument inoubliable. Oui, PT Anderson a réalisé un film qui va compter, un film sur lequel on va pouvoir discuter qui va polariser l'attention des fans de cinoche, là y a de quoi faire...Bref, un grand film et peut-être même plus. Je serais incapable de déterminer ce qu'il est mais bon dieu, c'est un film qui ressemble à nul autre. On peut citer quelques références ici et là mais c'est une oeuvre violemment personnelle, indépendante, qui se soucie pas du tout de ce qui l'entoure, un météore traversant le ciel cinéma. Pour le coup, l'expression un peu ridicule magma en fusion me parait approprié. C'est aussi un cri de haine qui résonne longtemps.
Déjà pour commencer, c'est monstrueusement réalisé et joué. On beaucoup parlé de la photo de Deakins ces derniers temps mais là c'est d'une austérité, d'un puissance au niveau cadrage que ça donne le tournis. Il faudrait remonter à Kubrick pour trouver pareille rigueur, ce genre de découpage clinique où les scènes se réplient étonnement rapidement, parfois s'étirent autour d'une prestation, c'est confondant de maitrise ryhtmique. Le film est pourtant hypnotique mais ne sacrifie en rien à la contemplation; c'est toujours tranchant et étrange. C'est renforcé, il faut bien le dire, par un montage superbe, avec un art consommé de l'ellipse, de la transition soit brutale soit doucereuse, du raccord jamais démonstratif, toujours subtile et mystérieux. PT Anderson l'avait déjà prouvé: c'est un maître en ce qui concerne association image/son. Il trouve en la personne de Johnny Greenwood le collaborateur idéal, à savoir que c'est intrusif, dérangeant, déconcertant et beau.
Quant aux prestations, là-encore, c'est impressionnant. L'ensemble des acteurs sont uniformément bons. Y compris les petits rôles. Day Lewis en tête de file. Eh bien, pour en parler, je ne suis pas sûr qu'il faille parler de prestation. Je ne sais pas ce qu' a fait PT Anderson à notre ami Daniel mais il est méconnaissable. Contrairement à ce qui été dit et diffusé, on est très loin de sa prestation de Gangs of New-York. Il suffit de voir les scènes-magiques avec son fils. C'est un personnage secrêt, la plupart du temps assez silencieux, à la diction particulière, rugueuse, affublé d'une moustache en forme de rictus. Il m'a fait penser à un vieux loup décharné, machoire en avant, petits yeux, le teint rougeâtre, colère rentrée. Day Lewis livre ici sa meilleure prestation: il ne joue plus mais est ce prospecteur. Avec l'épilogue, qui fera à coup sûr débat, PT Anderson nous fait son Orange mécanique, on entre de plein-pied dans un théâtre grotesque et marquant, violent, déstabilisant, laissant de côté le mystère et la réserve. Hautement dérangeantes, ces scènes inoubliables donnent rétro-activement un drôle de goùt à l'ensemble, comme un gigantesque fuck adressé à l'audience. Refus de la canonisation Mr Anderson ? Problement. En tout cas, c'est courageux et extrêmement barré. Comme dans Eyes Wide Shut. Dano est superbe aussi, la scène de transe dans l'église et de baptême humiliant en sont des preuves.
Unique. Le compteur se bloque !
Un film qui fera débat.
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