J'aimerais bien ton avis sur ce film-là aussi, c'est tout, et je comprends pas pourquoi tu l'exclus.
A la limite, le premier Casino Royale, je veux bien : c'est plus une comédie qu'un Bond, mais Never Say Never Again, c'est un vrai Bond, juste produit par une autre boîte.
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Inscription: 25 Nov 2005, 00:46 Messages: 87077 Localisation: Fortress of Précarité
Castorp a écrit:
J'aimerais bien ton avis sur ce film-là aussi, c'est tout, et je comprends pas pourquoi tu l'exclus.
J'ai tenu 30min. J'avais trouvé ce que j'ai vu mou as fuck et ça faisait mal de voir Connery vieux et en jogging.
Citation:
A la limite, le premier Casino Royale, je veux bien : c'est plus une comédie qu'un Bond, mais Never Say Never Again, c'est un vrai Bond, juste produit par une autre boîte.
C'est aussi un remake d'Opération Tonnerre et je ne trouvais pas pertinent d'en parler dans un topic retraçant l'évolution d'une saga dirigée par les mêmes producteurs justement.
Inscription: 13 Juil 2005, 09:00 Messages: 36878 Localisation: Paris
Allez c'est parti pour mon top, même si c'est bien évidemment ultra-difficile de comparer des films réalisés à cinquante ans d'écart. Pour me faciliter la tâche je vais les grouper qualitativement - lorsque je saute à la ligne, c'est qu'il y a un saut en qualité.
Top titres: 1. The World is Not Enough 2. For Your Eyes Only 3. Quantum of Solace
Top vannes de James Bond: 1. "He had lots of guts" (après qu'un mec se soit fait broyer et ses boyaux dispersés aux quatre vents dans ON HER MAJESTY'S...)
Top cascades: 1. Le saut à ski avec parachute de L'ESPION QUI M'AIMAIT 2. Le saut à l’élastique de GOLDENEYE
Top vannes de Moneypenny 1. "James, you always were a cunning linguist" (TOMORROW NEVER DIES)
Retour sur la série après une rétrospective l'an passé, suite à la sortie du dernier forcément et à la lecture de Nobody Does it Better ; une somme d'anecdotes compilées sur pas moins de 680 pages et qui se dévore assez facilement (plein de petits paragraphes pas longs) quand on est une grosse feignasse à l'attention défaillante comme moi.
Partie 1 : 1962-1975
James Bond contre Dr No (Terence Young, 1962) : "J'ai été accusé d'être un sadique, à cause du gars qui se fait plomber... mais vous savez, une fois que vous avez tiré un coup autant le faire six fois. J'ai été blessé quatre fois quand j'étais soldat. Quand vous prenez une balle et que vous êtes en vie, ça compte, mais quand vous êtes déjà mort, ils peuvent en balancer une vingtaine de plus, ça changera rien à l'affaire. " (Terence Young) Le cliché habituel c'est de rappeler que l'incursion de Bond dans le cinéma change complètement la donne en terme de héros d'action et il y a du vrai, même s'il y a déjà quelques héros adeptes du coups de poing et de la fusillade dans le ciné classique (je pense à certains Errol Flynn chez Walsh ou Curtiz). Surtout, dans Dr. No on retrouve dans le dernier tiers Bond en simili-Doc Savage, chemise déchirée et luisant de sueur. John McClane n'est qu'à une vingtaine d'années. Les producteurs ont eu le nez creux en adaptant le bouquin (déjà écrit à partir d'un pilote non utilisé pour une possible série tv) puisqu'on y trouve les ingrédients de la recette à venir. Meilleur Leiter avec Jack Lord et inutile de revenir sur Ursula Andress. Moins long que les autres, il donne un goût d'inachevé, mais j'aime bien le côté double-programme film de détective/chasse à l'homme.
Bons baisers de Russie (Terence Young, 1963) : "Parfois, David Lean, qui montait Lawrence d'Arabie juste à coté, venait nous voir monter Bons baisers de Russie et disait qu'il aurait bien aimé échanger les films." (Terence Young) Le scénario est le plus fidèle au bouquin avec Au service secret de sa majesté si ce n'est qu'on y adoucit la fin et que le SMERSH devient le SPECTRE ce qui entraînera moult joyeusetés juridiques avec Kevin McClory, le co-auteur d'Opération Tonnerre. Premier film de Bond avec Connery que j'ai vu donc il occupera toujours une place spéciale dans mon cœur, d'autant qu'il est vraiment de qualité. Il y a peu de Bond où on ressent la possibilité d'une amitié avec le héros et c'est ce qui se se noue avec Kerim Bey (Leiter, c'est vraiment son boy, et la plupart du temps quand Bond fait équipe avec quelqu'un, on est plus sur du respect entre collègues) : du coup, son destin est d'autant plus émouvant. Tatiana, c'est un peu la choupitance absolue : normal qu'ils utilisent la scène de la rencontre pour tester les nouveaux interprètes.
Goldfinger (Guy Hamilton, 1964) : "Si vous trouvez marrant qu'un type porte un smoking avec un œillet sous sa tenue de plongée et qu'il arrive à repérer le reflet du vilain dans les yeux de la fille, alors tant mieux, parce que j'en ai encore tout un sac du même genre." (Guy Hamilton) Le troisième épisode parfait puisqu'on y mêle les éléments réussis des deux premiers tout en accentuant ce qui fait la particularité de la série. Meilleur méchant (là aussi, c'est Hans Gruber avec vingt ans d'avance) et Bond Girls correctes. L'épisode est en plus meilleur que le bouquin, déjà fort bon, puisqu'on y change le plan de Goldfinger en fixant un trou d'intrigue et on y transforme le premier chapitre un peu déprimant (mais remarquablement bien écrit) en épisode pré-générique loufoque. Le fun sera de rigueur. Opération Tonnerre (Terence Young, 1965) : "On m'appelle souvent 'Goldfinger' donc je les reprends : 'Non, moi c'est l'autre' et là généralement on me répond : 'celui avec le chat ?'" (Adolfo Celi) Gros pied sur celui-ci : revu deux fois de suite quasiment. Dans ma jeunesse, c'était mon préféré avec le suivant, une certaine idée de la vie : si le Paradis existe, il ressemble à ça. Moment le plus cool de toute la série quand Bond embroche l'homme de main du méchant avec un harpon. On dit également que le Bond interprété par Connery est une brute sans cœur et à ça, je réponds "non, dans Opération Tonnerre quand il annonce à Domino que son frère est mort, il met ses lunettes de soleil pour ne pas la fixer droit dans les yeux". Aussi, meilleure méchante de la série : Fiona va-va-voom Volpe, ce qui donne une scène de traque dans laquelle Bond en chie grave et qui renvoie à l'animal totem du film : le requin. Tous les personnages sont des prédateurs et cherchent à s'entretuer, même la gentille Domino finit par poinçonner son ancien amant tortionnaire. J'arrête, j'ai envie de le revoir.
On ne vit que deux fois (Lewis Gilbert, 1967) : "On m'a donné une formule pour écrire un Bond : il y a trois filles. La première se fait tuer, la deuxième se fait tuer et la troisième finit avec lui dans la séquence de fin." (Roald Dahl) Le premier où on s'écarte totalement du roman de départ avec un script en gruyère de Roald Dahl qui à l'époque crève la dalle, justement (tendance Charlie sans la Chocolaterie). Du coup, Bond tombe dans plein de passages secrets, prend un métro souterrain pour rencontrer son allié et fait des tours en hélico comme un gamin sur un manège. C'est celui où l'idée de Bond prend le pas sur l'intrigue ou tout sens de la cohérence : celui où la série a fini sa mue et devient un mythe. Bond y meurt dans le pré-générique (chose teasée dans les autres pré-génériques de Young mais la 3e est la bonne) mais revient comme une fleur une fois la chanson de Nancy Sinatra finie. La même année sort le parodique Casino Royale : Bond est désormais un mythe. Mon Blofeld préféré même si on le voit un quart d'heure : Donald Pleasance parfait en total opposé craspec du héros, hautain et aristo qui a l'air excédé qu'un simple fonctionnaire vienne fourrer son nez dans ses plans de génie. Comme on a habillé Connery en peignoir en pilou-pilou bleu ciel dans Goldfinger et en tenue de plongée orange dans le précédent, cette fois-ci on le peint en jaune et on le force à se tenir courbé, ça lui apprendra à demander une hausse de salaire.
Au service secret de sa majesté (Peter Hunt, 1969) : "J'ai fait du mieux que j'ai pu et bon sang, il avait une opportunité en or. Et il n'est pas mauvais dans le film, non ?" (Diana Rigg) Quand j'étais gosse, le film passait toujours en deuxième partie de soirée lors des rétrospectives avec les autres "Bond faiblards", et écopait d'un seul T dans Télé-Star. L'âge m'a appris qu'un Bond faiblard ça n'existe pas et la découverte du film au moment de la sortie de Goldeneye a considérablement terni la confiance que j'avais en Télé-Star. Oui, c'est le meilleur, parce que Peter Hunt. Avoir passé quasi-dix ans à monter tous les Bond et, selon lui, à avoir sauvé Goldfinger de l’infamie, Hunt est peut-être l'individu au monde qui connaît le plus 007 depuis la mort de Fleming, et ça se sent. Complètement investi d'une sorte de mission sacrée, Hunt repousse les dates de tournage, se bat pour maintenir Lazenby et en faire sa chose : un dérivé de Big Jim, mâchoire carrée et épaules de déménageur, cadré comme les couvertures de romans de gare ou un super-héros de Marvel, qu'il envoie dans les bras enamourés de pas moins que Mme Peel, et dans les griffes de vilains implacables, avant de le laisser s'allier à la mafia de son beau-père. James Bond, renégat, rien que ça. Respectueux du travail de Young, il place les clins d’œil des épisodes réalisés par son mentor lors d'une scène dans le bureau de Bond, et laisse, cruellement, un balayeur nain siffler le générique du film de Guy Hamilton. Réalisateur des scènes d'action sur le précédent (ah, ce plan aérien de la bagarre sur le toit d'un immeuble), il tend le relai du montage à John Glen, futur gardien du temple. Meilleure partition de John Barry : le générique du film est même un meilleur thème officiel pour 007 que celui "écrit" par Monty Norman (un différend oppose les deux compositeurs et Barry a toujours eu cette envie de remplacer le thème original, en vain). Un plan : celui d'un savant balançant une fiole d'on ne sait quoi sur Bond qui l'évite et le mitraille. Tentative désespérée des forces du mal d'arrêter la machine. Le final : Bond est rattrapé par la fin des illusions. Les sixties se terminent, bientôt les Flower people vont s'engoncer dans des bureaux anonymes et devenir des yuppies, mais pas de vie de patachon pour Bond. Le devoir l'appelle quitte à le faire d'un coup de feu : le même qui débute chaque épisode.
Pour moi, les six premiers Bond forment la série parfaite : une montée en puissance jusqu'à la déconstruction/reconstruction de la série par l'artisan qui l'a le mieux définie jusqu'à inspirer tout un pan du cinéma (King Hu cite le montage des films comme son modèle, par exemple).
Les Diamants sont éternels (Guy Hamilton, 1971) : "Je me souviens de la sortie, j'étais au fond d'une salle du Chinese Theatre et quand Sean a lancé 'Mon nom est Bond, James Bond', le public est devenu dingue. C'était comme d'accueillir son gamin de retour de guerre." (Tom Mankiewicz) La gueule de bois. A partir de celui-ci, on se détache complètement de la tutelle de Fleming pour pasticher ce qui a fait le succès de la décennie magique. Un point de non retour pour la série qui ne s'en remettra plus que par intermittence. Celui qui a déclaré "Les 70s c'est les années que le bon goût a oublié" devait sortir d'une séance, tellement tout est laid. Le porno devient mainstream et on y va à fond les ballons dans le vulgaire et le toc. Tout est sujet à ricanement et à la dépréciation (Blofeld va même jusqu'à se travestir dans un instant Benny Hill). Ça serait pas déplaisant si on faisait preuve de mauvais esprit, mais le film a également un rythme d'escargot asthmatique (même pour un Bond, il est beaucoup trop lent). Il y a quand même une bonne scène d'action assez tendue (la bagarre dans l'asenceur) mais elle est placée tout au début donc ensuite, on se fait grave chier.
Vivre et laisser mourir (Guy Hamilton, 1973) : "La seule fois où j'ai vu Roger s'énerver c'est quand il a croisé des silhouettes de Sean sur le plateau. Il a demandé ‘C’est bon, on peut les enlever, maintenant ?' Ce qu'ils ont fait." (Yaphet Kotto) Grand film sur le rapprochement entre les peuples, où l’on découvre que tous, mais alors tous, les blacks américains sont en contact par walkie-talkie. Dire que les Bond de Roger Moore sont de qualité variée est un euphémisme mais une constante demeure : le meilleur aspect des films, c'est lui. Si Lazenby semblait sortir d'une planche ultra -dynamique de Gene Colan, Moore ressemble dans celui-ci à un perso de Milton Caniff. On cherche encore comment l'habiller et le faire agir (et vas-y qu'on sort le col roulé de Bullit et le magnum de l'Inspecteur Harry, tant qu'à faire...), mais jamais il n'a été aussi beau, dommage que ce soit dans un film aussi ingrat plastiquement. On a aussi droit à une poursuite en hors-bord qui n'en finit pas de pas finir. En revanche, Jane Seymour... bonjour mademoiselle, et le final avec le délire vaudou est sympa (enfin, plus que le reste du film). Le bouquin est bien mieux.
L'Homme au pistolet d'or (Guy Hamilton, 1975) : "Ouais, on n'aurait jamais dû ramener le shérif J.W. Pepper, mais le public l'adorait. Il n'était pas dans mon scénario. La production a trop mis son nez dedans." (Tom Mankiewicz) Si les deux précédents sont handicapés par la platitude visuelle de Guy Hamilton qui emballe tout avec un ennui communicatif, L'homme au pistolet d'or a au moins le mérite d'avoir un point de départ assez motivant pour passer le cap de la première demi-heure (un contrat est placé sur la tête de Bond qui essaie, lui, de retrouver un bidule censé offrir une solution à la crise énergétique) qui donne même droit à deux bonnes séquences de suspense autour du job d'exécuteur de Scaramanga, où on retrouve un peu du sadisme des premiers Young. Je suis assez d'accord avec le choix des producteurs de ramener le shérif Pepper, déjà parce que ça permet d'affiner l'imitation, et ensuite parce que la poursuite en caisse est plutôt cool. Il y a aussi une voiture qui vole, juste parce que, mais ça ne suffit pas à sauver le final qu'on croirait tourné dans les décors de la série Batman.
Top provisoire jusqu'ici :
1. Au service secret de sa majesté 2. Opération Tonnerre 3. Bons baisers de Russie 4. Goldfinger 5. On ne vit que deux fois 6. James Bond contre Dr. No 7. L'Homme au pistolet d'or 8. Vivre et laisser mourir 9. Les Diamants sont éternels
Au fait, que valent les bouquins ? Ca se lit encore bien ou ça a pris cher ? J'ai choppé quelques JB, dont Moonraker (je suis vraiment curieux de lire ça) et Bons baisers de Russie.
En termes de dynamisme, style, voix narrative, gestion de rebondissements, bref, en termes d'efficacité littéraire, ça n'a rien perdu, même si Casino Royale et Doctor No sont en deçà. Par contre la traduction française, sans doute d'époque, doit dégager une bonne odeur de naphtaline. En anglais c'est d'une vivacité presque effrayante.
Ca mériterait un topic à part, mais Ian Fleming gagne à être lu et relu, et Dieu sait ce qui aurait pu arriver au monde de la culture si le fossé entre littérature et cinéma n'avait pas ici été dynamité à la bombe à neutrons.
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En anglais c'est d'une vivacité presque effrayante.
Tu donnes envie : j'ai récupéré Bons Baisers de Russie en anglais, justement.
Mes préférés ça doit être Vivre et laisser mourir, Bons Baisers... et Au service secret... Opération Tonnerre par contre, ça se traîne, on voit qu'il a récupéré un scénar et qu'il était en rade d'idées.
Tu as lu des bouquins des successeurs de Fleming ? J'ai lu deux Benson (High Time to Kill et Doubleshot) : c'est de la fan fiction et ça n'a pas (mais alors pas du tout) le style de Fleming mais ça reste dynamique, et son idée d'un nouveau Blofeld, "le Gérant", et sympa.
Ouais, j'ai lu trois John Gardner dont je n'a pas retenu grand chose, ce qui ne veut pas forcément dire qu'ils sont si mauvais. Disons que c'était suffisant pour me confirmer que ce qui m'intéresse là-dedans, c'est pas tant James Bond que le style et la voix de Fleming à son sujet.
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Et pour éviter de passer pour un connard de snob bibliophile, je précise que si je ne développe pas plus que ça sur les films, c'est parce que les tops et échanges ici sont déjà suffisamment riches et intéressants.
J'avais fut une époque le coffret DVD de l'intégrale (Le Monde, je crois ?), mini-meuble à part entière, jamais récupéré après un prêt. Gamin, un James Bond à la télé c'était immanquable. J'en ai vu trois au ciné, Goldeneye, Quatum of Solace et Skyfall.
Toujours eu un faible pour Roger Moore. Il a deux scènes, celle de la cravate dans The Spy who Loved Me et celle de la bagnole accidentée dans For Your Eyes Only, où il bute deux sous-fiffres avec une détermination froide : les moments les plus flemingiens de toute la série.
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L'Espion qui m'aimait (Lewis Gilbert, 1977) : "Quand je lui ai demandé comment ça se passait avec Lois Chiles, Roger m'a répondu : 'C'est la première fois de ma vie que je regrette de pas jouer face à Barbara Bach.'" (Tom Mankiewicz) Le film sur laquelle se bâtit une "grosse" partie de la légende EON. L'épisode du retour gagnant après le départ de Harry Saltzman et la prise en main totale du Papet Broccoli. Et vas-y qu'on te raconte toute la conception en long, en large et en travers : comment l'intrigue a été compliquée à trouver, que John Landis et Anthony Burgess s'y sont même cassé les dents, que Kubrick est venu cadrer des séquences parce que le chef op devenait miro, et que c'est le préféré de Roger Moore, et que le Papet a servi des pastas à toute l'équipe parce que la nourriture était périmée... Même le film te le montre que c'est du boulot de titan, Bond, avec son 007 qui flâne entre les pyramides... et la Lotus qui roule sous l'eau, c'est-y pas top la Lotus sous l'eau, avec le gag du poisson qui ponctue le tout, improvisé par Roger ? Et à l'avant-première du film, toute la salle qui se lève, même la Reine, pour applaudir le parachute avec l'Union Jack ? MC Broccoli aux commandes, bien ou bien ? Tout ceci est vrai mais le making-of est plus intéressant que le film qui se paie quand même le ventre mou des ventres mous : la faute à Barbara Bach, un plaisir pour les yeux, un massacre pour les oreilles, qui n'arrive à R I E N jouer. Jamais. Du coup, toute la structure basée sur les échanges entre chien et chat du couple tombe un peu à plat et ça en fait le plus faible des Gilbert jusqu'au moment de la révolte de l'équipage du sous-marin, véritable morceau de bravoure assez violent.
Moonraker (Lewis Gilbert, 1979) : "C'était mon dernier Bond. Une fois que j'étais parti dans l'espace, c'était fini.'" (Ken Adam) Les années 70 finissent en grande pompe avec un quasi-remake du précédent, qui était déjà un remake d'On ne vit que deux fois, lui-même pas mal dérivé d'Opération Tonnerre. Mais on joue ici le toujours plus : plus de Bond Girls, plus de cascades, plus de lieux à visiter, plus de rires, les petits nenfants, poussez pas, y en aura pour tout le monde. Un gros gâteau plein de chantilly avec des vraies séquences où Gilbert se fait plaisir : la mort de l'assistante pourchassée par les chiens du méchant sur une musique de Barry qui donne ici sa meilleure prestation, ce qui n'est pas peu dire ; Jaws déguisé en clown flippant dans une ruelle ; le combat dans la fabrique de verre avec l'horloge en fond ; l'arrivée dans le paradis eugéniste de Drax ; les décors de maboul conçus par Ken Adam (peut-être le plus grand génie de la série, aujourd'hui réalisateur à succès avec Haters) ; les effets spéciaux et maquettes de Derek Maddings (un autre maestro). Rarement le côté Barnum de la série, "ce soir et ce soir seulement, sous le plus grand chapiteau du monde" aura à ce point pris le pas sur tout le reste. Pas étonnant qu'on tombe dans un cirque au moment du générique. Un film qui a des étoiles plein les yeux.
Rien que pour vos yeux (John Glen, 1981) : "On n'avait pas de CGI à l'époque, on devait innover à chaque fois, et c'est ce qui en fait le sel. Je les plains aujourd'hui parce qu'ils ne font que répéter "T'inquiète, on fixera ça en post", ça enlève pas mal de plaisir.'" (John Glen) 1981 : les chars russes sont aux portes de Paris, et pour Bond le tournant de la rigueur c'est maintenant. Nouveau réal et nouveau tandem de scénaristes (le vétéran Richard Maibaum et le jeunot Michael G. Wilson, beau-fils de Broccoli) qui vont être plus ou moins inspirés selon les films (une fois sur deux en gros) et affaire qui roule. Le Disco, c'est mort et le Papet décide de ramener tout le monde sur le plancher des vaches et impose un gag pourri dont il a le secret (le pigeon de Moonraker c'est de lui) avec "Blofeld" qui parle d'un délicatessen (un truc de mafieux visiblement). Connu pour être le "Moore sérieux", on a donc droit à deux séquences complètement tartignolles en ouverture et fermeture. John Glen qui a toujours la nostalgie d'Au service secret de sa majesté ressort la tombe de Tracy, les balades sur la plage (avec Mme Pierce Brosnan) et les poursuites à ski mortelles à peine gâchées par la soupe immonde de Bill Conti. D'ailleurs en général, Glen s'en tire super bien sur l'action avec aussi une super séquence d'escalade. Excellent épisode, bien nerveux et dans celui-ci, on a même pas à regretter que Carole Bouquet ne sache pas placer une réplique correctement. Les scénaristes reprennent des bouts d'une nouvelle et des passages du roman de Vivre et laisser mourir : quand on dit qu'on veut revenir à la source, on ne ment pas. L'un de mes deux premiers Bond en VHS avec L'Espion qui m'aimait (les souvenirs sont flous).
Octopussy (John Glen, 1983) : "C'est un de mes préférés, peut-être parce qu'on m'y voit plus.'" (Desmond Llewelyn) Sorti la même année que le machin tout gris de Kerschner avec Connery Top moumoute, Octopussy arrive sans problème à lui damer le pion alors que c'est l'épisode contractuel standard, pas sans saveur (le pré-générique bien tendu et la poursuite à la fin en Allemagne de l'est rejoignent un peu le côté sérieux du précédent) mais un peu ronflant aussi (d'ailleurs, j'ai ronflé devant la dernière fois). Pas grand-chose à en dire, sinon que la rigueur c'est fini pour Moore qui balance des roupies en pleine rue et ramène son plan c... sa bonne amie, Maud Adams dans l'équation, et personne ne le contredit. Si Octopussy n'existait pas, on n'aurait pas besoin de l'inventer.
Dangereusement Vôtre (John Glen, 1985) : "Tanya Roberts était nulle.'" (Richard Maibaum) Coke en stock. Le Papet a foutu les marmots dehors, a sorti les montagnes de schnouf pour sa garden-party, et drague les lecteurs de Globe avec Duran Duran, Grace Jones et Christopher Walken remplaçant au pied levé David Bowie. Dolph Lundgren et Maud Adams font coucou, Roger Moore en fait le moins possible et ça se voit. En parlant de feignasses, les scénaristes se sont levés trop tard et repiquent le plan du méchant dans Superman en alignant des scènes déjà vues ailleurs (des tunnels parce que Le Temple Maudit). Mais j'avoue que c'est plus fun qu'Octopussy, et c'est quand même celui où Moore tire sa révérence, véritable pro de chez pro, qui n'a jamais craché dans la soupe, a tombé plus de films que les autres et n'a même pas eu droit à un petit hommage dans le dernier. Les Broccolis sont des gougnafiers. En revanche, jamais compris le numéro de music-hall avec les papillons au début, sans doute encore une fixette du producteur. A noter aussi qu'après Diana Rigg, Honor Blackman et Joanna Lumley, Bond se tape une autre vedette de Chapeau Melon et Bottes de Cuir en la personne de Patrick McNee.
Tuer n'est pas jouer (John Glen, 1987) : "Je pense que Timothy est arrivé au mauvais moment. Les gens s'attendaient à plus d'humour." (Maryam D'Abo) On va pas se mentir : l'insuccès à l'époque des Bond avec Dalton tient en deux mots, Timothy et Dalton. Déjà il ne porte pas de marcel crasseux mais des pulls en cachemire et il ne finit pas le film en balançant son ennemi d'une tour en feu mais il fait péter le champagne dans la loge de sa copine "Petite sotte, croyais-tu que j'allais manquer ton concert ? hahahaha". Et c'est bien dommage parce que ce côté suranné et romantique injecte une nouveauté cruellement manquante dans l'approche du personnage depuis un bail. C'est d'autant plus frustrant que le film est également excellent. John Glen a bouffé des Frosties et aligne quelques uns des plus beaux plans de la série : Kara dans le viseur, la procession des Moudjahidines à contre-jour, Bond surpris par un projo, la première apparition de Dalton qui se retourne cheveux au vent alerté par le cri d'un collègue double zéro... La grande classe. L'action est aussi soutenue : plein de rebondissements, de traitrise, de changement de lieux. Les scènes de poursuites et de fusillades y sont courtes mais efficaces (à part la scène du décollage de l'avion qui se traîne un peu) et on voit l'argent à l'écran après les épisodes pingres des 80s. Même les gadgets sont rigolos et servent à point nommé (les clés explosives actionnées par sifflement : top !), et Barry signe un adieu au héros avec une musique aérienne et entraînante. Comme dans les meilleurs épisodes l'idylle a une part prépondérante mais là encore on joue la carte de l'inédit puisque Kara est complètement étrangère à ce monde de violence (même Domino avait une part d'ombre) et son intégration progressive à l'action est quasiment un sans-faute. Sans doute, dans sa manière d'insuffler une dominante réaliste à une aventure fantaisiste, une influence pour McQuarrie sur les Mission: Impossible puisqu'il y reprend le combat à l'arrière de l'avion dans Rogue Nation. Et puis, à la fin, on a les Moudjahidines qui débarquent en tenue au concert en s'excusant du retard : "un problème à l'aéroport". Tu m'étonnes.
Permis de tuer (John Glen, 1989) : "On s'est retrouvé à tourner ailleurs que prévu. On a probablement économisé 15 % sur ce qu'on aurait dépensé si on était restés à Londres." (Michael G. Wilson) Les vaches maigres avant l'éclipse. Permis de tuer n'est pas un mauvais film mais pâtit d'une part de la grève des scénaristes qui empêche Maibaum de peaufiner le script et d'autre part des problèmes de financement avec la prod qui délocalise le tournage au Mexique, au grand dam de Peter Lamont, le remplaçant de Ken Adam sur la série, qui faisait jusqu'ici un boulot plus qu'honorable dans un style moins spectaculaire. Mais les problèmes viennent aussi du complexe que font les producteurs face aux blockbusters récents qui ont pas mal ringardisé la série. Rarement, même dans les 70s quand ils louchaient sur la Blax, le kung-fu ou Star Wars, les auteurs n'ont autant copié sur leurs voisins à un niveau qui en devient embarrassant. Lidl Cola des productions Silver comme Jamais plus jamais ne l'était de leur propre série, Permis de tuer offre un John Glen qui singe mal Walter Hill dans une scène de bar, embauche Robert Davi (excellent) et tout les seconds couteaux vus dans Piège de Cristal et L'Arme Fatale, et confie la musique à Michael Kamen qui nous fait un medley de ses meilleurs morceaux. L'atmosphère bien lourde du film est renforcée par le fait que Dalton semble avoir envie d'étrangler de ses mains la Terre entière ce qui crédibilise son Bond vénère mais le rend moins sympathique que dans le précédent. Et comme on est en 1989, les ninjas de Hong Kong sont joués par des Japonais. Ceci dit, le film reste quand même sacrément plaisant avec l'angle d'attaque assez sadique qui fit blêmir le critique télé du Monde : "Film abject sur les 1001 façons de tuer un être humain" ; mais aussi la présence de Benicio Del Toro et une chouette poursuite en camion. Là encore, bon boulot sur les Bond Girls plus étoffées que sous Moore et le début de la rengaine à chaque nouvelle sortie "mon personnage n'est pas juste une potiche, elle n'hésite pas à rappeler à l'ordre Bond et des fois même... à le sauver !"
Top provisoire jusqu'ici :
1. Au service secret de sa majesté 2. Opération Tonnerre 3. Tuer n'est pas jouer 4. Bons baisers de Russie 5. Moonraker 6. Goldfinger 7. On ne vit que deux fois 8. James Bond contre Dr. No 9. Rien que pour vos yeux 10. Permis de tuer 11. Dangereusement Vôtre 12. L'Homme au pistolet d'or 13. L'Espion qui m'aimait 14. Vivre et laisser mourir 15. Octopussy 16. Les Diamants sont éternels
C'est un peu le point d'orgue du making-of* : en fait Stanley Kubrick est venu -à la demande de Ken Adam qui avait bossé avec lui (la War room de Dr Folamour par exemple) - sur le plateau pour conseiller sur la manière d'éclairer le supertanker qui était trop imposant. Avec le temps et le téléphone arabe c'est devenu "Kubrick a réalisé des plans sur l'Espion qui m'aimait".
*où on nous explique aussi "qu'il a donné l'ordre que ça ne s'ébruite jamais" : pas de bol, Stanley.
Le truc des pâtes est vrai aussi : ils ont rapatrié de la bouffe d'Angleterre parce qu'ils étaient tous malades en Égypte. Il y a eu un problème de frigo et la nourriture que l'équipe technique attendait comme le Messie était flinguée, du coup Broccoli a été acheté des pâtes et de la sauce tomate et en a fait pour tout le monde.
Goldeneye (Martin Campbell, 1995) : "Sur le papier, Bond n'avait rien pour attirer les jeunes, toutes les études et statistiques allaient dans ce sens. Le seul argument que John Calley et moi-même avancions c'est que ça avait marché pour nous quand nous étions jeunes. Et on pensait que la nature humaine ne change pas tant que ça, que si nous sortions un Bond vraiment bon, les gens viendraient le voir." (Jeff Kleeman) Bienvenue dans les années 90. Six ans après la plantade de Permis de tuer, les directeurs de production de MGM/UA misent tout sur le grand espoir blanc Pierce Brosnan et sur le réalisateur néo-zélandais Martin Campbell pour ressusciter une série à laquelle personne ne croit plus. Eon est en plein chamboulement avec un Cubby Broccoli très malade et l'arrivée aux commandes de Michael G. Wilson et Barbara Broccoli. MGM commence les négociations par leur mettre la pression en exigeant le départ de Timothy Dalton, et en menaçant de lancer une nouvelle série d'espionnage, basé sur les romans Quiller. Une des dernières décisions du Papet, sera d'accepter et de choisir Brosnan pour le rôle, presque dix ans après l'avoir signé pour Tuer n'est pas jouer, avant que les producteurs de Remington Steele ne foutent la zone. Goldeneye est donc le premier fan-film de la série : jusqu'ici, on retrouvait dans l'équipe artistique des noms familiers. John Glen avait été monteur pour Hunt qui avait lui travaillé pour Young, des acteurs non sélectionnés pour certains rôles revenaient pour d'autres (l'amant de l'agent Triple X dans L'Espion qui m'aimait était en lice pour jouer Bond après Lazenby), les cascadeurs jouaient à se surpasser d'un film à l'autre, itou pour les responsables des effets spéciaux ou des maquettes, les Bond Girls de nationalités diverses parlaient avec les voix des mêmes doubleuses, et ce bon Richard Maibaum venait fignoler ici ou là les scénars. Avec Goldeneye, la famille est éclatée aux quatre vents, Peter Lamont et Rémy Julienne répondent encore présents mais tout le reste est rénové, remplacé par des gens qui ont grandi avec la série mais pas à l'intérieur, à commencer par Brosnan (dix ans au moment de Bons baisers de Russie) dont l'enthousiasme de gamin dans une chocolaterie est rudement communicatif. Martin Campbell a bien compris le mandat et aligne le best-of des séquences de la série : le casino, la méchante Bond Girl qui essaie de le tuer, la gentille qui va l'aider et qu'il doit protéger, les Russes très froids et soupçonneux mais finalement qui sont de notre côté quand une organisation maléfique menace les intérêts communs, de la bagarre à pied, à moto, en char et même sur une antenne satellite (Internet, cette étrange chose...). Bond is back, parce qu'au fond il y avait un manque, il n'y avait personne comme lui. Le miracle de la résurrection a eu lieu : peu à peu la peur de l'an 2000 laisse place au rêve d'un Reich millénaire qui s'annonce glorieux sous la protection d'un 007 qui sourit durant toutes les interviews et se prend au sérieux juste ce qu'il faut pour pas qu'on le confonde avec les deux précédents. Les gens sont heureux, même ta mère qui n'aime pas Bond lance un "celui-là, il est bien", c'est bientôt Noël et les appels à S.O.S. Suicide baissent de 80%, les bénévoles peuvent enfin faire une pause clope et guincher sur Tina Turner, à Gaza les soldats des deux camps troquent leurs armes contre des mandolines et bientôt, oui, bientôt, la gauche réinvestira le Palais Bourbon. On ne peut pas faire mieux, se dit-on, et puis sort...
Demain ne meurt jamais (Roger Spottiswoode, 1997) : "Je ne pense pas qu'on aurait pu avoir un film d'une telle qualité dans les temps si on n'avait pas eu quelqu'un d'aussi compétent que Roger dans la salle de montage, capable de monter le film en même temps qu'il le réalisait." (Jeff Kleeman) 1997. La gauche est au pouvoir et on va gagner la coupe du monde : c'est Noël qui n'en finit pas et pile au milieu d'On connaît la chanson, Volte-Face et L.A. Confidential, dans le top de fin d'année vient s'intercaler Demain ne meurt jamais : "Goldeneye mais en mieux". Pierce Brosnan n'y est plus coiffé comme le mec de la pub Petrole Hahn ; le film ne fait plus de sur-place passé le deuxième tiers ; après son Shaken and Stirred, David Arnold prend enfin la place qui lui revient de droit ; Michelle Yeoh est là et on gaspille son potentiel mais c'est pas une anomalie à l'époque et les scènes d'action envoient quand même du bois ; Terri Hatcher est là mais pas longtemps et ça permet à Vincent Schiavelli de faire coucou (Batman Returns !) ; et le méchant est parfait pour apporter la valeur ajoutée quand on se trimballe avec Les Nouveaux chiens de garde dans la poche. Tout roule : le XXIe siècle sera celui de la Révolution.
Le Monde ne suffit pas (Michael Apted, 1999) : "Les deux autres ont leurs défauts et j'en suis conscient mais celui-ci, qu'il s'agisse d'un burn-out après quatre ans à faire des Bond, ou de la pression de la date de sortie, ou d'autres facteurs, n'est pas à la hauteur, pour moi, des deux autres." (Jeff Kleeman) De l'aveu même des producteurs, la difficulté de trouver une intrigue pour le troisième Brosnan provenait directement de la concurrence d'Austin Powers, à chaque idée lancée, la comparaison avec sa parodie se faisait aussitôt. Plutôt que de s'appuyer sur le solide Bruce Feirstein, Wilson et Broccoli embauchent les duettistes qui vont signer à des degrés divers tous les Bond suivants (et écrire tous seuls comme des grands Meurs un autre jour) : Robert Wade et Neal Purvis. Leurs obsessions sont déjà bien voyantes : "impliquer émotionnellement" Bond dans l'intrigue (parce que faire son devoir ce n'est plus "crédible"), faire sortir M de son bureau pour participer aux missions, aligner les twists éventés durant la promo, accoucher de scènes d'action, aussi pachydermiques dans la mise en place que dans la mollesse, qui ne font pas avancer l'intrigue, charge aux cascadeurs de faire preuve d'imagination. On choisit, après la défection d'Alfonso Cuaron, Michael Apted : nom prestigieux mais qui n'a rien à voir avec le cinéma d'action dont les Bond sont censés être l'un des plus gros représentants. Méga-chiant, impossible à regarder en une fois : des méchants pétés, une intrigue avec un mystère foireux autour d'un pipeline qui va donner des moments d'anti-suspense bien moisi, un montage qui rame pour essayer de mettre du rythme dans des fusillades visiblement pas chorégraphiées. je mets ma main au feu qu'on a repoussé le générique après la poursuite sur la Tamise parce qu'on ne pouvait décemment pas finir sur la chute molle en pleine rue de Bilbao. Le tournant des années 2000 arrivent et Bond n'a jamais été aussi populaire depuis les années 60. Preuve en est que comme dans les 60s les imitateurs pullulent, mais à la différence des 60s, ceux-ci s'insèrent complètement dans la marche du temps et l'industrie où la pop-culture rime avec pop-corn. Bond n'est plus qu'une série, il est ce mythe que toutes les stars s’approprient pour en faire sa propre série : Austin Powers, XXX, Jason Bourne, Johnny English (avec Wade et Purvis à la barre), et Mission: Impossible qui, après le premier épisode qui puisait plutôt à la source des Bond (La Mort aux Trousses), devient le concurrent le plus solide.
Meurs un autre jour (Lee Tamahori, 2002) "Je n'ai jamais sous-estimé l'intelligence du public." (Lee Tamahori) James Bond a 50 ans et se prend la réalité de l'après-11 septembre en pleine gueule : dans le miroir après s'être rasé, Pierce Brosnan grisonnant et impérial, découvre une équipe d'espions prête à filmer ses ébats comme ceux de Sean Connery dans Bons baisers de Russie. Après avoir renvoyé la masseuse qui a essayé de le piéger, il s'arrête pour soupirer. Un des rares moments d'un film englué dans les effets virtuels toc, où pointe l'humanité. Gros bordel qui se casse la gueule au beau milieu après une scène d'escrime plutôt sympa, Meurs un autre jour offre pour son anniversaire, au milieu de tous les clins d’œil hénarumes pour abonnés de la collection dvd Hachette, l'un des rendus visuels les plus dégueulasses de la saga. Vieux, usé, fatigué, Brosnan tombe dans le travers des dernières prestations de chaque acteur (exception faite de Dalton qui n'a pas eu le temps de se lasser) : celui de céder sa place le plus possible à sa doublure pendant qu'il cherche à moitié à se moquer du rôle à moitié à jouer autre chose. Je maintiendrai encore aujourd'hui que Halle Berry n'est pas si mauvaise que ça et l'un des rares points positifs du film. Et si vous ne vous souvenez plus que John Cleese a fait partie de la saga, c'est normal.
Casino Royale (Martin Campbell, 2006) "J'ai été chercher Paul Haggis parce que, honnêtement, le boulot des deux gars s'écartait drastiquement du roman, si vous voyez ce que je veux dire. Avec des grosses scènes d'action autour d'un barrage, ou un truc dans le genre." (Martin Campbell) A la fin des années 90, John Calley passe de MGM à Sony et entreprend de racheter les droits sur les remakes d'Opération Tonnerre détenus par McClory, sachant que Sony possède déjà ceux du roman Casino Royale : son but avéré est de lancer une série concurrente aux James Bond de Eon qui aurait été pilotée par Dean Devlin et Roland Emmerich. Il se servira surtout de ce levier pour débloquer la situation des droits de Spider-Man perdus dans les limbes juridiques entre Sony et MGM. Après un échange digne des transferts d'espions à Berlin, Sony récupère Spider-Man et les Thénardier d'Eon la totale de James Bond. L'apprenant, Tarantino fait des pieds et des mains pour les convaincre d'adapter Casino Royale via Pierce Brosnan et tient à le situer à la fin des années 60 à la suite d'Au service secret de sa majesté. Après avoir botté en touche (trop difficile à adapter, pas assez d'action dans le bouquin, pas question de le situer à l'époque des 60s), les producteurs d'Eon se disent qu'ils peuvent très bien le faire pour une somme modique, sans Brosnan qui est devenu trop gourmand en termes de brouzouf. Comme rien ne se perd, on ressort également une idée datant de l'époque de Tuer n'est pas jouer et blakboulée par le Papet : raconter comment Bond est devenu agent double zéro. Tout ceci pour dire qu'on aurait pu avoir vraiment tout et n'importe quoi à la place de cet épisode, une franche réussite qui est surtout due au retour gagnant de Martin Campbell, qui signe un film encore meilleur que sa précédente résurrection. Il y a quelque chose dans la manière dont a Campbell de raconter l'histoire en collant aux basques d'un Bond investi dans sa mission les 3/4 du temps sans oublier de recréer tout un univers d'espionnage où le danger rode dans tous les coins qui est assez similaire à celle de Young. Jusqu'ici le pré-générique de Goldeneye était le meilleur de la série, mais celui de Casino Royale le surpasse en inventant carrément l'origine du gun barrel : où comment s'inscrire dans la tradition tout en innovant (première utilisation du noir et blanc). Même si on sent que le script était prévu pour un acteur plus jeune, ou à l'apparence plus juvénile (Henry Cavill ou Ewan McGregor semblaient être les favoris de Campbell), le physique a contrario de Brosnan (qui semblait conçu par ordinateur pour aboutir au James Bond ultime) offre dans les scènes de romance un décalage savoureux avec la beauté diaphane d'Eva Green. Le script arrive habilement à insérer le bouquin au milieu des morceaux d'action sans que ça sente le chausse-pied et parvient à animer toute la partie de poker (malgré une péripétie de trop). Campbell (assisté d'Alexander Witt) se surpasse dans des scènes de filatures ou de poursuites lisibles, muettes et tendues (les scènes d'action de Goldeneye étaient aussi bien foutues et carrées mais plus passe-partout). L'émotion qui résulte du final fonctionne d'autant mieux que le personnage de Vesper n'arrive que tardivement dans le film et change tout ce qu'on avait appréhendé du personnage jusqu'alors. La très bonne idée du film, et le liant de tous les ingrédients, est d'avoir montré Bond se planter pendant quasiment tout le film, avant de devenir le Bond familier entré dans la légende. Bien vu aussi de cantonner Le Chiffre à son rôle de baltringue : 007 n'est pas près à affronter les vraies incarnations du Mal. Le tout sans fioritures, ni effets de manche et avec une mise en forme au fond très classique qui tranche avec de nombreux blockbusters de l'époque.
Quantum of Solace (Marc Forster, 2008) "Marc adore les films, c'est un cinéphile, et ça se voit." (Daniel Craig) Pas grand-chose à dire sur celui-ci, parce que c'est à partir de ce moment que la série perd de plus en plus son charme pour moi. Déjà, j'aime bien Daniel Craig en tant qu'acteur, il est vraiment très talentueux et diversifié, avec un look de Steve McQueen 2.0, mais je le trouve quasiment tout le temps à côté de la plaque en Bond. A une exception près, Skyfall, il semble constamment à côté de la plaque à vouloir soit injecter la douleur de la tristesse à son personnage, soit à se barrer du tournage. Et les failles apparaissent très vite : l'histoire se répète de plus en plus vite. Sean Connery avait mis cinq films avant d'avoir des velléités artistiques et de flinguer sciemment un épisode : Les Diamants sont éternels où il grève le budget avec un salaire qui lui permettra de faire The Offence de Lumet, ce qui n'est pas perdu. Brosnan avait attendu le 3e pour commencer à mettre son nez dans le choix des réals et nous avait fourgué Apted. Craig commence dès Quantum of Solace à péter la série avec un épilogue absolument pas nécessaire qui ressasse grassement ce que Casino Royale racontait avec plus de punch. Le film est moins long mais paraît plus lent et le côté festif des Bond est complètement jeté à la poubelle (littéralement d'ailleurs avec le corps de Mathis). A l'arrivée, il est même moins malin qu'il se prétend : c'est une sorte de Permis de tuer de gauche caviar (on a juste échangé les rôles des Bond Girls), avec d'ailleurs les mêmes problèmes de script et de budget que son modèle. Mais au moins, c'est un peu plus nerveux que les suivants.
Skyfall (Sam Mendes, 2012) "Durant la préparation du film, Sam et moi avons épluché le script ensemble, on ne parlait pas seulement du visuel mais aussi de ce qui arrivait aux personnages. C'était génial d'échanger des idées parce que ça a permis de changer le scénario." (Roger Deakins) Idem, je sais pas trop quoi dire sur des films où j'ai vraiment du mal à arriver jusqu'au bout. Craig est vraiment bon dedans, mais Wade et Purvis ressortent la même arnaque que Le Monde ne suffit pas avec un Bond qui oublie qu'il est blessé une fois sur deux jusqu'à ce que le film n'en est plus rien à foutre (ils réutilisent aussi la vendetta contre M qui devrait bosser son relationnel). Tout le délire de la mise au placard du début, plutôt intéressant par ailleurs, retourne sur des rails assez conventionnels avec Bond qui récupère l’œil du Tigre au milieu sans que ce soit vraiment un enjeu vu qu'on est passé entre-temps sur la vendetta de Silva contre M avec le même procédé que The Dark Knight ou The Avengers, ce qui rajoute au côté blobkuster standardisé du tout. Je sais pas si je marche au personnage de Javier Bardem déguisé comme Martin Lamotte à la fin de Papy fait de la résistance, mais le délire du visage fondu ne fait que renforcer la comparaison avec Batman (on a même Alfred et le manoir, quelqu'un s'est un peu emmêlé les pinceaux). Mais c'est surtout la manière de refonder Bond à peine deux films après le dernier relaunch qui m'a gavé. Là où Casino Royale allait à l'essence du perso, ici on donne l'impression de renouveler l'univers mais avec des idées qui mèneront logiquement à une impasse : Moneypenny est une agent de terrain ; mais ça ne servira à rien dans les suivants, Q se moque des gadgets d'antan (avant de planter tout le système informatique du MI6 comme un blaireau) mais va redevenir le professeur Foldingue dans les suivants ; le nouveau M se méfie de Bond mais en fait on s'en fout. Tout ceci me ferait pas tant tiquer si on ne s’appesantissait pas dessus avec une certaine morgue (vraiment, le passage avec Q dans le musée : tout ça pour nous refaire "n'oubliez pas de me rapporter la bagnole entière" dans le suivant), et finalement servir une séquence simili-vintage en conclusion... "Le gout des choses simples", ce qui colle bien avec l'esthétique de pub pour compagnie aérienne que balance Deakins tout du long (bon, j'aime bien le plan au début où l’œil de Bond se retrouve pile au milieu du scorpion qu'il porte sur la main). Il y a quand même un aspect intéressant : l'obsession de restaurer un peu de la fierté patriotique du pays : les cercueils avec l'union jack, le poème, la moitié du film qui se passe au Royaume Uni et va de Londres en Écosse : c'est toute l'Angleterre néo-conservatrice de David Cameron qui se lève quand Bond se tient en sentinelle sur le toit du MI6. Comme Superman qui redresse le drapeau sur le toit de la Maison Blanche.
007 Spectre (Sam Mendes, 2015) "Je préfère m'ouvrir les veines que d'en refaire un." (Daniel Craig) L'Espion qui m'aimait sous Deroxat. Youpi c'est la fête. Y a rien qui va dans celui-ci, vu que même les fans des Craig le notent donc je vais pas tirer sur l'ambulance, d'autant que je le préfère à Skyfall (ça bouge un peu plus, y a un but) et je vais citer quelques éléments que j'aime bien : _ le personnage de Madeleine n'est pas nul : l'idylle est intéressante (la fille de son ennemie, qui est plus dangereuse qu'elle le montre...) _ la première réunion du Spectre qui ressemble à un conseil d'administration de l'enfer. _ Bond flingue plein de méchants, même avec une cagoule intégrale, alors que dans Skyfall il rate une bouteille ou un truc dans le genre. _ la chanson est moins nulle que celle d'Adele
Mourir peut attendre (Cary Fukunaga, 2021)
"Si tu cherches à te venger, creuse deux tombes, une pour toi et une pour ton ennemi." La profession de foi de Wilson et Broccoli pour prouver à Amazon qu'on peut faire une série tv avec Bond, on peut même le virer, si l'acteur est pas dispo, empêtré dans une affaire #metoo ou demande trop de thunes. Bond n'évoluait déjà plus dans un univers bien défini, là il est carrément balloté entre les problèmes existentiels de tout le cast avant d'être éparpillé aux quatre vents. C'était nul, Craig ressemble à Frank Drebin et il était temps de mettre fin à ses souffrances mais l'euthanasier à la Raspoutine en lui tirant dessus, l'empoisonnant et en l'explosant, avant de le faire bouffer par des requins, et re-exploser par des mines de la Seconde guerre mondiale, c'est quand même cruel.
Top final :
1. Au service secret de sa majesté 2. Opération Tonnerre 3. Tuer n'est pas jouer 4. Bons baisers de Russie 5. Casino Royale 6. Moonraker 7. Goldfinger 8. On ne vit que deux fois 9. James Bond contre Dr. No 10. Demain ne meurt jamais 11. Rien que pour vos yeux 12. Goldeneye 13. Permis de tuer 14. Dangereusement Vôtre 15. L'Homme au pistolet d'or 16. L'Espion qui m'aimait 17. Quantum of Solace 18. Meurs un autre jour 19. Vivre et laisser mourir 20. Octopussy 21. 007 Spectre 22. Skyfall 23. Les Diamants sont éternels 24. Le Monde ne suffit pas 25. Mourir peut attendre
Top Bond : je les aime tous (bon, moins Daniel Craig mais voilà) donc comme dans l'Ecole des fans, tout le monde a gagné mais je préfère donner la mention de leur meilleure interprétation : Sean Connery : Goldfinger George Lazenby : ben... Roger Moore : Rien que pour vos yeux Timothy Dalton : Tuer n'est pas jouer Pierce Brosnan : Demain ne meurt jamais (mais dans la première moitié de Meurs un autre jour il est encore mieux) Daniel Craig : Skyfall
Bond Girls : Tracy est hors concours parce qu'on ne classe pas Diana Rigg 1. Fiona Volpe 2. Kara Milovy 3. Domino Vitali 4. Tatiana Romanova 5. Vesper Lynd
Méchants : 1. Goldfinger 2. Blofeld (Pleasance) 3. Le Chiffre 4. Koskov 5. Dr No
Chansons : Hors concours : la reprise de On Her Majesty Secret Service par les Propellerheads 1. Goldeneye (Tina Turner) 2. A View to a Kill (Duran Duran) 3. We Have all the Time in the World (Louis Armstrong) 4. Surrender (KD Lang) 5. You Only Live Twice (Nancy Sinatra)
B.O. : 1. On Her Majesty's Secret Service (John Barry) 2. Moonraker (John Barry) 3. Tomorrow Never Dies (David Arnold) 4. Goldfinger (John Barry) 5. Casino Royale (David Arnold)
Pré-génériques : 1. Casino Royale 2. Goldeneye 3. Au service secret de sa majesté 4. Tuer n'est pas jouer 5. Opération Tonnerre
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Dernière édition par JulienLepers le 13 Jan 2022, 22:13, édité 3 fois.
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