Forum de FilmDeCulte

Il faut reconnaître au film une certaine frontalité: narration sèche, directe (admirable incarnation du précepte "Commencez votre film le plus tard possible"), format court (1h24), non-contournement de la question de l'Islam (on est loin de Boukhrief avec son commando de convertis rouquins). Le trouble moral s'instille dans l'interstice entre la simplicité de l'ensemble et l'inexpressivité opaque de cette endive d'Ahmed.

Ceci étant dit, je trouve que le niveau global du jeu d'acteur est assez moyen pour un Dardenne, et l'intérêt que j'ai pour le film provient trop du scénario et pas assez des "images" - ou absence de.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste

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J'aime l'équilibre dans lequel se tiennent les Dardenne avec comme tu dis une radicalité dans l'écriture du perso. Ahmed est complètement fermé, insondable mais je me suis paradoxalement attaché à lui...comme on peut s'attacher à un gamin maladroit extrêmement borné, plutôt intelligent. C'est le truc qui m'a surpris : ils en font quelqu'un d'assez futé finalement (le coup de la brosse à dent)...Le retournement presque mystique est assez beau.

Tu veux dire affûté ? Blague à part, j'ai été impressionné par la tension qu'ils parviennent à créer avec trois fois rien.

Le film a un côté bressonien, l'affutage de la brosse à dent c'est un peu le démontage de la porte avec une petite cuillère dans Un condamné à mort s'est échappé, le quasi non jeu du gamin participe également au rapprochement. Non franchement le film est loin d'être mauvais, il m'a un peu fait penser à La désintégration de Faucon, le prix de mise en scène ne me semble pas usurpé (en tout cas il n'est pas du tout honteux)

Complètement, je pense que c'est leur plus bressonien.

Peut-être le film le moins "aimable" des Dardenne. Ahmed est un jeune homme insondable, passablement terne et mou mais finalement à l'image d'une certaine adolescence. C'est ça qui m'a touché et ému dans ce film où il faut faire la démarche d'aller chercher l'émotion parce qu'elle ne viendra pas naturellement (sauf peut-être à la fin). Le fait que finalement Ahmed est un jeune homme aux hormones en feu qui ne parvient à les exprimer que par une violence qui se confronte à une vision radicalisée de sa religion. Tout ce qui se passe avec la jeune fermière me semble être le cœur (tardif) du film. Et la fin qui demande quand même un sacré saut de foi est assez belle dans sa littéralité, comme une pure idée poétique, mythologique même, que les Dardenne posent tel quel et demerdez-vous. Le geste est fragile, à la limite du ridicule, mais très beau. A plusieurs reprises dans le film on appelle Ahmed, hors-champ, on prononce son prénom et au son c'est mis en avant, comme plus pur (on le sent d'ailleurs dès la bande-annonce) et ça m'a semblé assez évidemment une espèce de pied-de-nez à l'appel religieux. Alors qu'Ahmed pense être appelé par dieu, il est en fait appelé par les hommes qui veulent l'aider. Une idée subtile mais qui m'a semblée assez forte. Pas le meilleur film des frangins mais je l'ai largement préféré au précédent.

4/6

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CroqAnimement votre

Ok, on dirait de plus en plus Hadjewich chez les ados (qui est une époque de la vie assez difficile à circonscrire) et et sans le côté mystique post-pseudo bressionien de Dumont. Donc pourquoi pas ? Un 4/6 sur est un why not non ?

Non, non et non. Un, cette scène de brosse à dent et le jeu falot du gamin (quel rapport d'ailleurs avec les modèles bressoniens ?!) ne suffisent pas à convoquer Bresson. Qu'on aime ou pas, Bresson c'est qqch de bcp plus complexe que ces deux trucs anecdotiques et cette mise en scène simplement réaliste. Deux, aucun rapport entre le film de Faucon et celui-ci puisque Faucon fait une sorte de "film dossier" qui vise à nous expliquer sociologiquement les raisons d'une radicalisation (chômage, exclusion, racisme). Tout au contraire, le film des Dardenne vise à ne donner aucune piste sociale à la radicalisation d'Ahmed.

Ni d'ailleurs à sa déradicalisation ou au moins disons à son pardon final soudain (c'est sans doute la mm chose, puisque celui-ci était impossible en raison de ses croyances). On a l'impression que la chute du gamin provoque sa déradicalisation, c'est vraiment n'importe quoi, pourquoi pas traiter les fichés S aux électro-chocs du coup ?! Ca m'a rappelé (ds un tt autre registre) le dolorisme qui fait naître la libération finale (de quoi on sait pas trop, mais c'est une autre question) de la fille dans "Midsommar". Mais j'ai trouvé encore pire le côté très anxiogène qui entoure tout ce qui touche à la religion musulmane, genre "même ton épicier du coin peut être un intégriste, et s'il est sympa avec toi aujourd'hui c'est parce qu'il prépare le Djihad de demain". Le début de la radicalisation du garçon n'est pas montré, mais son passage à l'acte (manqué) par trois fois me paraît aussi extrêmement exagéré (en regard de la réalité), comme si les Dardenne nous laissaient comprendre que n'importe où se terrent des jeunes prêts à passer à l'acte aussi facilement et systématiquement. Passons sur le fait que le profil du gamin ne correspond pas précisément au profil des individus qui ont tué au nom d'Allah en France ces dernières années (âge, parcours individuel, milieu social). On reste très largement du côté des fantasmes médiatiques servis à longueur de journée.

Quand à l'histoire avec la fille à la campagne, franchement impossible d'y croire une seule seconde, c'est totalement artificiel. On les voit ensemble deux ou trois scènes, donc son attirance pour Ahmed reste totalement opaque, d'autant plus qu'on n'imagine pas qu'elle ne connaisse pas ses antécédents qui devraient sans doute l'inviter à se méfier un peu. De toute façon la mise en scène, à l'image du personnage (comme d'habitude chez les Dardenne trop) central, glisse sur à peu près tout, trop préoccupée qu'elle est de suivre celui-ci comme un bon toutou qui rapportera, in fine, la palme d'or à ses maîtres.