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Tu parles pour toi ou la réception à l'époque? C'est justement un des Dardennes qui a reçu un des meilleurs accueils. Et le prix du scénario faisait vraiment sens

J'avais oublié qu'il avait eu le prix du scénario (mais j'avais oublié la règle où ils ont un prix à chaque fois). Mais dans mon souvenir il avait été assez mal accueilli par la presse (possible que je me plante).

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CroqAnimement votre

Tu dois confondre avec un autre parce que son accueil avait été très bon. C'est effectivement intéressant de tisser des parallèles avec Tori et Lokita, car les films ont pas mal de sujets communs. Et même si j'apprécie son dernier, il lui est inférieur. D'habitude, je trouve le prix du scénario souvent un peu fourre-tout mais il était parfaitement mérité pour Lorna, juste pour son ellipse du milieu et comment ses répercussions sont gérées par la suite. Et pour le coup, ça doit être un des Dardennes les plus surprenants dans son déroulé.

alors personnellement, et je sais que je suis très solitaire, j'ai trouvé ça atrocement mal joué. récité, mécanique, les gestes manifestement répétés et reproduits tels quels. certes, ils ne sont pas aidés par des dialogues qui ressemblent à ceux de robots tentant de reproduire une conversation humaine, mais il n'y a pas une seule interaction à laquelle j'ai cru, pas un moment où j'ai vu un être humain là-dedans. et ce n'était pas qu'eux d'ailleurs, c'est vrai de plein de personnages secondaires.

alors les dardenne ont toujours utilisé leurs personnages comme des pions, ils ne les ont jamais autorisés à sortir des cases et des scènes prévues pour eux, mais ça fonctionnait parce que, en plus de l'aspect social, il y avait une mécanique narrative implacable dans laquelle les êtres humains se débattaient comme ils pouvaient. ici, il n'y a pas ça, on est même à la limite du scénario post-it - une accumulation de merdes qui s'abattent sur les migrants, compilés d'articles etc, et qui s'enchainent les uns aux autres au mépris d'une certaine vraisemblance.

c'est du coup assez difficile de ne pas diagnostiquer un épuisement fondamental de leur cinéma, parce que c'est donc pas très inspiré, pas très bien écrit, réalisé en mode pilotage automatique. ce qui est assez logique, ils sont humains. le fait que ça fait 25 ans qu'ils font le même cinéma, au même rythme, pour présenter leur film au même festival, recevoir les mêmes prix les uns après les autres - n'importe quel artiste y perdrait son jus. on peut pousser plus loin en relevant qu'ils ont touché 300k chacun pour faire le film, avant donc de le présenter dans le festival le plus glamour du monde, pour faire un film misérabiliste au possible sur les damnés de la terre. à un moment donné, ils sont humains, le fait est qu'il y a une petite dichotomie compliquée à surmonter. et ils marchent de moins en moins, celui là a été leur pire flop, et je ne pouvais pas m'empêcher de penser que c'était donc un film de migrants, un peu une tarte à la creme franchement, et de la même manière que la gauche politique a manifestement du mal à trouver les thèmes et les discours susceptibles de mobiliser les foules, ces grands cinéastes de gauche ont eux aussi du mal cette dernière décennie à se réinventer et à comprendre la société pour dialoguer intelligemment avec elle.

d'autant que j'ai trouvé le discours fort peu convainquant. la manière dont ils divisent tout le monde entre les gentils et les méchants est franchement indigne d'eux. comme le dit gontrand, je ne suis pas sûr qu'ils ont bien maitrisé la manière dont le film montre les migrants comme les vecteurs de toutes sortes de délinquance, de la chair à canon pour les pires trafics de l'humanité. la dernière réplique est alors une insulte à l'intelligence, à un point où j'ai du mal à penser qu'ils y croient eux-mêmes. et la paresse de la mise en scène, de l'écriture, de la conception du film finit par une paresse intellectuelle à laquelle ils n'avaient pas habitué, celle de refuser la complexité des êtres et du monde pour lui plaquer une grille de lecture binaire uniquement destinée à se faire sentir moralement supérieur le grand théâtre lumière.

bref, je pense vraiment qu'ils sont en fin de parcours et qu'il n'y aura plus de rebond et qu'ils devraient désormais se concentrer à trouver leur successeur qui saura réinventer tout ça pour créer une nouvelle génération de films de gauche susceptibles de conquérir les cœurs et les cerveaux. toute ressemblance...