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MessagePosté: 27 Mai 2014, 14:40 
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Rien que pour les idées que les frères Dardenne articulent, pour leur clareté, "Deux jours, une nuit" est à voir. Ils regardent une société contemporaine droit dans les yeux, et nomment les choses telles qu'elles sont. Je trouve l'acuité de leur regard, leur refus de l'aveuglement, la limpidité de la pensée qu'ils développent ensuite et la précision de son incarnation dramatique, phénoménales.

Réellement bouleversé à deux-trois reprises jusqu'aux larmes, sans m'y attendre, par la puissance des échanges, dans l'instant. Toujours cette capacité très belle de faire jaillir un geste humain au milieu de l'inhumain, un sentiment à un moment où on ne s'y attend pas, où on ne le croit plus possible. Mais...

Globalement je ne parviens jamais à réellement me détacher du concept du film, de la démonstration d'une équation (évidemment super pertinente et par laquelle je me sens concerné) mais il me manque... quelque chose à comprendre, à découvrir, à continuer à ronger après le film... A mes yeux, c'est de loin leur film le plus rationnel, le plus mathématique, le plus conceptuel.

Par ailleurs, "Deux jours, une nuit" est un gros virage dans la filmographie des frères Dardenne. Disparition de la radicalité formelle (plan large fixe sur pied, panos, caméra épaule, champ contre champ, plan qui dure moins de trente secondes suivi de longs plans séquence) - disparition du corps mû par une vitalité irrépressible - apparition d'un corps fatigué qui ne pourra bientôt plus bouger - disparition surtout du corps qui veut à tout prix tenir debout, même seul. Sans l'autre, le corps tombe. C'est une donnée ici, jusque là, c'était une question dans leur cinéma, un doute.
Arrivée aussi d'un groupe, d'une collectivité - et je crois que j'ai rarement vu la complexité du rapport individu/collectif dramatiser de façon aussi sobre et évidente dans la société contemporaine.

Vision chrétienne ? A contre sens de la vision dominante de la "chrétienté" alors...
Personnage christique ? A l'opposé justement.
Fortement imprégnés par la culture judéo-chrétienne ? Oui, mais sans l'hypocrisie, très courante d'ailleurs de ceux qui parviennent à dire qu'ils ne sont pas marqués par 2000 ans de culture. Ils tiennent compte de cette culture, oui... et comment pourrait-il ne pas le faire lorsqu'il se penche sur le monde avec autant de lucidité...

Mais l'histoire de Sandra est précisément l'histoire de quelqu'un qui arrive (avec de l'aide) à ne pas se laisser tuer, crucifier, qui refuse cette violence et qui refuse de la perpétuer aussi. Film qui raconte que la crucifixion (le meurtre) que réclame la culture chrétienne dominante (justement!) n'est pas nécessaire!

De la même façon les frères Dardennes réaffirment leur conviction et leur vision que le système capitaliste est un système qui appelle au meurtre de l'autre pour survivre, et ne pas devenir un tueur est un choix et que ce choix est à tous.


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MessagePosté: 27 Mai 2014, 16:22 
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Un autre link vers Dieu:
Le mari s'appelle Manu.

> Emmanuel > Dieu est avec nous.

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Ed Wood:"What do you know? Haven't you heard of suspension of disbelief?"


Dernière édition par Arnotte le 27 Mai 2014, 18:43, édité 1 fois.

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MessagePosté: 27 Mai 2014, 17:16 
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Il n'y a que moi qui est trouvé l'approche maladroite ?

On se retrouve quand même rapidement avec quelques choses d'assez manichéen, finalement.

Quasiment tous ceux qui n'acceptent pas de voter pour que le perso de Cotillard soit réintégrer dans la boite sont décrit soit comme égoïste/superficielle (une des premières meufs qu'elle va voir), soit comme lâche (celle qui veut pas lui parler; le contre maître), soit comme violent (le mec du couple qui vient d’emménager; celui qui pète un plomb un peu gratuitement dans le garage), sans vraiment nuancer tout ça. Je crois qu'il n'y a pas un personnage qui votera pour avoir sa prime qui ne soit présenté comme un salaud.
J'ai trouvé ça vraiment maladroit, voir presque ridicule (lors du vote, quand les deux "clans" s'agressent verbalement).

Et puis au final finir sur le personnage de Cotillard qui, elle, prend la décision (sans même y réfléchir) de quitter la boite plutôt que de prendre la place d'un CDD...c'est quand même super léger.


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MessagePosté: 27 Mai 2014, 17:43 
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El Topo a écrit:
Et puis au final finir sur le personnage de Cotillard qui, elle, prend la décision (sans même y réfléchir) de quitter la boite plutôt que de prendre la place d'un CDD...c'est quand même super léger.

Euh ... c'est l'évidence même ce choix. Si elle accepte, ou même y réfléchit ne serait-ce qu'une minute, c'est le contre-sens parfait avec les 1h30 précédentes.

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Castorp a écrit:
Nan mais je suis d'accord avec Antigone, là.


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MessagePosté: 27 Mai 2014, 19:51 
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Arnotte a écrit:
Un autre link vers Dieu:
Le marie s'appelle Manu.

> Emmanuel > Dieu est avec nous.


Je ne nie pas les multiples références et allusions aux textes bibliques, pas plus qu'un questionnement de la figure christique. Toute l'oeuvre des Dardenne est traversé par ces références et par ce questionnement. Ces références ne font pas de "Deux jours, une nuit" un film "chrétien" ou un film qui porte une vision ou une pensée chrétienne. Les frères, comme je l'ai dit plus haut, questionne cette histoire et cette culture précisément. Et leur vision par contre est, à mon sens, aux antipodes de l'enseignement chrétien dominant justement. La trajectoire de Sandra n'est pas une métaphore christique, mais une tout autre histoire, un cheminement tout à fait autre, il me semble... Du coup, je trouve ça dommage de plaqué "figure christique" ou 'chrétien" sur leur travail et leur vision, sans en expliciter le sens. Si on veut appeler le cinéma des Dardenne "chrétien" ca vaut la peine d'expliciter ce qui le rapproche de la chrétienté, mais aussi, et particulièrement dans ce film-ci, ce qui l'en éloigne.


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MessagePosté: 27 Mai 2014, 19:53 
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MessagePosté: 27 Mai 2014, 20:22 
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El Topo a écrit:
Il n'y a que moi qui est trouvé l'approche maladroite ?

On se retrouve quand même rapidement avec quelques choses d'assez manichéen, finalement.

Quasiment tous ceux qui n'acceptent pas de voter pour que le perso de Cotillard soit réintégrer dans la boite sont décrit soit comme égoïste/superficielle (une des premières meufs qu'elle va voir), soit comme lâche (celle qui veut pas lui parler; le contre maître), soit comme violent (le mec du couple qui vient d’emménager; celui qui pète un plomb un peu gratuitement dans le garage), sans vraiment nuancer tout ça. Je crois qu'il n'y a pas un personnage qui votera pour avoir sa prime qui ne soit présenté comme un salaud.
J'ai trouvé ça vraiment maladroit, voir presque ridicule (lors du vote, quand les deux "clans" s'agressent verbalement).

Et puis au final finir sur le personnage de Cotillard qui, elle, prend la décision (sans même y réfléchir) de quitter la boite plutôt que de prendre la place d'un CDD...c'est quand même super léger.


Rapidement, je suis plutot d'accord avec ça, et j'ajouterai que je trouve également la représentation de la direction de l'entreprise hyper caricaturale. Jamais on a le point de vue de l'entreprise, il y'a aucune contextualisation, mais on nous sert des archétypes un peu lourds et manichéens, en effet. Le passage en revue des différents collègues de Cotillards ça fait un peu galerie exhaustive des types de réactions prévisibles de la part des persos.

J'ai un peu de mal aussi avec cette construction qui essaye de faire monter un suspene sur le résultat du vote qu'on voit venir à des kilomètres, tout ça pour s'achever sur un semi-twist histoire de boucler le film droit dans ses petits clous, ça me semble un peu malhonnête.


J'ai pas été non plus convaincu ni ému par le binome du perso de Cotillard avec son mari.

Bon pour relativiser je crois que je m'étais un peu trop chauffé après l'accueil cannois et la réaction dithyrambique d'Arnotte notamment, ça donne une belle déception au final.

2/6


Dernière édition par Mickey Willis le 28 Mai 2014, 08:10, édité 1 fois.

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MessagePosté: 27 Mai 2014, 23:56 
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Ah ben non, non, non... "malhonnête" et "manichéen" sont des adjectifs qui conviennent tellement pas au regard des frères Dardenne.
J'ai carrément du mal à comprendre comment on peut voir ça dans le film. Malhonnête envers qui ? Et où est le manichéisme ? Il est où le bien et le mal dans leur mise en scène ? Elle est où la sur-simplification, le regard réducteur ?
C'est trop facile de taxer le film de manichéisme parce qu'il parvient à nommer précisément des conflits. Mais les conflits qu'ils nomment sont loin d'être manichéens.


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MessagePosté: 28 Mai 2014, 12:51 
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Perso j'ai rien de particuler à redire sur ton analyse, il s'avère que ce parcours de croix assimilé m'a plombé la promesse politique du film. Je dis pas que c'est raté dans son concept, je dis que c'est précisément le concept qui foire pas mal de trucs à mon sens. Notamment les 2 crises d'énervement du gamin qui font tâche, dénaturent le côté résigné de l'affaire; résignation qui, par ailleurs, ne m'a pas emballé. Comme tu le dis plus haut, je préfère quand il y a rebellion. Là, y'a une résonnance morbide avec la résignation actuelle qui m'a saoulé.


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MessagePosté: 28 Mai 2014, 13:39 
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Harry White a écrit:
Mais les conflits qu'ils nomment sont loin d'être manichéens.


En l'occurence leur représentation l'est un peu, quand même. Est-ce que pour raconter cette histoire on était obligé de donner un rôle de martyr à Cotillard pour forcer l'empathie sur son personnage, est-ce qu'il fallait forcément que ses patrons soient à ce point des connards, que ceux qui s'opposent à son licenciement soient pour une partie vulgaires et violents, etc ? J'estime quand même qu'il y'avait moyen de viser plus juste en balayant tout ce genre de poncifs qui engluent le film dans une forme de caricature selon moi (et d'autres).

Au final, je trouve que le film est plombé à cause de tous ces écueils que les Dardenne ne parviennent pas à éviter, à mon sens. Je trouve ça trop grossier pour que ça me touche.


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MessagePosté: 28 Mai 2014, 21:53 
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J'ai très franchement du mal à voir comment on peut trouver ce film grossier au-delà du dispositif certes répétitif sur la forme mais toujours renouvelé en son sein par des confrontations à chaque fois différentes qui incarnent la singularité profondément humaine de chacun des protagonistes. Il y a quelque chose de brut dans ce film qui échappe à toute catégorisation, justement. Les hésitations, les regards, les petites lâchetés tout de suite tempérées par des raisons objectivées et bien compréhensibles, le poids de l'avis des autres souvent demandé, tout cela contribue à mettre en tension les attitudes, les pensées, les interactions humaines d'une part, et le système, le bloc, l'organisation mathématique des choses d'autre part. Les Dardenne montrent méthodiquement que le capitalisme est l'art de monter les individus les uns contre les autres, viscéralement.

Le film est frontalement politique, et alors? Les temps qui courent appellent le politique, hurlent sa nécessité. A un moment donné, il faut s'engager et oui, le film ne prend pas de gants vis-à-vis des hommes qui ont le malheur d'être les décideurs dans ce système inhumain. Chaplin prenait-il des gants dans Les Temps modernes? Cela ne l'empêchait-il pas de dérouler un programme à l'humanisme inclusif y compris vis-à-vis des bourreaux, montrant que l'ennemi n'était jamais à chercher dans la personne mais toujours dans leur organisation, manifestation bancale d'esprits peu nourris par la réalité? Le dernier plan est d'ailleurs, consciemment ou non, un très beau clin d'oeil à Charlot qui, contre mauvaise fortune bon coeur, se vit dans le mouvement, repartant à l'aventure à l'acmé de sa misère. Personnellement, je suis sorti du film et en marchant dans la rue pour rentrer chez moi, j'ai eu la sensation de pouvoir regarder les gens différemment, de voir vraiment leur visage et ce qu'il y avait d'humain en lui. Et ça c'est tellement rare.


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MessagePosté: 28 Mai 2014, 23:40 
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Mickey Willis a écrit:
Je trouve ça trop grossier pour que ça me touche.

J'ai un vrai problème avec les mots "grossiers", "caricatures" et "manichéen" pour parler de "Deux jours, une nuit".

En quoi est-ce que c'est un problème de raconter l'histoire de quelqu'un qui est victime du monde du travail, d'une organisation sociale et économique. En quoi est-ce que c'est caricatural de la nommer et de la représenter cinématographiquement et dramatiquement "victime"(ou martyr si tu veux) ?
Ce n'est pas parce que c'est une banalité de notre système, que la personne n'est plus une victime, et qu'elle n'est pas digne d'être reconnue et racontée comme telle.
Ce n'est pas parce qu'un patron a une raison valable économique de virer une employée, que l'employé n'est pas une victime. Et ce n'est pas parce qu'elle est victime que le patron est un salaud. Je trouve que le film met en scène admirablement bien cette nuance et cette complexité, loin de tout manichéisme. Précisément.

De plus, la représentation que les frères Dardenne font de cette "victime" au départ et le récit qu'ils déroulent, il me semble, amène justement une réflexion nuancée à cet état de fait de notre organisation du travail et de l'économie, qui fait des victimes, qui en a besoin pour survivre. Sans victime, notre organisation sociétale ne tient plus debout. Mais le film ne s'arrête pas là, ne se contente pas de ce constat. "Deux jours, une nuit" c'est précisément le récit de quelqu'un qui a peur, qui ne peut plus supporter cette position de victime, qui doit trouver un moyen pour ne pas rester victime
(sinon elle meurt), qui lutte pour ça et qui finit ('soutenue et aidée par d'autres) par ne pas perpétuer cette victimisation, ou du moins, par rompre, à son échelle, la reproduction de cette violence-là.
C'est une façon de penser l'humain très puissante à mes yeux. Paradoxalement, en racontant que la solidarité est une lutte, une épreuve, un choix et qu'elle n'est pas une donnée, le film raconte que notre système inhumain est de la même façon une lutte, une épreuve, un choix et pas une fatalité.


Je ne vois pas de jugement de la part des frères Dardenne - que ce soit sur ceux qui votent contre son retour, ou ceux qui votent pour. Il y a une interdépendance représentée, il me semble de façon assez complexe. Tous sont en prise avec un même système. Ce que le film s'acharne à raconter (et je comprends qu'on puisse trouver ça insistant parfois dans son acharnement, mais pas grossier et ce n’est même plus une critique du capitalisme) c'est que le rapport à ce système est un choix, et un choix difficile, qui demande à être éprouvé, vécu,... un choix qui peut-être discuté, partagé, mais ce n'est pas une fatalité. Et ils ne jugent pas les choix des personnages.
Même le contremaître, celui qui est peut-être finalement représenté avec le moins d'ambiguité (même s'ils parviennent à installer un doute quand il dit qu'il n'a jamais essayé de faire peur à qui que ce soit), est épargné d'un jugement avec cette fameuse réplique où elle dit "tu n’as pas de coeur"... Elle ne dit pas "t’es un salaud"... C'est ça, notamment, ici dans un petit détail, la précision d'écriture dardennienne que j'admire.


Je suis curieux de savoir concrètement pour toi, à quel moment, le patron est-il représenté, mis en scène comme un connard ou un salaud ?

Conscient ou inconscient ?
Baptiste a écrit:
Le dernier plan est d'ailleurs, consciemment ou non, un très beau clin d'oeil à Charlot
Arnotte a écrit:
Bref, je suppose que c'est inconscient ou du moins involontaire, mais c’est clairement le film le plus chrétien des frères

Il n'y a pas grand chose d'insconcient dans le travail fini des frères Dardennes. Toutes les références sont reconnues et accepter par les deux frères ou ne seraient pas là. Ils sont dans une telle maîtrise et une telle conscience de leur matière de travail que ça ne leur échappe pas. Je ne dis pas qu'ils se disent "on va faire un clin d'oeil à Charlot" - mais quand le plan se dessine, ils savent que ce lien est là et ils décident de le garder ou pas. Même chose pour toutes les références bibliques, les prénoms... Tu soulignais, Arnotte, que le personnage de Rongione s'appelle Manu - Emmanuel (de l'hébreu Dieu avec nous)... Tout comme Sandra - Alexandra (du grec, protecteur, defenseur de l'homme).
Il n'y a pas dans le cinéma des frères Dardennes, du plus ou moins conscient, ou plus ou moins volontaire... Ce qui est concrètement à l'écran est conscient et volontaire.


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MessagePosté: 29 Mai 2014, 02:35 
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Moi ce qui m'a vraiment dérangé, c'est comme dit plus haut, la description assez réductrice et caricaturale des personnages qui ne vont pas aller dans son sens, sans parler du caractère violent de certains qui m'a parut totalement injustifié. Je trouve que ça limite le propos à une opposition au final assez simpliste.
Hormis un ou deux personnages dont on comprend (très rapidement et en surface) les raisons qui les poussent malgré eux à voter pour leur prime plutot que pour Cotillard, les autres sont rapidement taxés d'égoïsme. Si c'est de cette façon que les Dardenne prennent partie pour leur héroïne, ok, mais ça n'ouvre pas le débat et surtout ça devient une leçon de moral assez gênante.
Enfin je trouve ça curieux, le sujet du film se limite au final à un chemin de croix assez réducteur qui, pour ma part, ne pose pas de réelle réflexion, en tout cas pas celles qui m'auraient intéressé.
Et puis le soucis n'est pas de poser le personnage comme victime, ça très bien. Mais en faire une martyr, qui subit les attaques des uns, contre le soutien tout en pitié (ou piété) des autres, avec ses conflits intérieurs, mais qui en même temps pardonne tout...
Je n'ai pas eu le sentiment d'une histoire d'un grand réalisme. Il manquait, selon moi, quelques nuances.


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MessagePosté: 29 Mai 2014, 09:48 
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Harry White a écrit:


En quoi est-ce que c'est un problème de raconter l'histoire de quelqu'un qui est victime du monde du travail, d'une organisation sociale et économique. En quoi est-ce que c'est caricatural de la nommer et de la représenter cinématographiquement et dramatiquement "victime"(ou martyr si tu veux) ?
Ce n'est pas parce que c'est une banalité de notre système, que la personne n'est plus une victime, et qu'elle n'est pas digne d'être reconnue et racontée comme telle.


Je n'ai aucun problème avec tout ça, je trouve juste que c'est trop simpliste, vu et attendu dans le film. Mais je crois que l'on ne l'a de toutes façons pas vu de la même façon, car si l'on s'attache à l'exemple du patron:

Citation:
Ce n'est pas parce qu'un patron a une raison valable économique de virer une employée, que l'employé n'est pas une victime. Et ce n'est pas parce qu'elle est victime que le patron est un salaud. Je trouve que le film met en scène admirablement bien cette nuance et cette complexité, loin de tout manichéisme. Précisément.


Citation:
Je suis curieux de savoir concrètement pour toi, à quel moment, le patron est-il représenté, mis en scène comme un connard ou un salaud ?


Là dessus ça m'ettone car je trouve le film sans détour sur sa représentation de l'organe de direction de l'entreprise: rien que sur le postulat du film, le fait d'organiser un vote des employés pour parvenir a licencier un de leur collègue je trouve ça particulièrement horrible et malsain, mais par la suite pas plus de nuance ne sera apportée à ces personnages que l'on voit manipuler les employés, mentir, faire pression, menacer, agresser verbalement cottilard, il n'ya pas le moindre signe d'empathie sur le sort qui lui est réservé... Rien, à aucun moment n'offre une chance aux spectateurs de donner du crédit à leurs motivations. Ce sont des salauds du début à la fin.

Leur entreprise va mal, ils doivent diminuer les charges et s'aperçoivent qu'ils sont capables d'être aussi productifs avec une équipe restreinte, tout ça ça constitue une raison économique valable de réduire leur effectif (et je ne dis pas "virer des salariés" volontairement), tout ça serait un contexte un peu bateau mais acceptable. Or, c'est jamais montré dans le film, à peine évoqué par les employés qui souhaitent préserver leurs primes, et le reste relève d'une sorte de diabolisation de tout ce qui a trait à l'entreprise.

Et pourtant j'adhère sur le fond à ce que dit Baptiste, notamment:

Citation:
Le film est frontalement politique, et alors? Les temps qui courent appellent le politique, hurlent sa nécessité. A un moment donné, il faut s'engager et oui, le film ne prend pas de gants vis-à-vis des hommes qui ont le malheur d'être les décideurs dans ce système inhumain.


Je suis totalement d'accord en théorie, mais justement ce qui m'ennuie c'est que ce que moi je trouve vulgarisé et manichéen dans Deux jours, une nuit enlève à mes yeux toute sa force au propos du film. Et si vous en arrivez à faire le rapprochement avec les temps modernes c'est aussi que vous trouvez quelque part que le film des Dardenne est caricatural. Mais la caricature c'est l'essence même du film de Chaplin puisqu'on est ouvertement dans la satire et la moquerie, la caricature donne de la force aux Temps modernes parce qu'elle attaque le système qu'elle dénonce en le tournant en dérision. On peut pas selon moi justifier la démarche des Dardenne en montrant l'exemple de Chaplin, alors que chez les belges on se retrouve dans un premier degré froid et résolument réaliste.


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MessagePosté: 29 Mai 2014, 09:51 
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El Topo a écrit:
Moi ce qui m'a vraiment dérangé, c'est comme dit plus haut, la description assez réductrice et caricaturale des personnages qui ne vont pas aller dans son sens, sans parler du caractère violent de certains qui m'a parut totalement injustifié. Je trouve que ça limite le propos à une opposition au final assez simpliste.
Hormis un ou deux personnages dont on comprend (très rapidement et en surface) les raisons qui les poussent malgré eux à voter pour leur prime plutot que pour Cotillard, les autres sont rapidement taxés d'égoïsme. Si c'est de cette façon que les Dardenne prennent partie pour leur héroïne, ok, mais ça n'ouvre pas le débat et surtout ça devient une leçon de moral assez gênante.


On n'a pas vu le même film quand tu dis qu'il décrit ceux qui refusent de voter pour Sandra comme des égoïstes. Au contraire tout est fait, des dialogues à la mise en scène, pour humaniser les raisons de ces personnes et les insérer dans un système plus vaste qui les dépasse et contre lequel ils ne peuvent qu'avoir du mal à lutter. Pour moi, il n'y a pas de dichotomie égoïste/altruiste, davantage une dichotomie faible/fort, les forts étant ceux qui malgré la logique du système se révoltent pour donner leur prime. Mais les faibles ne sont pas jugés moralement. Et encore, les faibles sont montrés la plupart du temps comme ceux qui sont le plus dans la merde financièrement, donc forcément, ils sont en position de faiblesse, non par nature, mais par imbrication.


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