Ah, le romantisme n'est pas mort.
Outre son retour au cinéma en prise de vues réelles,
Flight a surtout marqué le retour de Zemeckis à du cinéma pour adultes. Il est évident que je ne cherche pas à dénigrer le cinéma qui cible un public plus jeune, ce serait hypocrite de la part d'un fan de blockbuster comme moi, mais je n'avais jamais vraiment remarqué que les films de Zemeckis, s'ils sont évidemment ouverts au grand public, ont plutôt l'habitude de viser un public plus mûr.
Même ses films plus "récréatifs" comme la comédie fantastique
La Mort vous va si bien ou l'horrifique exercice de style
Apparences ne cherchent pas à plaire aux 12-25 ans. Ce n'est pas forcément un critère de qualité mais j'admire l'ambition du cinéaste qui enchaîne pourtant les déceptions au box-office de continuer à proposer du divertissement pour adultes à l'heure où ce registre semble être assuré par des fiascos tels que
Jack Reacher 2 et
Da Vinci Code 3.
Après un drame humain de 2h20 et un biopic sur un funambule, déjà pas des
high concepts qui font rêver le quidam, Zemeckis a l'audace de se foutre plus que jamais du public de 2016 avec un thriller presque désuet dans son classicisme. Re-création d'un cinéma à l'ancienne,
Alliés est également une oeuvre indubitablement personnelle permettant à l'auteur de travailler ses obsessions au travers d'un genre qu'il n'avait jamais abordé jusqu'à présent.
Avec
Apparences, Zemeckis s'était déjà essayé à l'exercice de style hitchockien mais ce dernier opus lorgne davantage du côté des films d'espionnage de l'illustre metteur en scène, abandonnant l'horreur pour le romantisme. Et le romantisme du récit n'a d'égal que celui de la démarche du réalisateur qui ne signe pas tant un hommage aux films à suspense de son modèle mais une oeuvre qui semble directement échappée de l'époque, jusque dans les décors qui assument de faire studio. C'est à se demander si les quelques incrustations sur fond vert ultra-visibles ne sont pas délibérées.
Tout juste Zemeckis se permet-il les ajouts que la censure d'autrefois interdisaient. Toutefois, montrer sexe et violence n'est jamais gratuit ou racoleur. Il ne le fait parce qu'il le peut, il le fait non seulement parce qu'il fait un film d'adulte mais surtout pour servir son propos.
Dans le rythme également, le film adopte une approche
old school mais l'assurance de l'écriture et de la mise en scène est telle que j'ai été tenu en haleine deux heures durant. Entre cette introduction qui prend le temps de tisser la relation naissante entre Max et Marianne sur un tiers du film ou bien toutes ces séquences que Zemeckis laisse durer et durer et durer, sans musique, laissant la tension monter, on retrouve dans sa forme la plus cinématographique le leitmotiv à la fois formel et narratif du metteur en scène : le temps.
Que ce soit dans la traite maximum du suspense de la plupart des séquences ou dans le
timelock de l'intrigue : au bout de 72h, l'armée saura si Marianne est une espionne...mais c'est trop long pour Max. Sauf qu'ici, on n'est pas dans un film où le mari enquête sur sa femme pour savoir si elle le trompe mais pour prouver le contraire.
C'est là qu'on voit qu'on est bien devant un film du créateur de
Retour vers le futur, un film où le héros n'a qu'un temps limité pour...faire tomber amoureux ses parents. Parce que cet amour imperméable au temps comme motivation, c'est une des autres marottes de Zemeckis, qu'il s'agisse de l'amour de Forrest pour Jenny à travers les années ou de celui de Chuck Noland pour sa femme, même lorsqu'il est échoué sur une île déserte pendant quatre ans.
Pendant un moment, j'ai cru qu'
Alliés serait une sorte de
Gone Girl version "espionnage en temps de guerre", articulé autour de l'idée du mensonge dans le mariage et du double cher à l'auteur, qui a recours à ses habituels jeux de miroirs pour créer des doubles à partir d'une même personne, mais ce serait oublier le premier degré absolu de l'entreprise. Ce serait oublier que le film fait le choix du romantisme et non du cynisme.
C'est pourquoi on est bien au-delà d'une resucée de
Mr and Mrs Smith en mode WWII. Point de post-modernisme type
"traitons du mariage à travers l'action" dans l'approche de Steven Knight et Zemeckis, on est face à un film qui fait preuve d'une foi absolue en son romantisme et donc en ses scènes, comme en témoigne cette incroyable scène de baise dans une voiture - un travelling circulaire improbable, la tempête de sable comme seul accompagnement sonore, et ça dure et ça dure et ça monte et ça monte et la tempête ne peut rien contre l'union du couple - ou celle de l'accouchement, en plein bombardement, avec la même idée que le contexte est moins fort que leur amour.
Enfin bref, je peux d'ores et déjà annoncer que ce film à l'ancienne, assez petit, assez simple, pas un truc à tiroirs, ne sera pas du goût de tous mais il a complètement séduit le romantique en moi. Je me suis laissé cueillir, comme ce héros qui arrive dans le film porté par le vent telle la plume de
Forrest Gump.