Forum de FilmDeCulte

Eté 1910, Baie de la Slack dans le Nord de la France. De mystérieuses disparitions mettent en émoi la région. L'improbable inspecteur Machin et son sagace Malfoy (mal)mènent l'enquête. Ils se retrouvent bien malgré eux, au cœur d'une étrange et dévorante histoire d'amour entre Ma Loute, fils ainé d'une famille de pêcheurs aux mœurs bien particulières et Billie de la famille Van Peteghem, riches bourgeois lillois décadents

Nos amis festivaliers ne daignant pas ouvrir de topic pour ce film en compétition, je m'y colle (surtout pour entendre les divers sons de cloches de la communauté).

Ma Loute se situe dans la droite lignée de P'tit Quinquin, que ce soit au niveau de la photographie (magnifique dans les deux, probablement encore plus belle dans Ma Loute), géographique et thématique (une enquête policière au sujet de mystérieuses disparitions). Mais si P'tit Quinquin est contemporain et centré sur l'enquête, Ma Loute se passe au début du XXème siècle et le sujet est éclaté entre le duo de policiers (véritable réincarnation de Laurel et Hardy), la famille d'industriel consanguins (emmené par un Lucchini des grands jours) et le quartier des pêcheurs. De P'tit Quinquin, on retrouve également l'humour noir et les accents du Nord à couper au couteau (ce qui avait fait couler pal mal d'encre si j'ai bien compris, certains reprochant à Dumont de se moquer de la population nordiste en choisissant pour acteurs les plus "typiques" d'entre eux).

Une fois dit tout cela, j'avoue avoir pris beaucoup de plaisir lors de la projection, Dumont forçant encore plus le trait que dans P'tit Quinquin et livrant une œuvre totalement burlesque (c'est probablement ce que je préfère du film) et outrancière. Mais j'ai aussi été dérouté (en fait de plus en plus tout au long du film), cherchant probablement un message que l'auteur n'avait probablement nul envie de livrer. On pourrait par exemple considérer que la rivière, traversée par les touristes dans les bras des pêcheurs, représente le fossé qui sépare les bourgeois de la plèbe, mais il m'étonnerait que Dumont ait tenu à véhiculer un quelconque message de classe dans ce film. Au final, le côté un peu décousu des 3 univers qui s'entrechoquent me fait préférer à ce film l'univers de P'tit Quinquin qui est plus homogène.

Perso, je suis allergique aux Dumonts "comiques" alors que je suis un grand fan de ses précédents films : 29 Palms, Flandres, Hadejwich. Mais c'est intéressant de voir un cinéaste tel que lui évoluer de cette manière.

Rien vu d'autre que P'tit Quinquin et Ma Loute de Dumont, à voir quel sera mon jugement une fois que je connaitrais mieux son œuvre.

Je fais partie des rares personnes à préférer aussi le Dumont pré-P'tit Quinquin. Je crois d'ailleurs que mes deux préférés sont Hors Satan et Camille Claudel 1915.

Là Ma Loute, je l'ai vu il y a deux semaines et j'ai toujours un peu du mal à savoir ce que j'en ai pensé. D'un côté c'est un film impressionnant, une espèce d'expérience unique et singulière dotée d'une qualité picturale extraordinaire tout en visages et paysages (on ne verra sans doute aucun film français plus beau cette année) mais de l'autre un sentiment de roublardise voire même de mépris du public. Pour faire court Ma Loute est un film qui cherche à faire rire et à donner immédiatement honte d'avoir ri. Que ce soit par le niveau des gags où l'on n'est même plus dans le burlesque ou la caricature mais plus simplement dans l'idiotie la plus assumée (le gros inspecteur obèse qui roule sur lui même, Luchini qui se retrouve les quatre fers en l'air, ce gag final absolument affligeant du ou par la manière de rire de l'horreur (la scène la plus marquante étant celle où Binoche parle d'inceste en jouant comme Lemercier dans Les Visiteurs). Bref il y a quelque chose d'un peu dégueulasse dans le film je trouve, un manque de sincérité.

On sait Dumont profondément misanthrope mais il y avait toujours chez lui une tendresse, une humanité qui sourd. Or là on cherche mais on ne la trouve pas. Il nous fait espérer avec cette histoire d'amour entre Billie et Ma Loute mais, comme un gamin, s'amuse à tout saccager in extremis. C'est d'ailleurs à l'image du titre du film. Le personnage le plus beau, le plus noble est bel et bien Billie, superbe ado mi fille, mi garçon. Et pourtant Bruno Dumont prend le partie d'intituler son film Ma loute, soit un fils de pêcheurs de moules, meurtrier et cannibale (ce n'est pas un spoiler c'est révélé dès le début).

Mais au delà de tous ces reproches je ne peux m'empêcher de trouver souvent le film admirable par sa féroce singularité, par son refus total des compromis, par la grâce soudaine et mystique qui vient poétiser cette caricature outrancière.

4/6

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CroqAnimement votre

C'est vraiment deux cinéma très différents, la première partie de son oeuvre est plus "philosophe" et plus dramatique. Comme porte d'entrée, je te conseille Flandres qui est un de ses plus beaux et plus accessibles. Si tu accroches, continues avec les autres qui sont eux-aussi excellents, les plus radicaux étant L'humanité (grand prix du jury cannois) et surtout 29 palms. J'adore ce dernier mais c'est surement son plus radical et on peut le rapprocher d'un Gerry. Après, le style de Dumont est différent de celui d'un Gus Van Sant mais les deux films ont pas mal de points communs : concept minimaliste, rythme lent, grands espaces désertiques américains. Je comprends tout à fait qu'on puisse rejeter le film qui joue sur la durée de manière consciente (ce qui peut énerver surtout que ça dure 2 heures) mais personnellement je me suis pris une vrai claque. Dans ces films pré-Petit quinquin, tu as une vraie volonté de Dumont de sortir le spectateur de son confort, de le bousculer et de l'interroger sur des thématiques existentielles (guerre, religion, sens de la vie, etc.). Et aussi il faut savoir que beaucoup de ses acteurs sont amateurs ce qui peut rebuter.

Au contraire, ce sont deux cinémas quasiment identiques. La seule différence est l’irruption de l'humour jusqu'alors totalement absent. P'tit Quinquin t'enlèves l'humour, c'est L'humanité. Ma loute développe des choses plus nouvelles (le travail avec une troupe d'acteurs professionnels [que Dumont prend un malin plaisir à humilier - avec leur consentement], le film d'époque) mais au fond c'est encore une fois très proche de ce qu'il a déjà fait.

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CroqAnimement votre

Oui je me suis mal exprimé, on va dire que c'est deux versants un peu opposés par l'irruption de l'humour dans ses deux derniers mais dans le coeur ça reste du Dumont. Je suis moins fan de Camille Claudel que de ses autres films même si je trouve Binoche remarquable. Je ne le conseillais pas comme porte d'entrée parce que je le trouve un peu à part mais il vaut évidemment le coup d'oeil.

Au contraire c'est totalement burlesque, dans Laurel et Hardy les gags ne volent absolument pas plus haut.

Oui bien sûr que c'est burlesque, mais c'est pas du "beau" burlesque. C'est pas fin, c'est pas intelligent, c'est Luchini qui s'assoit sur un transat et qui se retrouve le cul en l'air. C'est nul, c'est ce qu'on ferait dans un sketch pour faire burlesque. Et le pire c'est que Dumont le sait et que ça l'amuse de nous affliger tout en nous faisant rire. C'est là je trouve qu'il y a quelque chose d'un peu sadique et "bête" dans sa démarche.

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CroqAnimement votre

Je comprends très bien ce que tu veux dire, mais c'est parce que ce n'est pas politiquement correct (le gag récurrent de l'inspecteur obèse qui se retrouve par terre à chaque fois qu'il s'agenouille ou qu'on le percute). Perso ça ne me touche pas, le burlesque originel est très incorrect et méchant (même chez Keaton parfois)

Oui mais il y a aussi une poétique, un art du rythme, un travail sur le corps. Là c'est juste posé là, tel quel de manière volontairement brute (à part peut-être pour l'inspecteur, qui a un corps burlesque).

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CroqAnimement votre

Toujours plus ! Dans Ma Loute, Bruno Dumont a la fâcheuse et ennuyante manie de ne jamais s’arrêter. Son film commençait pourtant super bien. Du moins, les effets recherchés fonctionnaient. Des gags à répétitions avec ces deux policiers loufoques. Qui essayent, tant bien que mal, de résoudre le mystère des disparitions. Un Fabrice Luchini complètement dément dans la voix, dans la posture et dans le phrasé. Et un début d’histoire qui déroule.
Malheureusement, Bruno Dumont aime exagérer, aime appuyer tout ce qu’il fait dans ce film. Et au bout d’un moment, les gags ne font plus que sourire, ne font plus que passer, ne font plus que saouler ! Et le problème c’est que cela dure pendant les ¾ du film. Pas de quoi se réjouir de cette sélection. Le burlesque dépasse en fait les limites du grotesque. Le jeu de Juliette Binoche est exaspérant (toujours plus de sur jeu). Même chose pour Valeria Bruni-Tedeschi ennuyeuse, et Jean-Luc Vincent insupportable. Seuls acteurs en retenu, pas forcément excellents mais juste, les deux « héros » : Brandon Lavieville (Ma Loute) et Raph (Billie Van Peteghem). Quelques points positifs, la très bonne utilisation de la musique et une magnifique photo. Mais c'est bien la seule chose.

2/6

Le virage de Dumont avec Ptit Quinquin et Ma Loute reste surprenant. On a du mal à comprendre comment il a pu basculer dans le comique et plus particulièrement le burlesque, quand l'on pense à sa filmographie antérieure. Mais, force est de constater, qu'il a décidément trouvé quelque chose avec ce ton unique qui approfondit son cinéma plus qu'il ne le renouvelle totalement.

Ma Loute est particulièrement violent et grinçant pour la bourgeoisie. Mais cela aurait pu rester inoffensif, car un bourge d'hier n'est pas un bourge d'aujourd'hui... C'est plutôt les pauvres qui occupent dans le film donc la fonction de choquer le bourgeois, qui du coup monte dans les tours en dénonçant la manière carricaturale de décrire "le peuple"... A mon sens, Dumont veut aussi, à travers ce grossissement aburde (le cannibalisme), évoquer de loin en loin la violence pure dans laquelle sont laissés les pauvres aujourd'hui, et qui les conduit à adopter une violence symétrique. Le trait reste symbolique, Dumont ne visant pas le réalisme social. D'où peut-être certaines méprises...

Auto-promo, Karloff-style, de votre serviteur qui a pu interviewer Dumont il y a quelques semaines: http://france3-regions.francetvinfo.fr/ ... 95911.html

Tu bosses pour l'AFP ? sinon je suis méga-soft...

Mon premier Dumont donc je peux pas discourir sur le bonhomme. Toujours est-il que c'est tout ou rien: on adore ou on rejette. De mon côte, j'apprécie le visuel (beau scope) et "Raph" (??) irradie l'écran à chaque apparition, mais j'ai été consterné par tout l'aspect "comédie", non pas burlesque (où est le rythme?) mais grotesque. Et le surjeu de Luchini et Binoche, là... C'est pas passé. Je respecte, mais c'est vraiment pas ma came.
1,5/6

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Ed Wood:"What do you know? Haven't you heard of suspension of disbelief?"