Forum de FilmDeCulte

Un jeune publicitaire voyage jusqu'au fin fond de la campagne pour des funérailles et constate que personne n’y connaît son nom ni la nature de sa relation avec le défunt.
Lorsque le frère aîné de celui-ci lui impose un jeu de rôles malsain visant à protéger sa mère et l'honneur de leur famille, une relation toxique s'amorce bientôt pour ne s'arrêter que lorsque la vérité éclatera enfin, quelles qu'en soient les conséquences.

Aussi dépouillé que ses précédents films débordaient d'un trop-plein d'énergie et d'effets, Tom à la ferme est un huit clos étouffant adapté d'une pièce de théâtre d'un auteur qui s'intéresse systématiquement à l'homosexualité sous le prisme de la violence. Homophobie, travestissement de l'identitité sexuelle, bashing, deuil, schizophrénie, cocaïne en rase campagne, Dolan semble s'adonner avec joie aux codes du thriller en jouant avec les formats et une musique de Gabriel Yared, en tentant quelque chose de neuf. Le jeu de fascination/ répulsion qu'il entretient avec le viril et magnétique Pierre-Yves Cardinal rappelle (en un chouia moins abouti) la séduction à mort de L'inconnu du lac au milieu des blés, faisant monter une pression claustrophobique et masochiste qui se désintègre hélas parfois dans les soubresauts d'une narration en fuite perpétuelle.
4/6

Ah ! C'est ce que j'attendais, c'est plutot rassurant.

Vrai renouveau pour Xavier Dolan, avec ce huis clos oppressant, métaphorique en diable sur l'impossibilité de faire le deuil.

J'aime moins la fin qui sent le *je n'arrive pas à finir*

4/6

C'est marrant comme cette entame autodérisoire apparait comme un vrai aveu de la part de Dolan: il se regarde littéralement écrire, pour conclure sur "fuck, c'est pourri". C'est en quelque sorte pour lui une façon de nous dire qu'il va enfin arrêter l'autocomplaisance, sa mauvaise habitude de faire passer à tout prix son style avant ses films, et qu'il va enfin s'attacher à nous raconter une histoire, sans artifice.

Et je trouve qu'il tient plutôt bien ses promesses. Pas de superflu dans "Tom à la ferme", pour une fois on a un Dolan asséché, rude, violent. Le film est sous tension permanente et passe comme un flèche, mais je regrette quand même qu'il tombe facilement dans la galerie de personnages pommés, irrationnels, et ça manque de contrepoint je trouve: faire naitre une figure plus droite, sur laquelle on puisse poser nos repères, s'appuyer, donner un peu de souffle là où on ne fait qu'avancer dans le trouble pendant deux heures.



Si j'avais jamais été réellement convaincu par aucun film de Dolan jusqu'à celui-ci, je n'ai pour autant jamais fermé les yeux sur le talent (trop) évident du jeune cinéaste, et je suis assez heureux du tournant qu'il a pris sur Tom à la ferme. Je suis persuadé qu'il a de quoi nous sortir plusieurs très beaux films d'ici quelques années.

4/6

Dis donc, jamais j'aurais cru aimer autant ce film.

Dolan est vraiment un type surprenant. En s'éloignant de ses tics d'auteurs complaisants à la Lawrence Anyways, et en essayant de toucher un plus large public, il vise bien plus juste et nous livre un film d'une liberté rarement atteinte dans son cinéma. Plutôt que de faire un simple drame sur l'homosexualité en milieu rural, avec ces scènes dramatiques attendues et premier degré, il décide de nous faire un film de suspense complètement fou et sans limite, un exercice de style à la poésie décalée qui touche son sujet d'une façon inédite, avec un humour vraiment barj. Mais ce qui surprend le plus, c'est la virtuosité de Dolan et sa gestion de l'espace et du son (qui n'a rien à envier au cinéma d'horreur à la Hitchcock). C'est la plus grande surprise que nous fait Dolan, alors que tout le monde le vouait a un type de cinéma d'auteur bien précis prisonnier de certains codes. Mais tout en frôlant les codes d'un autre type de film (celui de genre), le sujet/scénario de Tom à la Ferme réussit l'exploit d'en décoller. Il trouve grâce et subtilité dans cet amalgame hors du commun (grâce à une étude très fine et ambiguë de ses personnages).

Voilà. Il s'agit peut-être de l'un de mes premiers coups de coeur de l'année.

Et c'est fou de savoir que Dolan n'a jamais vu de film d'Hitchcock (il a avoué en entrevue avoir vu Vertigo étant enfant et d'avoir trouvé ça chiant à côté de Jumanji). Peut-être a t-on affaire à un gamin qui grandit et qui essaie de se débarrasser de l'image prétentieuse qu'il s'est façonné par fragilité (celle du cinéphile au bon goût irréprochable). Par exemple, il aimait bien crier dans ses films qu'il adorait Kar-Wai et Antonioni. Maintenant, j'aime bien qu'il nous parle de ses influences un peu plus grand public (il évoquait Titanic à André Turpin, son directeur-photo, pour éclairer certaines scènes de Tom à la Ferme). J'ai l'impression qu'il essaie de se débarrasser de sa carapace, qu'il essaie maintenant de montrer le côté plus simple, plus accessible de sa personne. Il se laisse aller avec un peu plus de naturel je trouve. De toute façon, il n'a pas besoin d'en mettre des tonnes. Son talent est brut, et les preuves ne sont plus à faire maintenant.

4.5/6

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"marre du retour infini de ce topic"

Ouais, bon veille à ne pas trop tomber dans les panneaux de ce genre d'interviews.

Qu'est-ce que ça veut dire ça?

Dolan est vraiment un fan du bon cinéma américain. Et il l'affiche dans ses dernières entrevues. Je ne crois pas que c'est de la pose. Il adore Dark Knight d'ailleurs.

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"marre du retour infini de ce topic"

C'est un poseur naturel, c'est normal, c'est de son âge, et il n'a sans doute jamais connu d'autre milieu que le sien. Il ne faut pas prêter trop attention à ce qu'il dit.

Et il ne faut surtout pas regarder ses films je suppose?

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"marre du retour infini de ce topic"

Si si. Ensuite Titanic est un très bon film maniériste, ça ne m'étonne pas que ça lui plaise et qu'il le cite en référence dans les interviews, mais ça me semble juste une tentative ratée de snobisme de sa part (pas tout à fait ratée si certains y voient une volonté de sortir de sa niche). C'est l'exercice de l'interview qui réclame ça, il dit même dans son interview à Première vouloir faire un film de superhéros et tout un tas d'autres choses. Rien à prendre vraiment pour argent comptant à mon avis.

Hein ?

N'ayant pas envie de te faire un cours sur la question, j'ai tapé "Titanic" + "mannerism" sur google. Mal m'en a pris puisque je suis tombé sur un extrait d'un bouquin d'Alain Badiou, que je n'aime pas du tout, mais il fait référence à un article des Cahiers sur Titanic et la fin du maniérisme:



Pas du tout ma came, et je ne sais rien de l'article en question. Peut-être même il dit le contraire de ce que je pense (en quoi Titanic annoncerait-il donc la fin du maniérisme?).

Sinon je te conseille de revoir le film, des Dario Argento, des Terence Davies, des trucs différents qui peuvent passer pour maniéristes.

Ça tombe bien, ce n'est pas ce que je te demande.


Je connais bien ces films, je te remercie, mais comme le dit Badiou, Titanic est néo-classique, pas maniériste.

c'est un sujet intéressant et qui se discute. Il y a vraiment des trucs qui m'avaient frappé en le revoyant au cinéma récemment, dans la dernière partie, quand l'eau a envahi tout le bateau, des trucs baroques, qui me faisaient à un giallo. J'imagine qu'on pourra aussi parler de touches maniéristes.
Ces discussions sont un peu stériles, pardonnez-moi!
Je lisais ça à l'instant. Putain, je n'aime pas Daney, ses définitions sont trop péremptoires et condescendantes, mais il se fait un peu la même idée que moi du terme "maniériste" et qui me semble assez bien correspondre à Titanic et au cinéma de Dolan.

Si Titanic vous évoque le giallo, vous êtes tout excusé.