Neville a écrit:
Le but des films est d'engendrer sufisamment d'argent pour en faire un second. Un réalisateur est parfois un artiste mais c'est surtout un travailleur qui espère vivre de son art.
Quel étrange retournement de valeurs. A moins que l'on soit retourné au XVIème siècle et que personne ne m'ait prévenu.
Neville a écrit:
Tu ne savais pas que faire un film avait un but ? Normal, si tu avais déjà réalisé tu le saurais...
Je suis pas réalisateur, normal que je ne réalise pas... et quand j'écris de la musique je ne le fais pas en ayant un but autre que celui d'écrire de la musique. Mais ca n'a guère de sens dire que le but d'une chose c'est elle-même, donc non, l'art n'a pas de but, il n'a pas d'autre finalité que lui même.
A partir du moment où tu conçois de manière première un but extra-artistique dans l'art, tu n'es plus un artiste. Ca ne veut pas dire qu'il n'y a pas de contigences commerciales, il y a bien sur des notions de travail et de métier dans l'art, il y a des contextes économiques. Mais l'art ne se définit pas à partir d'eux. Si ton discours sur l'art se limite à dire que parfois (ou tout le temps) pour bouffer les artistes ont fait des commandes...
Neville a écrit:
Le site de la Fnac a un contenu artistique. Il y a de l'écriture, des personnages, des histoires, des décors, une mise en scène, une lumière, un montage.... Dire que c'est de l'art, c'est tout much mais par contre il a un contenu artistique...
Il y a un contenu créatif. Mais plein de métiers en ont, on ne les considère pas comme des métiers artistiques pour autant.
Neville a écrit:
Il a également un contenu artistique avec des choix artistiques.
Qu'est-ce qu'un choix artistique?
Neville a écrit:
Tu sais comment s'appelle mon coéquipier qui s'est occupé du design ? Un directeur artistique. Et crois moi, il porte bien son nom.
Lol...
Neville a écrit:
j'adore le fait que tu parles de plein de choses mais que finalement ce ne soit que de la théorie. Tu ne pratiques pas, tu ne connais pas, par contre tu en lis des livres et tu en vois des films.
Oui, tous les théoriciens n'y connaissent rien, et tiens virons tous les gens de filmdeculte parce qu'ils ne pratiquent pour la plupart pas. Bon, je te rappelle que j'écris des textes et de la musique, donc je pratique quand même un peu, même si ce n'est pas du cinéma. Après, si tu veux, Britney Spears est plus "artiste" que moi parce qu'elle fait des scènes internationales. Je te laisse à ce genre de considérations.
Neville a écrit:
Moi aussi j'avais plein de préjugés mais on prend un peu de la tête, on regarde autour de soi et on change d'avis.
Et on se met à faire de la merde "parce qu'il faut bien bouffer"?
Neville a écrit:
C'est terrible que tu ne répondes pas au point le plus pertinent de mon message: le Caravage, un peintre reconnu comme un génie qui faisait des toiles sur commande pour se payer à bouffer. Là, t'es pas là, t'as rien à dire ?
Je n'y réponds pas parce que d'une c'est une question complexe, et de deux je sais que ca ne mènera à rien. Mais si tu y tiens vraiment je vais répondre :
Tout d'abord, il faut distinguer ce qui est intrinsèque à l'oeuvre et ce qui est du domaine du contingent. Qu'un artiste cherche à se faire payer pour vivre, c'est du contingent, ca n'a pas nécessairement d'incidence sur l'oeuvre elle-même. La question est de savoir dans quelle mesure la contingence s'imprime dans la forme de l'oeuvre.
Le Caravage est un artiste des XVIème et XVIIème siècles. A cette époque, la distinction entre art et artisanat est encore ambigue. Est artiste celui qui est habile et qui maitrise des techniques pour exprimer un certain idéal de beauté, pas celui qui exprime une vision du monde personelle ou des sentiments. En ce sens, le fait que ca soit des commandes est secondaire à la réussite de l'oeuvre : les thèmes choisis, allégoriques, mythologiques ou bibliques, sont récurrents d'un peintre à l'autre, et c'est la manière dont il va les révéler et les mettre en forme, la qualité, l'habileté et l'originalité de la réalisation, qui importent et qui fait le génie de l'artiste.
Une commande est une chose qui peut prendre des formes très diverses : parfois elles exigent des thématiques et des formes précises (dimensions, matériaux), mais elles peuvent être vagues, ou simplement la demande d'un amateur du peinture qui le laisse libre de ses choix. A l'époque de Le Caravage, cela influe finalement assez peu sur la qualité finale non pas parce que les contraintes ne sont pas fortes, mais parce que l'intérêt artistique n'est pas porté sur la vision de l'artiste au sens romantique. On dit parfois que le mécène est aussi important que l'artiste dans la réalisation finale. Ce n'est pas faux, mais c'est parce qu'il prend certaines décisions (choix du matériau, des thèmes, des dimensions) que l'artiste prendrait seul et prend ainsi part à la création, pas simplement parce qu'il met l'argent sur la table. Peut être peut-on parler dans certains cas de co-création, des cas oubliés parce que le contexte ne considérait pas l'artiste de la même manière qu'aujourd'hui (cf les oeuvres réalisées par des ateliers entiers qui ne portent que le nom du peintre principal). Mais le génie de Le Caravage, c'est un génie lié à un contexte esthétique (ce n'est pas un hasard si son principal apport est le clair-obscur).
De plus, la destination originelle tend à disparaitre avec l'éloignement temporel. Par exemple, les variations Goldberg de Bach ont été écrites pour un comte qui avait des insomnies, et qui voulait que son claveciniste lui joue des pièces pour l'occuper la nuit... Ca a beau être une commande au contenu en partie déterminé, la réalisation appartient totalement à Bach et le contexte de réalisation est tout à fait secondaire, et nous pouvons écouter cette musique de manière totalement indépendante sans que la "vérité du contenu" en soit affectée, sans en avoir une écoute fausse.
Maintenant, la pub. Passons sur le fait que l'art n'est plus conçu aujourd'hui comme il l'était au XVIème (ce qui me parait une raison déterminante, mais bon on va rester sur ta comparaison qui "oublie" quatre siècles d'histoire de l'art). Ca se rapproche en effet de la commande (mais le film de studio aussi), mais il diffère en cela que ce que l'on commande ce n'est pas une oeuvre, qui peut être sur un thème déterminé, de dimensions déterminées, pour un lieu déterminé, mais une réalisation destinée à valoriser telle marque, à mettre en avant tel aspect d'un produit, à donner une image d'une marque... bref, destiné à présenter et à vendre quelque chose qui n'est pas de l'art. Et ceci s'imprime formellement dans la réalisation, dans le format, l'organisation, les choix. Ce n'est pas juste une commande, c'est "donner une image de"... qu'est-ce qui se donne à voir dans la pub? Ce n'est pas l'oeuvre pour elle-même, c'est un produit ou une entreprise qui est derrière la réalisation. Tu pourrais dire que c'était pareil pour la renaissance et l'époque baroque, il y avait souvent derrière un symbole, une religion, un état, mais l'oeuvre était inscrite dans un contexte esthétique qui n'est plus celui d'aujourd'hui, il y a une manière de penser la symbolisation et le rapport au symbole qui est radicalement différente entre la pub et la commande artistique de la renaissance, et surtout il manque quelque chose à la pub, c'est la possibilité d'être de l'"art pur", c'est à dire détaché de ses contingences de création et de sa destination. Une pub sans produit derrière, ce n'est plus une pub, c'est un court-métrage.
Il y a aussi à prendre en compte les moyens et les lieux de diffusion qui sont essentiels à la définition de l'art.
Peut être que la distance peut ensuite donner valeur d'art à une pub, comme c'est le cas pour les productions rituelles des cultures extra-occidentales, mais dans le contexte actuel, la pub ne répond pas aux critères établis par l'histoire de l'art. Après, tu peux te prendre pour le sociologue Becker et dire qu'il suffit que deux personnes soient d'accord pour dire que telle chose est de l'art pour que ca en devienne... mais moi ca ne me satisfait pas vraiment.
Après, j'écris trois tonnes de trucs pour répondre à une comparaison qui est hors de propos au départ parce qu'elle concerne deux époques esthétiques radicalement différentes. On ne peut pas limiter ca à une histoire d'être payé pour bouffer...
Neville a écrit:
Je ne sais pas pourquoi tu parles de piédestal... t'es sur la défensive on dirait... y a un problème ?
Hou là non, c'est juste parce que tu es très prétentieux.
Neville a écrit:
Et puis je ne prends pas pour un génie créatif mais je vais tout faire pour le devenir. Continue d'étudier, de critiquer et de théoriser. C'est tellement plus facile de s'abriter derrière son veston d'étudiant.
Je crois qu'on ne peut pas être un bon artiste sans avoir étudié l'oeuvre de ceux qui nous précèdent et nous entourent. Je ne vois aucune honte à ca, ce n'est pas une manière de s'abriter, c'est au contraire une manière de forger son art.
Neville a écrit:
Je voulais essayer de te respecter mais tu es un serpent qui ne fait que siffler. Tout ce que je sais, c'est qu'on a encore rien vu de ton travail, rien du tout. Au moins, ceux qui montrent des trucs persos, ils se lancent et osent se mettre à découvert. Toi, c'est juste du blabla et de l'aigreur.
Tout vient à point à qui sait attendre. Je ne sais pas si c'est l'endroit où je présenterais mon travail, étant donné que je ne fais de cinéma, mais peut être qu'un jour pourquoi pas. Faut-il aussi te rappeller que j'ai 5 ans (si ce n'est plus, je ne sais plus) de moins que toi? J'aimerais bien savoir ce que tu présentais à mon âge.
Franchement, j'ai pas vraiment de leçons de recevoir de toi, pas encore en tout cas. Les leçons, je les recois des grands.