Film Freak a écrit:
Malheureusement, cette rétro-ci ne se fera pas dans l'ordre chronologique. Bouffons d'organisateurs de la Cinémathèque.
Celui-ci, ce doit être le tout premier Kubrick que j'avais vu, il y a de cela maintenant si longtemps que je n'en gardais absolument AUCUN souvenir si ce n'est que j'avais plutôt apprécié.
D'entrée de jeu, j'ai été frappé par la modernité de la mise en scène.
C'est un film de 1957 et pourtant je n'y vois que très peu des oripeaux horripilants des films de cette époque qui rendent difficilement accessibles les films pré-1970 à mes yeux de pauvre petit cinéphile conditionné.
Pauvre petit cinéphile conditionné qui sait désormais que "les films de cette époque" étaient loin d'être aussi "figés" qu'il ne le croyait.
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Face aux images, j'ai eu l'impression que Kubrick ne respectait aucun académisme vraisemblablement imposé par les canons de mise en scène de l'époque, notamment lors de ces longs travellings arrière, filmant un personnage de face, dont il a l'habitude.
Ça, effectivement, ça tranche pas mal.
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Ou plus particulièrement dans la toute première scène, qui reste pour moi la plus fascinante de tout le film, au cours de laquelle le Général Broulard vient demander au Général Mireau d'envoyer sa division dans une mission-suicide.
La mise en scène (dans le sens théâtral du placement des acteurs dans le décor) et le travail de caméra sont remarquables au cours de cette séquence, faisant évoluer de manière presque aléatoire les personnages dans leur environnement, leur faisant faire des petits parcours "gratuits", de la chaise au bureau et on revient, avec la caméra presque toujours mobile qui les suit et puis pas totalement, et puis parfois un personnage en prend un autre par le bras et fait un petit tour dans la pièce, suivis par la caméra. C'est une danse.
Kubrick fait danser ses acteurs et sa caméra, illustrant le propos de Broulard, manipulateur doucereux qui séduit son subalterne en lui faisant miroiter des étoiles (militaires) devant les yeux.
Extraordinaire séquence durant laquelle j'ai repensé une fois de plus la même chose - ils dansent - avec la valeur ajoutée cette fois de constater à quel point c'était aussi la démarche d'une personne en acculant une autre, l'empêchant de s'enfuir, symbolisant le système inextricable qui va étouffer l'individu.
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De la même manière, j'aime comme on ne verra presque jamais rien d'autre que des tranchées et des bureaux, le monde réel n'existant pas en temps de guerre pour nos protagonistes, comme pour montrer que c'est autant sur le terrain qu'au niveau de la bureaucratie que se mène la guerre.
Le récit aurait pu s'étendre au-delà mais reste assez contenu, ce qui fait sa force...
Et les tranchées, dans la crasse desquelles s'entassent les hommes et où déambule la caméra, sont aussi oppressantes que les bureaux, dont l'opulence est filmés en plans larges, rétrécissant l'humain, l'écrasant.
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...mais aussi sa faiblesse, à mon goût.
En effet, je trouve le film un peu "petit". Tout va très vite et en 88 minutes à peine, c'est terminé.
Je suis sans doute trop habitué à voir des scènes de guerre aux dimensions plus épiques et des scènes de procès à la portée capraesque, et je saisis très bien qu'ici les événements ne s'y prêtent justement pas (le fiasco de l'attaque est lié à sa courte durée, tout comme la précipitation du procès torché) mais je ne peux m'empêcher de trouver que l'ensemble manque un peu d'ampleur.
Certaines scènes, prises individuellement, sont assez fortes (la scène du soldat bourré qui punche le curé par exemple, ou globalement toute scène où Douglas s'enflamme) mais le tout me paraît moins puissant que la somme de ses parties.
Ça ne m'a pas gêné cette fois. Il reste bien entendu quelque chose du Kubrick des débuts, le récit s'avérant somme toute rudimentaire, réduisant l'intrigue à ses étapes nécessaires et le rendant un peu démonstratif mais par conséquent efficace avec cet arc là aussi classique comparé aux gros morceaux à venir.
Et l'avancée au front m'a paru suffisamment épique, avec ses zooms puissants qui ciblent le colonel dans la masse en mode...proto-
300.
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La faute aussi à un scénario à la structure un peu bancale. Je n'ai rien contre les films qui ne s'inscrivent pas dans une construction classique, au contraire, mais la progression en 3 actes offre un confort de lecture et de rythme que je trouve malheureusement absent ici.
J'ai pas trouvé ça bancal du tout cette fois.
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Heureusement, le film se termine sur cette dernière séquence tout d'abord effrayante (la manière dont Kubrick dresse le portrait bien noir de l'humanité par le biais de cette bande de soldats complètement beauf face à la pauvre jeune femme allemande, ça fout mal à l'aise) puis étrangement triste et douce (le retournement de la situation par le chant de la jeune femme), qui laisse sur un goût amer. Mais beau.
Oui.
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4,5/6
Même note, cela dit.